Menu
Libération
Récit

Ado tué à Marseille : «Une histoire de "nique ta mère"»

Un lycéen de 16 ans a été tué d'un coup de couteau à la gorge, pour un motif futile, devant un lycée à Marseille. L’auteur présumé, ainsi que sa mère et trois autres adolescents sont en garde à vue.
par Stéphane Burgatt, intérim à Marseille
publié le 2 décembre 2016 à 19h44

Comme un besoin de prendre l'air. Vendredi en milieu de matinée plusieurs dizaines d'élèves du lycée professionnel marseilllais Germaine Poinso-Chapuis sortent de leur établissement, situé près des plages de la pointe rouge, au sud de Marseille. Certains portent leur tenue bleue d'atelier. Par habitude, car il n'y a pas cours ce vendredi. «Nous ne les avons pas obligés à venir», souligne un enseignant. Les visages sont fermés. On ne se chambre pas, on ne plaisante pas, on ne crie pas. On discute de ce qu'il s'est passé la veille : un jeune homme de 16 ans a été tué d'un coup de couteau sous leurs yeux devant leur établissement. A l'intérieur du lycée une cellule de soutien psychologique a été mise en place. Pareil à Léonard-de-Vinci, un autre lycée professionnel, situé près du Vieux-Port, où était scolarisée la victime.

Un petit groupe de six adolescents se détache et s’avance vers l’abribus situé de l’autre côté d’un petit parking. Du pied, l’un d’eux montre les marques de sang au sol. C’est à cet endroit, que Karim (1), grièvement blessé, s’est effondré, après avoir parcouru quelques mètres à pied en titubant. Le jeune homme est mort peu après dans l’ambulance sur le trajet de l’hôpital.

«Tout est parti d'une histoire de "nique ta mère"», résume Tony. Une embrouille futile entre deux garçons d'une même classe, Yann, l'auteur présumé du coup de couteau, et Laurent. Tous deux sont en seconde pro de maintenance nautique. «La semaine dernière, Laurent a jeté une boule végétale tombée d'un arbre sur Yann. Le ton est monté et ils se sont battus. Yann a pris le dessus», raconte un élève. Tout aurait pu en rester là, mais vexé, Laurent aurait menacé Yann d'une revanche.

«La panique»

Une semaine plus tard, jeudi, Laurent attend effectivement Yann à la sortie des cours. Il est 17 heures. En soutien, il a fait appel deux amis, venus du lycée Léonard-de-Vinci. Décrit comme «costaud», Yann ne fait pas le poids. Seul contre trois, il tombe à terre et les lycéens sont séparés. «Sa mère était là, pour assister à réunion parents-profs. Elle a vu son fils se faire frapper», précise Marco avant de reprendre : «Il s'est relevé, il a sorti un couteau papillon et là les mecs se sont barrés».

Seul Karim ne bouge pas. Il fait partie des deux ados venus pour aider Laurent. «Il était tétanisé, il n'a pas su quoi faire. Yann lui a mis un coup de couteau, en plein dans le cou avant de se faire ceinturer», raconte un autre lycéen. Tout va très vite. Karim recule de plusieurs pas, la main sur sa blessure à la gorge, puis s'écroule contre l'abribus. Alertés, des professeurs accourent. Ce sont eux qui vont effectuer les gestes de premier secours à Karim : «Il y en a un qui faisait le massage cardiaque et d'autres qui essayaient de comprimer la plaie en attendant les pompiers. C'était la panique !»

Six interpellations

Une scène d'horreur à laquelle ont aussi assisté des adolescents du lycée Marseilleveyre, situé juste à côté. «Chez nous aussi, il y a une cellule psychologique, assure Anaïs d'une petite voix. J'attends mon tour, j'ai besoin de parler, j'ai assisté à la réanimation du garçon alors que je sortais des cours.»

Rapidement Yann, l'auteur du coup, sa mère, Laurent, et deux autres lycéens ont été interpellés sur place. Personne n'a cherché à fuir, seul le couteau reste introuvable. Après vingt-quatre heures de garde à vue, le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, a confirmé vendredi lors d'un point presse les «motifs futiles» à l'origine du drame : «Il y a eu une dernière dispute [entre Yann et Laurent, ndlr] deux jours auparavant sur une affaire de casier.»

Au cours de son interrogatoire, Yann a reconnu son implication mais assure ne pas avoir voulu donner la mort. Sa mère a raconté qu'elle n'était pas parvenue à séparer le groupe au début de la bagarre. Elle aurait alors alerté l'encadrement scolaire et n'aurait découvert l'issue de l'affrontement qu'à son retour. «Il reste encore à établir les conditions précises dans lesquelles ce couteau a été utilisé et à qui il appartenait», souligne Xavier Tarabeux. Le profil de tous les lycéens impliqués a été passé au crible. Aucun n'a de casier judiciaire.

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique