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Dans le Vaucluse, Marine Le Pen braconne à droite en vue des européennes

Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, lors de son discours le 19 janvier à Le Thor, près d'Avignon. CLEMENT MAHOUDEAU/AFP

Pour baptiser sa campagne des européennes, c'est au Thor, village médiéval du Vaucluse et terre de longue date du parti Les Républicains, que le Rassemblement national a décidé de faire son premier meeting de terrain, ce samedi.

De notre envoyé spécial au Thor

Le choix ne devait rien au hasard. Pour baptiser sa campagne des européennes, c'est au Thor, village médiéval du Vaucluse de moins de 10.000 habitants, que le Rassemblement national a décidé de faire son premier meeting de terrain, ce samedi. Une commune modeste, loin des grandes capitales régionales, dont le gymnase a pu accueillir un raout minimaliste de 600 personnes. Un modèle réduit de réunion, directement inspiré de la campagne des législatives de l'italien Matteo Salvini, et qu'entend répliquer un vingtaine de fois Marine Le Pen jusqu'au scrutin de mai prochain. «On s'inscrit dans une logique de proximité, ces meetings à taille humaine permettent de ramener la politique au plus près du peuple», défend le directeur communication de la campagne, Philippe Vardon, venu avec quelques cadres dont le maire de Fréjus, David Rachline.

« C'est vrai qu'on n'est pas d'accord sur les politiques économiques. Mais qu'est ce qui est important pour une nation ? Un taux de CSG, ça se change en un décret »

Thierry Mariani

Doublement symbolique, le lieu se voulait également un hommage appuyé à la récente prise de guerre du RN: Thierry Mariani. L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy, candidat sur la liste RN confiera sur l'estrade: «Être né à Orange, avoir grandi à Valréas, en être devenu maire, puis député du Nord Vaucluse, on se sent un peu chez soi. Je préfère commencer cette campagne à domicile qu'en terre étrangère.» Un aimable préambule avant de fustiger son ancienne famille politique qui l'a vu grimper sur cette terre: «C'est beau de dire qu'on est la droite musclée, mais ce n'est pas un concours de chamallow, griffe-t-il en direction de Laurent Wauquiez. Quand un parti change d'idée, ou rend par sa stratégie l'application de ses idées impossible, on doit se poser la question de savoir là où on est le mieux placé pour les défendre. C'est pour ça que j'ai rejoint Marine Le Pen.»

Semblant s'adresser directement à ses anciens électeurs LR, l'ancien député de l'étranger a voulu minorer les différences programmatiques les séparant du RN: «C'est vrai qu'on n'est pas d'accord sur les politiques économiques. Mais qu'est ce qui est important pour une nation? Un taux de CSG, ça se change en un décret. On ne change pas une population, on ne change pas un territoire, on ne change pas une culture en 24 heures. Et quand c'est trop tard, c'est trop tard. Aujourd'hui il faut se rassembler!»

Braconnage en terre Les Républicains

Un braconnage dans les règles, sur cette terre de longue date acquise au parti Les Républicains. Qui plus est, voisine de l'ancienne circonscription remportée par Marion Maréchal en 2012. Jordan Bardella, jeune tête de liste, s'appliquera à relayer les appels du pied de son aîné dans un discours des plus virulents contre «l'immigration massive sans fin et sans frein»: «Méfiez-vous de ceux qui bombent le torse en parlant d'immigration dans les médias, mais qui se soumettent au politiquement correct quand il s'agit de voter. Je parle bien sûr de Les Républicains. Leur double discours est permanent. Ils disent vouloir supprimer l'Aide médicale d'État, mais ne votent pas les amendements de nos députés réclamant cette suppression. Au parlement européen, ils soutiennent le pacte de Marrakech ou la délocalisation des migrants de manière contraignante dans notre pays et dans nos villages […] Voilà la vérité qui se cache sous les discours de matamore de M. Wauquiez. Voix hautes mais mains molles […] qui gouvernent comme les socialistes quand ils sont au pouvoir.»

