Tribunal correctionnel d'Aix : les larmes de l'élève qui avait molesté son professeur

À la suite de l’agression, le 16 janvier dernier, de ce professeur apprécié et respecté, les enseignants du lycée professionnel des Alpilles de Miramas avaient fait valoir leur droit de retrait pendant une journée.

À la suite de l’agression, le 16 janvier dernier, de ce professeur apprécié et respecté, les enseignants du lycée professionnel des Alpilles de Miramas avaient fait valoir leur droit de retrait pendant une journée.

Archives CH.L.

Aix-en-Provence

Le jeune homme qui avait porté plusieurs coups violents à son professeur en janvier dernier était jugé lundi devant le tribunal d'Aix

C'est une de ces affaires qui ne se manie qu'avec d'infinies précautions. Il y a une victime d'un côté et de l'autre, un agresseur qui, d'une certaine façon, en est une aussi. Le juger impose un doigté de maître horloger, il s'agit de le punir sans le couler, de le comprendre et l'aider sans négliger l'autre, celui qui a reçu les coups et qui, légitimement demande justice. Devant le tribunal correctionnel d'Aix, ce lundi après-midi, la juge Stellina Boresi l'avait compris. Son timbre souvent autoritaire voire cassant s'était fait bienveillant, presque tendre, face à Valentin, 18 ans, corps sec, regard sauvage et mèche rebelle. Le 16 janvier dernier, pris d'un accès de rage, il s'en était pris à son professeur de CAP d'ébénisterie au lycée professionnel des Alpilles de Miramas.

Un déchaînement de violence

Le récit détaillé dévoile une scène d'une rare violence. Ce jour-là, l'enseignant ne se doute pas du déchaînement qu'il va déclencher lorsqu'il décide d'exclure de son cours Valentin qui n'a pas son équipement de sécurité.

En colère, le jeune homme devient agressif, menaçant. Il provoque et tente de porter un premier coup à l'enseignant qui le ceinture et le maintient au sol pour le calmer. Sans succès, Valentin, ivre de rage, continue de se débattre et de proférer des injures. Le professeur relâche son étreinte puis fait quelques mètres quand le garçon fond à nouveau sur lui. Un coup de tête puis des coups de poing auxquels il réplique, une fois, dans un geste de légitime défense. Quand d'autres élèves parviennent enfin à les séparer, le jeune homme, comme enragé, continuera à glapir dans les vestiaires jusqu'à l'arrivée de la police.

Au centre de l'attention, en présence de ce professeur apprécié et respecté dont l'agression a provoqué une vague d'émotion dans l'établissement, Valentin formule des excuses, semble gêné, ne donne guère d'explications. Puis la présidente évoque son parcours et les conditions de son arrivée quelques mois plus tôt à Miramas. Le garçon vacille. À ce moment-là, c'est comme un tabou qui se brise, une vérité qui remonte d'un sous-sol intime, une digue qui cède et libère un torrent de larmes. Il pleure à la barre, sous les yeux de sa mère.

"Nous entendons votre détresse"

Apparaît alors l'adolescent meurtri, frappé par son père alcoolique dont la violence l'a forcé à fuir la Normandie l'an dernier pour rejoindre sa mère installée à Miramas. Il a laissé derrière lui ses potes et sa petite amie. Et devant, il n'a plus que cette formation d'ébéniste que son père lui a imposée mais qu'il reprend tout de même, faute de mieux, au lycée des Alpilles. Élève agité et perturbateur, il ne parvient guère à s'intégrer dans cet établissement où il ne voulait pas aller. Jusqu'à ce jour de janvier où il explose.

"On entend votre détresse, votre mal-être", le console la présidente, rappelant les "difficultés de contrôle émotionnel courantes chez les enfants victimes de violences qui souvent ensuite en deviennent auteurs". Elle l'invite à entamer une thérapie et surtout reprendre des études et suit les réquisitions du procureur : peine de trois mois avec sursis avec obligation de soins et de formation et indemnisation du professeur.

En permettant à chacun, prévenu et victime, d'être entendu et compris, la justice a fait son oeuvre. Pour Valentin, mis face à sa violence et à sa souffrance, ce procès marque peut-être un nouveau départ. Un bouleversement salutaire, semble s'être opéré à la faveur de l'audience, le début peut-être de la cicatrisation. Dans un coin de la salle, l'un contre l'autre, le fils et la mère sanglotent en silence.