Aix-en-Provence : on a gravi la montagne Sainte-Victoire

La montagne préférée de Cézanne fait partie d’un grand site de 35 000 ha aux multiples sentiers à pied ou VTT, aux portes d’Aix-en-Provence. Un paradis sportif.

 La Sainte-Victoire, que les Aixois considèrent comme le clocher du village, est plus complexe à gravir qu’il n’y paraît.
La Sainte-Victoire, que les Aixois considèrent comme le clocher du village, est plus complexe à gravir qu’il n’y paraît. SOPHIE SPITERI

    « La montagne, beaucoup veulent la faire, mais il faut se la fader, l'infuser. » On ne la croyait pas, cette responsable du Grand Site Sainte-Victoire, dont les huit gardes nature arpentent les pentes chaque jour pour étudier la botanique, protéger les rapaces qui nichent, et remettre dans le droit chemin des touristes égarés entre deux sentiers. Sur les tableaux de Cézanne, elle est splendide et placide. Quand on pratique les sentiers alpins, on se dit qu'on ne fera qu'une bouchée de la Sainte-Victoire.

    Stéphanie, la jeune guide nature, voulait quand même discuter de notre niveau. Face sud, ouest ? « Ah, vous avez le vertige ? La face sud est ma préférée, mais on oublie. » Va pour la face ouest, mais on réclame « le sentier le plus difficile », en se rengorgeant un peu. C'est parti. Après la traversée de la forêt et des argiles rouges et roses du peintre, hum, il y a comme un hic ou un roc, le Pas du berger. Juste quelques pas dans la roche, mais on s'est contentés de baskets de type « running » plutôt que de vraies chaussures de marche. Ça glisse, c'est du rocher pur, quelques pas façon escalade pour les Nuls, mais on bloque, pris d'un léger vertige, et Stéphanie nous tend la main. « Vous trembliez, hein… C'est là que l'on voit que la Sainte-Victoire est vraiment une montagne. »

    On ne fait plus le malin. La marche devient plus aisée, mais soutenue, dans la pierraille. On transpire vite, le dénivelé s'avale jusqu'aux 946 m de la croix de Provence. Environ deux heures d'effort sans temps mort. De là-haut, au-dessus d'un prieuré qui abrita longtemps une communauté de moines, une vue affolante de beauté, à 360° : la Méditerranée, sur laquelle on distingue les bateaux, l'étang de Berre, le Ventoux, les Alpes du Sud, le Mercantour… On se refroidit vite. On peut longer les crêtes — la Sainte-Victoire n'est pas un sommet en soi mais un massif dont l'un des pics s'appelle le baou Cézanne — et redescendre par de multiples sentiers.

    Picasso inhumé sur le flanc de la montagne

    On avait lu que Cézanne, qui a peint 87 fois cette montagne que les Aixois considèrent comme « le clocher du village », ne l'avait jamais gravie. Faux, nous dit Bruno Ely, directeur du musée Granet d'Aix et grand spécialiste du peintre, qui présente actuellement une exposition « Cézanne at Home » : « Avec Zola et ses copains, ils parcouraient toute la campagne aixoise à leur adolescence. On sait qu'il a dormi à Vauvenargues, dans une réserve à foin, et a fait l'ascension. »

    Nous aussi, on est passé dans le très charmant village de Vauvenargues, où Picasso est enterré avec sa dernière compagne, Jacqueline, dans son château au pied de la montagne, versant nord. Là, on peut louer des VTT, avec ou sans moniteur. Nous, on a suivi Jean-Luc, peu avant le crépuscule. On attaque les premiers contreforts de la montagne sur l'autre versant, beaucoup plus doux, on passe un col, on change de massif, et soudain, entre chien et loup, la merveille : trois biches qui traversent devant nous sur un large chemin avant de piquer dans les broussailles. Mieux vaut se taire et ne pas faire crisser les freins pour apercevoir des animaux. Une victoire, une vraie. On rentre fourbu à Aix, en voiture (on peut aussi le faire en VTT ou en bus).

    Alors cette montagne ? Pour Cézanne, elle était sentimentale, spirituelle, sacrée. « Quand on est né là-bas, c'est foutu, rien ne vous dit plus », a-t-il écrit, enchaîné à son baou. Sa femme préférait Annecy, mais pour lui, les Alpes n'étaient que des « collines ». Sur ce point uniquement, son œil ne voyait pas juste. Quel chauvin, mais comme on le comprend !

    A visiter : l'atelier de Cézanne dans son jus

    L'atelier de Cézanne. /Sophie Spitéri

    À la fin de la vie, le peintre s'était fait construire un atelier dans une ancienne ferme sur les hauteurs d'Aix, pour mieux voir la montagne. Mais pas s'en rapprocher. On marche une quinzaine de minutes à peine depuis le centre, le long d'une route pentue dans un quartier de la ville qui était alors encore la campagne couverte de champs.

    À l'intérieur, un saisissement : l'atelier n'a pas bougé depuis la mort du peintre en 1906. Tout y est authentique : la canne, les chapeaux, les cravates, la besace de Cézanne, et les reproductions authentiques, en noir et blanc, de tableaux qu'il avait fait encadrer. Un christ rappelle son catholicisme fervent. L'endroit est habité et dépouillé. Si impressionnant — 70 000 visiteurs — que seules 19 personnes peuvent y entrer en même temps, pour ne pas abîmer cette image figée dans le temps, en 1906.

    Rens. www.atelier-cezanne.com.

    PRATIQUE

    Depuis la gare TGV, des navettes vont vers le centre d'Aix. Depuis Aix, facile en voiture ou en bus : www.lepilote.com ou navette Bibémus (un des plus beaux points de vue sur la montagne). Rens. office de tourisme d'Aix : 04.42.16.11.61.

    Pour tout savoir sur les sentiers : wwww.grandsitesaintevictoire.com et tél. : 04.42.64.60.90.

    Location de vélos et VTT électrique pour rayonner autour de la montagne et dans les villages alentour : Bees. Rens. www. StationsBees.com, tél. : 06.50.55.90.51 (pour partir du village de Vauvenargues, où est enterré Picasso, au pied de la montagne) ou depuis Aix (04.42.61.16.98 et 04.42.24.68.66).