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Politique

Pour les électeurs de droite, l’environnement est aussi préoccupant que l’insécurité

Le JDD dévoile une analyse réalisée par l’institut Kantar pour le think-tank Écologie Responsable sur l’opinion des sympathisants de droite vis-à-vis de l’environnement. Les résultats brossent un électorat inquiet et soucieux d’agir, mais en attente d’un autre discours sur ces enjeux.

Aude Le Gentil , Mis à jour le
Affiches électorales pendant la campagne présidentielle de 2022, à Issy-les-Moulineaux.
Affiches électorales pendant la campagne présidentielle de 2022, à Issy-les-Moulineaux. © ISA HARSIN/SIPA

Imaginez un citoyen inquiet par la crise environnementale, désireux d’actions fortes en la matière et ayant adopté certains gestes positifs dans son quotidien. Dans l’imaginaire commun, ce Français vote pour un parti de gauche. Dans les médias comme au Parlement, ceux dont la voix porte sur ce sujet sont plutôt classés dans cette moitié de l’échiquier politique. Et pourtant, ce profil robot correspond aussi à la grande majorité des électeurs de droite. C’est l’un des principaux enseignements d’une étude que le JDD dévoile ce lundi.

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L’étude a été commandée à l’institut de sondages Kantar par le cercle de réflexion Écologie Responsable, afin de nourrir le Forum de la Droite sur l’écologie organisé mardi. Pour ce faire, Kantar a compilé cinq enquêtes d’opinion [voir encadré] menées en 2022 pour les associations Parlons Climat et Nuances d’avenir. Il en a extrait les réponses des Français se positionnant à droite, pour les comparer au reste de la population.

L’environnement, plus préoccupant que l’insécurité

Les résultats contrecarrent certaines idées reçues. Certes, les électeurs de droite ne mettent pas l’environnement tout en haut de la pile des dossiers urgents. Là où le changement climatique est la deuxième source de préoccupation pour les sympathisants de gauche, qui le citent à 46 %, il est quatrième pour ceux de droite, à 33 %. Juste derrière la santé (35 %) mais devant un thème fort pour la droite, l’insécurité (32 %).

Les sympathisants de droite partagent avec le reste des Français la prise de conscience et la volonté d’agir. Comme eux, ils se disent inquiets (à 75 % contre 80 % pour l’ensemble de la population).

Comme eux, les sentiments qui dominent sont l’inquiétude (à 55 %) et l’impuissance (48 %). Comme eux, ils observent que les effets du réchauffement sont déjà là (à 57 %). Ils sont néanmoins plus nombreux à croire qu’il s’agit d’un phénomène naturel et non d’un dérèglement causé par l’homme (à 26 % contre 19 % pour le reste de la population).

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Un modèle économique jugé incompatible

De même, ils sont prêts à agir. Radicalement, même. « Il n’y a pas de réticence au changement, mais au contraire le sentiment qu’il faut agir fortement, à tous les niveaux, et que les efforts actuels sont insuffisants », décrypte Guillaume Caline, directeur « enjeux publics et opinion » chez Kantar.

Ainsi, 79 % attendent plus d’actions de la part du gouvernement. Et la moitié d’entre eux veulent même « beaucoup » plus d’efforts.

« Ils sont ouverts à des changements profonds », conclut Guillaume Caline. 64 % d’entre eux jugent le modèle économique actuel incompatible avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre et 54 % se disent conscients qu’il faudra une transformation radicale de nos modes de vie pour préserver notre environnement. Ils assument notamment de donner la priorité à l’environnement sur le commerce et les échanges internationaux.

Le souhait d’un discours différent

Pour Guillaume Caline, ces données témoignent d’« une attente » au sein de cet électorat. « Il y a un besoin que leur famille politique s’empare du sujet et le prenne au sérieux, développe-t-il. Une des raisons pour lesquelles cette préoccupation ne se matérialise pas dans leur vote, c’est parce qu’il n’y a pas forcément d’offre politique qui corresponde à leur manière d’aborder l’écologie. »

Car, par rapport aux autres Français, ces citoyens se reconnaissent moins dans le combat pour le climat tel qu’il est mené actuellement. Un décalage particulièrement criant chez les jeunes.

Parmi les moins de 35 ans se positionnant à droite, 48 % ont l’impression de « ne pas avoir leur place dans le mouvement en faveur du climat », contre 31 % des autres jeunes.

Science, technologies et territoires

Autre discordance, « ils sont inquiets mais l’intensité de leur inquiétude est moindre », relève Guillaume Caline. Cela peut s’expliquer par une plus forte confiance dans l’avenir et dans le potentiel des technologies.

Optimisme ou fatalisme ? 59 % des sympathisants de droite pensent que la société parviendra à s’adapter et que le pire n’est pas certain, contre un peu moins de la moitié du reste des Français. « Par rapport au reste de la population, il y a davantage l’idée que l’innovation et la science vont nous aider à relever le défi », note Guillaume Caline.

D’où un volontarisme sur nucléaire, qui constitue un marqueur fort de la droite : 75 % en ont une opinion favorable contre 52 % des sympathisants de gauche. La décroissance n’apparaît pas utile pour 48 % d’entre eux, soit un peu plus que pour le reste des Français (41 %), tandis que la sobriété fait consensus (73 % la jugent souhaitable).

 Le souhait de revenir à un mode de vie plus sobre et plus local 

Guillaume Caline, directeur « enjeux publics et opinion » chez Kantar

Sur les efforts qu’ils seraient prêts à faire ou sur les actions qu’ils préconisent, ces électeurs se distinguent peu du reste des Français. Y compris sur la consommation de viande, thème âprement débattu dans l’arène politique.

On peut relever une plus grande méfiance face aux éoliennes : 58 % y sont favorables contre 65 % des Français, et 42 % ne seraient pas prêts à accepter l’installation de pales près de chez eux (contre 36 %). Ils sont aussi plus réticents à l’idée de renoncer à l’avion (25 % contre 21 %).

Pour Guillaume Caline, les singularités de cet électorat se lisent aussi dans le rejet de la surconsommation et du gaspillage. « On observe le souhait de revenir à un mode de vie plus sobre et plus local, qui se retrouve aussi dans le soutien à des mesures protectionnistes, à la relocalisation des productions, souligne-t-il. Au-delà du réchauffement climatique, ils sont attachés à l’idée de transmettre un territoire, un patrimoine. »

Méthodologie

  • Étude sur l’impact du changement climatique conduite par Kantar Public pour la Fondation Européenne pour le Climat du 25 au 29 juillet 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 1 513 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas, interrogation en ligne).
  • Étude sur l’opinion des Français à l’égard du climat et de l’environnement réalisée par Kantar Public pour Parlons Climat du 14 au 25 mars 2022 auprès d’un échantillon national de 4 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas, interrogation en ligne).
  • Étude sur l’opinion des Français à l’égard du commerce international réalisée par Kantar Public pour Nuances d’avenir du 5 au 12 décembre 2022 auprès d’un échantillon national de 2 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas, interrogation en ligne).
  • Étude « Mobilités et transition » réalisée par Kantar Public pour Destin Commun du 16 au 22 février 2023 auprès d’un échantillon national représentatif de 2 001 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas, interrogation en ligne).
  • Enquête « Eurobaromètre 97.1 » réalisée par Kantar Public pour la Commission européenne du 21 février au 17 mars 2022, auprès d’un échantillon national de 1 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus (méthode aléatoire, interrogation en face-à-face).

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