Dans la salle, où flotte une poignée de drapeaux tricolores, une quinzaine de jeunes aux t-shirts estampillés «Génération nation» acquiescent avec un traditionnel «On est chez nous». «On a toujours eu des Le Pen en tête de liste. Le fait d'avoir quelqu'un d'autre de plus jeune, ça apporte du renouveau, du dynamisme. Ça motive la jeunesse», veut croire Romain Tonussi, 22 ans, venu de Miramas. À quelques mètres de lui, Solange Deschamp, femme de ménage de 55 ans aux traits fatigués, se veut plus sceptique sur les capacités du jeune conseiller régional d'Île-de-France: «Ce n'est pas très solide tout ça. À 23 ans, les jeunes n'ont rien dans la tête encore.»

Médusée, une quinquagénaire écoute avec circonspection les envolées du jeune homme. «Il va me falloir un petit sas de décompression», plaisante-t-elle. «Gilet jaune» de Camaret, au chômage, Claude dit être venue ce samedi «en observatrice»: «Je suis à LR depuis des années. J'en ai claqué la porte parce qu'ils ne reconnaissent pas la misère que nous vivons. Sur les ronds-points, j'ai rencontré des leaders du RN, je trouve que Marine Le Pen est la seule à nous soutenir sans vouloir nous récupérer. Mais j'attends de voir avant de suivre Mariani.»

Aux «gilets jaunes», Marine Le Pen consacrera une large part de son discours, après en avoir rencontré quelques-uns au déjeuner, dans le restaurant Chez Vito, à Carpentras. «Ils sonnent les cloches de ce président déconnecté, qu'ils en soient félicités. La France les soutient, l'Europe les regarde», fait-elle applaudir. Bien que moquant ce Grand débat national «qui a tous les attraits d'une campagne de la République en Marche», la présidente du RN incite ses militants à y participer et d'y poser toutes les questions qui «soulignent les injustices et les abus de la vie quotidienne.» Du prix des parkings dans les hôpitaux aux «abus des banques sur les frais bancaires» en passant par «le prix de l'essence sur les autoroutes [qui] est prohibitif.» Une question, en revanche, ne semble plus se poser quatre mois avant le scrutin. «L'objectif aux européennes? Battre Macron, tonne Le Pen. Le scrutin du 26 mai nous permettra d'aller le chercher.»

Dans le Vaucluse, Marine Le Pen braconne à droite en vue des européennes

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525 commentaires
  • Lilas 01

    le

    Ceci est quand même "INCROYABLE" !!!.
    Alors que certains étaient prêts à voter pour elle, ils vont juger MLP sur un débat de 3 heures, alors qu'elle avait en face d'elle un adversaire qui, pendant des mois sous l'égide de son père spirituel, qui l'a désigné pour lui succéder, un jeunot, qui avait des oreillettes, alors qu'il n'avait aucune compétence, ni programme, mais qui a été encensé et porté aux nues par une ultra médiation qui lui était ultra favorable, alors que MLP elle, elle, était continuellement lésée, bafouée, fustigée par les médias.
    Il y a quand même de quoi être déstabilisée.
    Car, même si on s'attendait à mieux de sa prestation, lors du débat, il ne fallait pas oublier pour autant le bien qu'elle pouvait apporter à notre pays, car, elle, elle avait un vrai programme, de l'expérience et la carrure pour tenir le rôle de chef d'état.
    Notre pays ne serait pas dans le chaos aujourd'hui.
    Si MLP était au pouvoir, tout irait mieux pour NOUS, dans NOTRE pays. Si vous le pouvez, essayez de réfléchir un peu les macronistes !!!.

  • kouni54

    le

    C’est plutôt sympa à lire cet article. Une bonne copie dans le style qu’on vous apprend en école de journalistes.
    Ce pourrait être un reportage France profonde avec les images formatées.
    Ceci dit il rapporte une vielle et forte vérité : la grosse fifille de Jean-Marie n’a jamais su rien faire d’autre que d’haranguer les français qui se sentent compris. Mais pour des propositions sérieuses, il n’y a plus personne.

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