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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
2 août 2020

Une aide au ferroviaire par le multimodal et l’allègement des péages, et des trains de nuit pour les voyageurs

S’il n’avait fallu que quelques jours au gouvernement pour annoncer des aides massives à l’automobile et au transport aérien national à la sortie du confinement, il lui aura fallu trois mois pour peaufiner un premier plan d’aide au système ferroviaire. Il porte dans un premier temps principalement sur le fret, avec une aide sur 18 mois, mais annonce aussi dans le domaine voyageurs une relance des trains de nuit, dont les modalités techniques restent à régler.

Péages fret gratuits jusqu’en fin d’année, réduits de moitié en 2021 : 126 millions d’euros

 Le 27 juillet, le Premier ministre s’est rendu sur le terminal rail-route de Valenton dans le Val-de-Marne où il a annoncé le soutien de l’Etat au ferroviaire par la prise en charge d’une part importante des coûts d’utilisation du réseau pendant un an et demi. Les péages seront gratuits jusqu’à la fin de l’année 2020 et ils seront divisés par deux durant toute l’année 2021.

DSCN3212Cavalerie de locomotives fret à Miramas. Le prix des sillons est réduit à zéro pour le fret jusqu'à la fin de l'année, diminué de 50% en 2021. ©RDS

 Le Premier ministre a expliqué, concernant le fret : « Il y a des péages pour emprunter les sillons (…) que les trains de marchandises empruntent avec les trains de voyageurs, donc nous avons décidé la gratuité de ces péages jusqu’à la fin de l’année 2020 et une division par deux (…), en 2021, du prix de ces péages ». Cela représente 63 millions d’euros en 2020 et encore 63 millions en 2021, selon Matignon, soit 126 millions au total. 

Jusqu’à 35 millions d’euros pour monter des projets de nouvelles autoroutes ferroviaires

 Le développement des services d’autoroute ferroviaire est également une priorité pour l’Etat avec des appels à projets pour la création de trois nouvelles lignes. « Le gouvernement a la ferme intention de rouvrir et développer les autoroutes ferroviaires ». Pour ce faire, il va mettre en place un dispositif d’aides pour faciliter le montage de projets, « pouvant aller jusqu’à 35 millions d’euros ». Les appels à projets, qui seront lancés d’ici la fin de l’année,  viseront : l’axe Royaume-Uni-Espagne de l’ouest, avec une relation Bayonne-Cherbourg, l’axe Royaume-Uni-Méditerranée avec une relation Sète-Calais, et l’axe Espagne/Roussillon-Ile-de-France avec la relation Perpignan-Rungis, que l’Etat souhaiterait prolonger vers Anvers au nord et Barcelone au sud.

 L’objectif affiché du ministère de la Transition écologique est de retirer 20 000 poids lourds des routes en 2021, soit 425 000 tonnes de CO2 émis en moins. Les axes autoroutiers nord-sud surchargés A9/A7 à l’est et A63/A10 à l’ouest sont principalement visés.

 La relance du train de primeurs Perpignan-Rungis, supprimé en juillet 2019, a été tout spécialement évoquée par le Premier ministre. Jean Castex est maire de Prades, dans les Pyrénées-Orientales : « Vous avez devant vous un Premier ministre qui a été meurtri par l’affaire du Perpignan-Rungis, le train des primeurs ». L’obsolescence de ses wagons réfrigérés qui transportaient des fruits et légumes vers le marché d’intérêt national de Rungis a entraîné sa suppression, précipitant de nouvelles norias de camions sur les autoroutes. Un substitut à ce train devait être trouvé fin 2019 par une circulation de conteneurs, mais limitée à Valenton car Rungis et son quai destiné aux wagons classiques avec déchargement latéral n’est pas équipé pour traiter ces caisses mobiles. Les clients n’ont pas été convaincus.

Rénovation du réseau : le chiffrage de Jean-Baptiste Djebbari reste flou

 Reste le problème majeur de l’obsolescence de pans entiers du réseau ferroviaires, entraînant au pire des fermetures (menaces sur Volvic-Le Mont-Dore, par exemple), au mieux d’importantes suspensions de circulation pour travaux. De ce côté-là, on reste dans le flou. Le ministre délégué aux transports Jean-Baptiste Djebbari a seulement relevé que le gouvernement consacrera « plusieurs milliards d’euros par an jusqu’en 2022 » à la modernisation du réseau ferré national. On sait par ailleurs que SNCF Réseau fait pression sur les collectivités locales, jusqu’aux intercommunalités, mais aussi sur les chargeurs pour prendre en charge le maintien en service de lignes capillaires ou leur réouverture, pour le fret (Volvic-Le Mont Dore…) comme pour les voyageurs (Montbrison-Boën…) ou pour des trafics mixtes (Langogne-Saint-Georges-d’Aurac…).

