TRIBUNE

Entre 40 et 100 députés pour le FN en 2017?

Tous les regards sont braqués sur la présidentielle de 2017. Pourtant, la même année se tiennent les deux tours des législatives, où le FN pourrait gagner un nombre conséquent de circonscriptions.
par Bernard Alidières, Docteur en géopolitique de l’Institut français de géopolitique (IFG) Paris-8.
publié le 3 mai 2016 à 19h01

Depuis les régionales de 2015, la plupart des commentateurs politiques ont le regard fixé sur la présidentielle à venir, mais pratiquement aucun n’aborde la question de l’ensemble de la séquence électorale de 2017 qui comprend les deux tours des législatives. Or, compte tenu de la forte progression du FN en 2015, les futures législatives ne donneront pas forcément une majorité au président nouvellement élu puisqu’il y a désormais trois forces politiques en présence.

Même si la victoire finale est, semble-t-il, hors de portée, Marine Le Pen pourrait atteindre un score bien supérieur à celui de Jean-Marie Le Pen en 2002. Or, plus l’écart avec son adversaire sera faible, plus le FN sera en situation de jouer un rôle important aux législatives qui suivent. Rappelons que le FN est le seul parti à avoir fortement progressé en pourcentage des inscrits depuis les législatives de 2012 (de 7,7 % à 13,3 %) alors que tous les autres ont régressé (le PS de 16,5 % à 11,2 % et la droite de 16,5 % à 12,9 %). Ainsi, sur la base des scores obtenus aux régionales de 2015 dans les limites des circonscriptions législatives (mais en appliquant la règle qui impose d’obtenir au moins 12,5 % des inscrits), le FN aurait été présent au second tour dans 353 circonscriptions (contre 61 en 2012), Les Républicains-UDI dans 402 circonscriptions et les socialistes dans seulement 279 (voir notre «Working-Atlas», IFG-Paris VIII, 2016). Dans ce scénario, outre les trois circonscriptions où le FN atteint la majorité absolue dès le premier tour, il en aurait emporté au moins 43 autres.

Aux législatives de 2017, le FN pourrait aussi gagner un nombre assez élevé de circonscriptions face aux candidats du camp éliminé dès le premier tour de la présidentielle, en profitant des vives tensions au sein du camp battu et de la probabilité d’un niveau d’abstention plus élevé dans une partie de l’électorat découragé, alors que l’électorat FN resterait mobilisé. En cas de qualification de la gauche et donc d’élimination du candidat de droite dès le premier tour de la présidentielle, hypothèse actuellement peu probable, Marine Le Pen aurait la quasi-certitude de drainer une partie de l’électorat de droite et de bénéficier indirectement de mauvais reports en faveur du candidat de gauche au second tour. Une courte défaite de la dirigeante du FN ne démobiliserait pas son électorat alors que de nombreux électeurs de droite écœurés par l’échec de leur candidat seraient susceptibles aux législatives de se replier dans l’abstention, voire de voter pour les candidats frontistes, contrairement à ce qui s’est passé aux régionales. Mais, même en cas de victoire de la droite modérée à la présidentielle, le FN pourrait l’emporter face à certains candidats LR-UDI aux législatives en ralliant une partie des électeurs de droite «déçus» par l’élection d’un président jugé trop centriste, notamment dans des circonscriptions méridionales.

C’est pourquoi, à gauche comme à droite, le risque en 2017 n’est pas seulement de perdre l’élection présidentielle dans un «duel classique» comme en 2007 ou 2012, mais ce pourrait bien être, pour les uns, celui de «tout perdre» (en n’étant pas au second tour de la présidentielle et en subissant une sévère défaite aux législatives) et, pour les autres, celui de l’emporter à la présidentielle, mais avec ensuite la contrainte de faire face à une Assemblée nationale comptant de 40 à 100 députés frontistes. Ainsi, le pouvoir exécutif pourrait ne plus disposer de majorité absolue à l’Assemblée et devrait affronter une nouvelle forme de «cohabitation», beaucoup plus incertaine.

Auteur de : Géopolitique de l’insécurité et du Front national (Armand Colin, 2006) et du Working-Atlas (IFG-Paris VIII, 2016). http://www.geopolitique.net/face-aux-defis-electoraux-de-2017-trois-forces-en-presence-par-bernard-alidieres

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