Claude Haut : "Je combattrai le choix du gouvernement"

"Je suis plutôt favorable à ce qu'on demande aux Départements de réfléchir à la possibilité de se rapprocher voire dans certains cas de fusionner, annonce Claude Haut. Le Vaucluse peut discuter avec les Alpes de Haute-Provence par exemple..."

"Je suis plutôt favorable à ce qu'on demande aux Départements de réfléchir à la possibilité de se rapprocher voire dans certains cas de fusionner, annonce Claude Haut. Le Vaucluse peut discuter avec les Alpes de Haute-Provence par exemple..."

Photo Valérie Suau

Avignon

Claude Haut, président socialiste du Conseil général de Vaucluse, a généralement le verbe mesuré. La virulence de sa réaction à l'annonce de la suppression des conseils départementaux à l'horizon 2021 a donc surpris, s'agissant d'une perspective tracée par un Premier ministre de sa famille politique. Il dénonçait alors "une mauvaise nouvelle pour la démocratie de terrain, en Vaucluse en particulier" et "une aberration législative". Son communiqué précisait aussi qu'il était prêt à engager "un vaste travail de pédagogie" pour convaincre le Premier ministre de revoir sa position. Entretien.

Pensez-vous qu'il soit vraiment possible que le Premier ministre fasse rapidement machine arrière sur une réforme aussi emblématique ?
Claude Haut : Tout ce que je sais, c'est que cette annonce est assez surprenante puisqu'on demande à madame Lebranchu (ministre de la Réforme de l'État et de la Décentralisation, Ndlr) de dire l'inverse de ce qu'elle disait il y a quinze jours à peine... Et je sais aussi que pour supprimer une strate de collectivité dans notre pays, il faut une révision de la constitution et donc convaincre les trois cinquièmes des parlementaires... Je pense que nous en sommes assez loin.

Le Premier ministre peut aussi utiliser la voie du référendum...
C.H. : 
Oui,mais lorsqu'il y a référendum, en général, les électeurs répondent à côté de la question. Je ne suis pas tout à fait sûr que ça soit la bonne solution... Je suis donc raisonnablement optimiste. Non pas sur le fait que le Premier ministre change d'idée, puisqu'elle était visiblement ancrée en lui depuis longtemps. Plutôt sur le fait que les remontées du terrain lui fassent réaliser que les départements ne sont pas aussi conservateurs qu'il le pense. D'ailleurs, peut-être que certains départements trop petits peuvent disparaître, mais tous les supprimer ne me semble pas une bonne idée. Et peut-être qu'on peut trouver des accords...

Mais il s'agit de supprimer les conseils départementaux, pas les départements.
C.H. : Oui, oui... mais alors quoi, ça veut dire que ce sont les préfets qui vont tout diriger avec le travail qu'ils ont déjà sur le dos ?

On peut aussi imaginer que les conseillers régionaux soient demain élus à une échelle départementale et soient les représentants de leur territoire.
C.H. : Mais pour faire quoi ? Pour économiser les indemnités des conseillers généraux ? Commençons par supprimer les tranches de ce fameux "mille-feuille administratif" que les mêmes personnes ont rajoutées ! Qui a décidé de rajouter les Métropoles ? Pas moi en tout cas... Puisqu'on en parle, je suis tout à fait favorable à ce qu'on supprime les conseils généraux là où on fait des Métropoles mais ça n'est pas notre cas. Il faut penser aux autres territoires, plus ruraux... Et quand on dit qu'on va transférer l'aide sociale, et le personnel qui va avec, aux structures intercommunales, est-ce qu'on a bien conscience qu'on va créer d'autres problèmes en détruisant quelque chose qui fonctionne aujourd'hui ? On peut toujours dire qu'on casse tout et qu'on reconstruit mais je ne suis pas sûr que les citoyens y gagnent quoi que ce soit...

Il ne faudrait donc rien changer alors ?
C.H. : Moi je suis favorable à ce qu'on demande aux Départements de réfléchir à la possibilité de se rapprocher voire dans certains cas de fusionner, comme on va le demander aux Régions. Si on nous dit que demain il ne faut plus 102 Départements mais 60, on peut y réfléchir. La Drôme et l'Ardèche font déjà beaucoup de choses ensemble, par exemple. Le Vaucluse peut discuter avec les Alpes de Haute-Provence par exemple...