DSCN2726Etat d'une ligne de desserte fine dans une zone de petite industrie du Forez: axe abandonné Boën-Thiers à Saint-Julien-la-Vêtre (Loire). La région est dotée d'activités de foresterie, de travail du bois, de métallurgie légère. Tout est sur la route. ©RDS

 Satisfait par les annonces gouvernementales, Ivan Stempezynski, président du groupement national des transports combinés, a souligné devant Jean Castex : « La qualité de service est le point névralgique et primordial, le prérequis des enjeux du développement du Transport combiné rail-route (TCRR). Le TCRR et le fret ferroviaire en France ne pourront se développer que si la ponctualité et la régularité du rail sont au moins égaux à la prestation route. De ce fait, il faut donner à SNCF Réseau les moyens de ses ambitions ».

Pour les voyageurs, des annonces pour l’instant limitées aux trains de nuit… coûteux à recréer et centrés sur Paris

 Concernant les voyageurs, les annonces gouvernementales ont été moins abondantes et l’on attend toujours un schéma national. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux Transports, a annoncé le prochain retour de deux trains de nuit : Paris-Nice et Paris-Hendaye, supprimés voici quelques années par pur esprit de système. L’annonce de leur rétablissement a un goût de suivisme, puisque les relances en pays germaniques par les chemins de fer autrichiens sont un succès, que FlixMobility avait prévu, dans son projet d’offres ferroviaires en France, de créer un Paris-Nice nocturne et que Thello a repris Paris-Italie. Il s’agit en outre de relations exclusivement centrées sur Paris, ignorant les relations non-axiales du type Strasbourg/Genève-Nice, Lille-Nice/Sud-Ouest, Lyon-Bordeaux…

 Paris-Nice, qui desservirait au passage plusieurs destinations intermédiaires si la SNCF y consent  (Valence-Ville, Montélimar, Avignon-Centre, Marseille Saint-Charles ou Blancarde, Toulon…) pourrait être recréé par adjonction de voitures au Paris-Briançon jusqu’à Valence-Ville. Paris-Hendaye en revanche ne pourra guère être adjoint au Paris-Cerbère/Latour-de-Carol/Rodez, sauf à faire un interminable détour par Toulouse ou à voir sa tranche Hendaye détachée aux Aubrais (Orléans). Il pourrait desservir avec intérêt Angoulême, Bordeaux-Saint-Jean, Facture (Arcachon), Dax, Bayonne…

Où trouver des voitures pour trains de nuit, après la politique d’obsolescence accélérée de la SNCF ?

 L’autre écueil réside dans la difficulté à trouver des voitures conçues pour des trajets nocturnes, d’autant qu’on sait qu’une partie de leur clientèle, à haute contribution, apprécie des équipements de grand confort. Or la SNCF, selon sa triste tradition d’obsolescence accélérée, a ferraillé des dizaines de voitures-couchettes ou voitures-lits, dans le grand mouvement de destruction du parc Corail. Il faudrait pour Paris-Nice deux trains de six à huit voitures et pour Paris-Hendaye deux trains de quatre voitures au moins.

NuitIntercités de nuit Paris-Briançon à l'arrivée à son terminus alpin. Une tranche destination Nice détachée à Valence-Ville serait envisageable, moyennant une composition maximale de la rame. Notons que l'année 2021, avec neuf mois d'interruption de trafic entre Livron et Veynes, sera pour le moins compliquée pour l'axe des Hautes-Alpes. (Doc. Wikipedia)

 Le dernier écueil est plus conjoncturel mais risque de porter tort à l’image de trains de nuit que la SNCF prétend relancer. Il réside dans la suspension en 2021 pendant trois trimestres de tout trafic pour travaux en 2021 sur la ligne à voie unique Livron-Veynes empruntée par le Paris-Briançon de nuit. Or l’itinéraire alternatif par Grenoble devrait lui aussi être perturbé pour la même raison. Un détour par le sud (Avignon, Cheval-Blanc-Pertuis et le val de Durance) paraît illusoire car il ajouterait au moins deux heures au trajet. La solution via l’Italie voisine avec transbordement par autocar d’Oulx à Briançon a le « léger » inconvénient, outre la rupture de charge et de mode, de très mal desservir les gares en aval de Briançon, Gap en particulier, et d’emprunter le col du Montgenèvre enneigé en hiver.

 Notons pour terminer que le volet réseaux régionaux de voyageurs et relations inter-régionales demeure pour l'instant le grand absent du discours gouvernemental.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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