Marseille : Bennahmias-Madrolle, divorce à la marseillaise

Entre Christophe Madrolle et Jean-Luc Bennahmias, deux routiers de la politique marseillaise, la rupture semble consommée.

Entre Christophe Madrolle et Jean-Luc Bennahmias, deux routiers de la politique marseillaise, la rupture semble consommée.

Photo archives Nicolas Vallauri

Marseille

Les deux ex-Verts et Modem, inséparables depuis 20 ans, ont rompu pour un obscur conflit sur la gestion de l'UDE et de claires divergences politiques

Bennahmias et Madrolle, Madrolle et Bennahmias : pour quiconque a un peu suivi la politique marseillaise depuis le début des années 2000, ce duo était indissociable. Des Verts à l'UDE (Union des démocrates et des écologistes) en passant par le MoDem, cette amitié de 20 ans vient de voler en éclats. Dernier acte de cette brouille : la démission de toute fonction à l'UDE de Jean-Luc Bennahmias, ce jeudi. L'épilogue d'un règlement de comptes qui couve en interne depuis des mois dans cette petite formation écologiste : revendiquant un millier d'adhérents, son premier président fut Jean-Vincent Placé, en rupture de ban avec EELV.

Depuis le printemps, à coups de tweets assassins, deux camps s'accusent mutuellement d'avoir détourné l'appareil du parti à ses propres fins. Visé, Christophe Madrolle, qui se revendique président de l'UDE "par intérim". "Demandez-lui comment il s'est retrouvé président et grâce à quelles falsifications", réplique l'un de ses opposants, François-Michel Lambert, député de Gardanne-Allauch, qui revendique son appartenance à l'UDE. "Tout est dans les statuts, se défend Christophe Madrolle. Après la démission de Jean-Vincent Placé (arrêté en état d'ivresse, Ndlr), en tant que secrétaire général, je suis devenu de droit président par intérim." Depuis le printemps, l'affaire a pris une tournure pénale avec une plainte de militants contre Christophe Madrolle et son équipe, qu'ils accusent d'avoir indûment mis la main sur les comptes bancaires et Twitter de l'UDE. "Ça va se régler à l'amiable", pronostiquait-il à La Provence, au début de l'été. Mais fin août, l'ex-conseiller municipal vert de Marseille a finalement porté plainte à son tour pour des motifs similaires à ses accusateurs, "escroquerie" et "faux et usage de faux". "On a découvert que tout n'était pas clean dans la gestion des comptes de l'UDE", indique-t-on dans son entourage.

Derrière cette "petite fâcherie", comme le dit Christophe Madrolle, se cache aussi une question politique. En tant que président de l'UDE, lui a soutenu la liste Renaissance de LREM aux européennes, quand ses ex-amis soutenaient Urgence écologie de Dominique Bourg. Et la semaine dernière, le même Madrolle a ostensiblement soutenu la majorité au campus de LREM à Bordeaux.

"Plus aucun écologiste ne soutient cette majorité qui ne fait rien pour changer les choses, dénonce François-Michel Lambert. Christophe Madrolle va faire semblant d'être écolo, il aura son élection et son petit pécule, mais ce sera une victoire à la Pyrrhus. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux climatiques et environnementaux."

Le député, élu sous l'étiquette LREM, mais désormais à la tête d'un groupe indépendant à l'Assemblée, va même plus loin : "Madrolle devra porter le dégoût et la désolation qu'il provoque par son cynisme. Jean-Luc (Bennahmias) a craqué." "François-Michel devrait arrêter de dire des conneries, ça ferait du bien à tout le monde. On se connaît trop, et il y a de l'affect et de l'irrationnel. Mais non, je n'ai jamais harcelé Jean-Luc", se défend Christophe Madrolle.

"Oui, j'ai démissionné hier (jeudi) de l'UDE, quelle qu'elle soit, pour être clair, souffle l'ancien eurodéputé, visiblement abattu. Cette affaire est incompréhensible et personne ne peut rien y comprendre. Les divergences politiques ne doivent pas se régler devant la justice."

Surtout lorsqu'elles concernent deux amis : l'un (Madrolle) a hébergé l'autre (Bennahmias) chez lui à son arrivée à Marseille en 2002 ; en 2004, le premier devient attaché parlementaire du second, élu à Bruxelles ; et tous deux ont fait campagne aux municipales sous l'étiquette MoDem (en 2008) et avec Patrick Mennucci (en 2014). "Je suis triste pour Jean-Luc, qui s'est engagé pour l'écologie en 1974 et qui se fait liquider par son témoin de mariage", fulmine François-Michel Lambert. "Jean-Luc n'a pas tout compris de ce qu'il s'est passé, tente de temporiser Christophe Madrolle. Mais il reste mon ami." "On va laisser passer un peu de temps", prévient pourtant l'ex-eurodéputé. Il entend toutefois jouer un rôle dans la future campagne des municipales. Comme son "ami", Christophe Madrolle, qui a fait acte de candidature...