N'est-ce pas inconfortable d'être en opposition frontale avec une réforme annoncée par un Premier ministre de votre propre parti ?
C.H. : Attendez, ce n'est pas moi qui ai changé d'idée, n'est-ce pas ? Moi, je combattais la réforme décidée par Nicolas Sarkozy et annulée en 2013. Et je dis que le choix du gouvernement actuel n'est pas bon non plus et je le combattrai... Moi, je suis sur la même ligne depuis toujours. Et je ne défends pas ma chapelle, j'attends simplement qu'on me démontre qu'on a réellement quelque chose à y gagner alors que pour l'instant, je n'entends que des généralités sur le sujet... Quant à la droite, elle était favorable à la suppression de la clause de compétence générale et à la création du conseiller territorial et maintenant ils sont contre la réforme !

On sait que le Sénat avait basculé à gauche en particulier par opposition à la réforme des collectivités décidée par Nicolas Sarkozy. L'histoire pourrait se répéter aux prochaines sénatoriales, en septembre...
C.H. : Oh, vous savez, se tirer une balle dans le pied, c'est une chose qu'on sait très bien faire... J'ai toujours pensé que lorsqu'on est majoritaire dans une assemblée, on essaie de le rester mais ça n'est peut-être pas l'optique du gouvernement actuel...


Alain Duffaut : "La fin des départements, une erreur politique majeure"

"C'est le Premier ministre qui, le mercredi 9 avril, nous a confirmé au Sénat la suppression des départements à l'horizon 2021, écrit le sénateur UMP et conseiller général d'Avignon-Ouest Alain Duffaut. Cette perspective est d'autant plus irréaliste qu'elle va à l'inverse de ce qu'affirmait en début d'année le Président de la République à Tulle, lorsqu'il disait "qu' il ne toucherait pas aux conseils généraux" (sic). Claudy Lebreton, président PS de l'Association des Départements de France (ADF), peut se dire "abasourdi" et le président Claude Haut évoquer "une mauvaise surprise", les faits sont là ! Pourquoi une telle décision qui, si elle était appliquée, aboutirait à la suppression de la collectivité territoriale de proximité où les solidarités jouent à plein ?! De plus, comment peut-on expliquer que, dans le même temps, on réforme les conseils généraux, leur appellation, leur mode de scrutin, le découpage cantonal et qu'on annonce avant même l'application de cette loi que l'échelon départemental disparaîtra en 2021 ?! Quelle incongruité ! Enfin, le sénateur que je suis ne peut oublier qu'en 2013, le nouveau gouvernement de gauche avait réintroduit la clause de compétence générale pour les collectivités territoriales, que nous avions supprimée en 2010, et voici qu'aujourd'hui Monsieur Valls propose à nouveau sa suppression ! Tout ceci est incohérent, précipité et brutal et va porter un coup mortel à la ruralité et en particulier aux 34 départements ruraux français. Heureusement que 2021 viendra quatre ans après 2017 ! En attendant, le Sénat, représentant et défenseur des territoires et des collectivités territoriales, s'opposera à la disparition des conseils généraux avec une large majorité".


En septembre les sénatoriales

Le Sénat est renouvelable par moitié tous les trois ans et le Vaucluse est concerné par les sénatoriales de septembre prochain. "Je serai bien candidat à la candidature pour le Parti socialiste, confirme Claude Haut, sénateur depuis 1995. Mais vous savez, 98 % des grands électeurs sont élus lors des municipales, donc jusqu'à présent, j'étais dans cette séquence-là". Claude Haut reconnaît que, précisément vu le résultat des récentes municipales en Vaucluse, l'hypothèse que le département compte demain un sénateur UMP, un sénateur PS et un sénateur d'extrême-droite n'est pas exclue : "Si aucun des deux grands partis ne parvient à rassembler sur son nom assez de suffrages pour arriver, au plus fort reste, devant le Front national, c'est bien ce qui va se passer..."