La Biennale internationale des arts du cirque (Biac) dresse son village éphémère de chapiteaux face à la mer, sur les plages du Prado à Marseille. C’est la partie visible d’une manifestation qui, du 21 janvier au 19 février, rayonne également dans une vingtaine de villes de la région Paca : de Briançon à Antibes, d’Arles à Cavaillon.

Ce rendez-vous, comme la vaste synergie qui l’entoure, est l’héritage le plus manifeste de Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture. « Avant, il y avait de nombreuses tensions entre les opérateurs culturels. L’année capitale a permis de créer des moments d’amitié », se satisfait Raquel Rache de Andrade, co-directrice avec Guy Carrara de cette biennale, portée par Archaos, pôle national cirque Méditerranée.

Pour le spectateur, il en résulte un nombre de propositions impressionnant (60 compagnies, 26 créations mondiales, 260 représentations). « Notre ligne, c’est la volonté de montrer toutes les palettes de la création circassienne », poursuit Raquel Rache de Andrade. Une abondance ponctuée de temps forts incontournables.

Johann Le Guillerm invité d’honneur

Le premier s’incarne en la personne de Johann Le Guillerm. « C’est notre Leonardo da Vinci. Quand on voit une clémentine, il voit sa peau et une future sculpture ! », s’enflamme la programmatrice.

Inventeur, créateur, plasticien tout autant qu’homme de scène, l’artiste – qui n’a jamais joué à Marseille – est l’invité d’honneur de la biennale. Avec Secret (Temps 2), Le Guillerm propose du 26 janvier au 18 février, un spectacle d’une insondable poésie. Avec sa tête d’elfe, il se joue de la gravité, dompte les matières les plus retorses, génère des équilibres impossibles.

La magie Le Guillerm déborde aussi du cadre de la piste, puisque deux expositions lui sont consacrées. « Évolutions élastiques » au MuCEM où il orchestre des carambolages entre les objets du fond du musée ; et « Installations » à la Friche la Belle-de-Mai pour plonger, dit-il, dans son « cirque mental ».

Des spectacles jamais vus ailleurs

Avec Sous la toile de Jheronimus, la compagnie Les Colporteurs d’Antoine Rigot s’installe à Marseille, du 26 janvier au 5 février, avec sa nouvelle création. « C’est aussi la vocation de la biennale que de proposer des spectacles jamais vus ailleurs. C’est comme être là quand un peintre réalise ses esquisses », sourit Raquel Rache de Andrade.

De peinture, justement, il est question dans cette relecture du triptyque Le Jardin des délices du Néerlandais Jérôme Bosch. Acrobaties, rêveries et humour célèbrent la volupté et le chaos de l’énigmatique toile. La Biac invite également plusieurs compagnies internationales. Comme Boulevard Conakry, une des rares compagnies africaines programmées. Ces Guinéens ont puisé dans l’énergie du marché de Conakry pour écrire un spectacle aérien, acrobatique et percussif.

Avec Benja, les Brésiliens de la compagnie Borogodo s’approprient l’histoire du premier clown noir brésilien à la fin du XIXe siècle. Cirkus Cirkör, plus grande troupe de cirque scandinave, fait de sa création Limits une réflexion puissante sur les frontières, l’exil et la survie, à l’heure où l’Europe est tentée de se fermer aux migrants. Preuve que le divertissement offre aussi un regard sur le monde.