Un solvant dangereux découvert dans une nappe phréatique

Pertuis

La préfecture a interdit l'utilisation de plusieurs puits de forage de particuliers et professionnels

Il faudra très longtemps avant de parvenir à dépolluer..." Plusieurs années, c'est certain. Peut-être des décennies. Caroline Callens, déléguée territoriale de l'Agence régionale de santé (ARS) dans le Vaucluse ne fait pas mystère de son inquiétude depuis qu'à Pertuis, des analyses ont démontré une pollution des nappes phréatiques au tétrachloroéthylène (voir par ailleurs). Ce puissant solvant a été retrouvé dans plusieurs puits et forages provoquant l'interdiction pure et simple de leur utilisation chez plusieurs particuliers et professionnels.

La genèse de cette affaire remonte à l'été 2016, lorsque l'ARS alerte la Direction départementale des territoires de Vaucluse après avoir repéré un taux anormalement élevé dans le forage d'André Micallef, un éleveur au sud de la ville. La potabilité de l'eau est évaluée à 10 microgrammes par litre d'eau (µg/L). Chez lui, le taux de tétrachloroéthylène dépassait allègrement les 100 µg/L. Décision est prise de fermer son forage. Pour son utilisation personnelle et l'alimentation de ses vaches, l'homme, qui a fermé les abreuvoirs de ces bêtes, a désormais recours à une citerne d'eau de ville qu'il doit remplir très régulièrement. En cette période de sécheresse, c'est un casse-tête.

Un taux 250 fois supérieur au seuil de potabilité de l'eau !

Pour trouver l'origine de cette pollution, les services de la DDT et de la Ville de Pertuis ratissent la zone dans les mois qui suivent. Finalement, plus d'un an plus tard, il découvre dans le puits d'une société située à quelques centaines de mètres à l'est de Micallef, un taux de plus de 2 500 µg/L ! Le 29 septembre dernier, un arrêté préfectoral d'urgence impose l'arrêt de l'usage de l'eau pour Sotramo Parola. Dans le même temps, la préfecture demandent à tous les usagers de cette zone de ne plus utiliser l'eau ni pour les usages sanitaires (boisson, hygiène corporelle...), ni pour l'arrosage des jardins potagers, ni même pour tout usage favorisant la mise à l'air de ce produit dans un espace confiné (machine à laver...).

L'enquête se poursuit pour trouver l'origine

Pour l'heure, cette entreprise, créée en 1937 et spécialisée dans le recyclage de déchets de boucherie en farines et graisses animales, n'est pas considérée comme coupable de la pollution. "Elle n'utilise pas de tétrachloroéthylène", assure Françoise Beaumont en charge du dossier pour la DDT qui poursuit ses investigations.

Dans les prochains jours, un bureau d'études missionné par la DDT va étudier la nappe phréatique à quelques dizaines de mètres de l'autre côté de la route départementale. Si le taux en tétrachloroéthylène baisse sérieusement, le pic sera identifié chez Sotramo Parola. Sinon, la recherche se poursuivra en amont. Si l'origine de la pollution est établie chez elle, quid de l'activité de Sotramo Parola ? "Je suis victime dans cette affaire, explique Natacha Parola, gérante de la société qui utilise l'eau du réseau public quotidiennement. J'ai déposé plainte pour qu'on trouve pourquoi ce taux a été découvert dans mon puits. Il faut qu'on m'explique. Par bonheur, cette eau alimentait notre chaudière et le taux est nul en sortie. Mes employés ne risquent rien pour leur santé."

"Le travail de dépollution prendra du temps"

De son côté, la municipalité de Pertuis met tous les moyens pour répondre à cette crise. En conflit ouvert depuis des lustres avec Sotramo Parola qu'elle souhaite voir partir de la zone commerciale en raison de l'odeur qui s'en dégage, la Ville attend les conclusions de l'enquête avec impatience. "Nous accompagnons la DDT dans son travail. La Ville est préoccupée par cette situation et elle veille à ce que l'arrêté préfectoral soit scrupuleusement respecté", affirme la mairie. Un proche du dossier indique que "la pollution pourrait remonter à 30 ou 40 ans". Un indispensable travail de dépollution sera nécessaire. "Cela prendra du temps, prévient Françoise Beaumont de la DDT. Mais il pourrait y avoir une mise en demeure si un responsable est identifié. Ensuite, il y aura un suivi au long terme." Le tétrachloroéthylène devrait donc polluer l'esprit des Pertuisiens encore un bon moment...

 


Le tétrachloroéthylène, c'est quoi ? Selon les autorités le réseau public ne risque rien

Le tétrachloroéthylène (ou perchloroéthylène) est un solvant organique très utilisé, notamment pour le nettoyage à sec dans les pressings. Il est aussi utilisé comme agent dégraissant pour pièces métalliques ou en imprimerie. Il s'agit d'un liquide ayant une odeur d'éther et qui est incolore, volatil et pratiquement ininflammable. Il est presque insoluble dans l'eau, mais peut se mélanger dans la plupart des solvants organiques ainsi que dans les graisses, huiles, résines... Depuis 1995, le perchloroéthylène est classé cancérogène probable pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) mais son usage n'est pas interdit. La voie principale d'exposition au perchloroéthylène est l'inhalation en milieu professionnel.

La pollution de la nappe phréatique constatée dans des puits pertuisiens a-t-elle des conséquences sur le réseau d'eau de la ville ? "On suit ce dossier avec attention mais nos abonnés n'ont aucune inquiétude à avoir, nous a assuré le Sivom Durance Luberon, le syndicat intercommunal en charge de la gestion de l'eau de Pertuis et des villages environnants. Ils ne sont pas concernés. La nappe touchée n'alimente absolument pas l'eau potable du réseau public." Même son de cloche du côté de l'Agence régionale de santé. "Il n'y a aucun risque pour le réseau public, confirme Caroline Callens, déléguée territoriale. Nous avons fait du porte à porte pour recenser les puits. On a informé individuellement les propriétaires et usagers. La pollution est importante mais partielle sur une zone très ciblée."