cinémaCe que les vrais acteurs pensent du film « Les Algues vertes »

« Les Algues vertes » : « On est au début d’un combat »… Ce que les vrais acteurs pensent du film

cinémaLe film inspiré de la bande dessinée de la journaliste Inès Léraud met en scène les familles des victimes des algues vertes et des militants
Céline Salette incarne la journaliste Inès Léraud dans le film « Les algues vertes » réalisé par Pierre Jolivet.
Céline Salette incarne la journaliste Inès Léraud dans le film « Les algues vertes » réalisé par Pierre Jolivet.  - Haut et court distribution / Haut et court distribution
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Inspiré d’une BD sortie en 2019, le film « Les Algues vertes » met en scène des victimes et des personnes engagées contre ce fléau environnemental.
  • Présents dans la salle lors de l’avant-première, les membres de la famille de Jean-René Auffray, mort en 2016 dans une vasière, espèrent que le film permettra de faire avancer leur cause.
  • Des militants associatifs incarnés à l’écran sont persuadés que cette sortie au cinéma va permettre de parler des causes de ces marées vertes.

Deux salles pleines et un public debout pour applaudir une œuvre très attendue. Dimanche soir, plusieurs centaines de personnes étaient présentes au cinéma L’Arvor pour la projection en avant-première du film « Les Algues vertes » qui sortira en salles le 12 juillet. Mis en scène par Pierre Jolivet, le long métrage s’inspire du combat mené par la journaliste Inès Léraud pour dénoncer les dérives du modèle agricole productiviste. Publiée en 2019, sa BD avait déjà fait grand bruit. Dans la capitale d’une Bretagne accro à son industrie agroalimentaire, c’est désormais un film qui a fait réagir les militants associatifs, élus et citoyens qui étaient assis dans la salle.

Au milieu de cette foule, certains spectateurs ont vécu la projection avec une émotion particulière. La famille Auffray a perdu un père et un mari quand Jean-René s’est effondré dans l’estuaire du Gouessant, à Hillion (Côtes-d’Armor). Ce sportif accompli était parti courir, un jour de septembre 2016, aux abords d’une vasière. Les autorités ont conclu à un épuisement lié à l’envasement. S’appuyant sur les relevés d’hydrogène sulfuré réalisés par des associations, sa famille tente de faire reconnaître la responsabilité des algues vertes qui auraient causé l’insuffisance respiratoire brutale dont Jean-René Auffray a été victime. Sans pour l’heure avoir été entendue.


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Ils étaient assis tout au fond, dans un coin, comme pour se faire discrets. Morgane, Anne-Sophie et Yann Auffray sont pourtant cités nommément dans le film « Les Algues vertes ». Tout comme leur maman Rosy, qui était présente dans la salle lundi soir et incarnée à l’écran par Julie Ferrier. Comme pour la famille Morfoisse, dont le fils Thierry est mort en transportant des algues vertes en 2009, la production a décidé de conserver les véritables noms des victimes. « Pour moi, c’était le meilleur moyen de courir après la vérité », explique le réalisateur Pierre Jolivet. Pour la famille Auffray, la question de la conservation du nom ne s’est même pas posée. « Les algues vertes, c’est devenu notre histoire, comme celle de la famille Morfoisse », analyse Anne-Sophie Auffray, fille du joggeur disparu en 2016. Son frère Yann abonde : « Nous sommes devenus des étendards parce que ce drame a frappé notre famille. Mais ça aurait pu être n’importe qui. »

« Ce film, on l’a fait pour Jean-René et pour les autres »

Engagée dans un combat judiciaire, la famille Auffray a été déboutée de ses demandes d’indemnisation fin 2022. En attendant une nouvelle audience en appel, elle a pu voir que sa lutte et celle de la famille Morfoisse suscitaient l’intérêt de la population en Bretagne mais aussi ailleurs en France, où le film se distribue très bien. « Le film est attendu, je le savais. On a fait confiance à Pierre Jolivet et on n’est pas déçus du résultat. Ce film, on l’a fait pour Jean-René mais aussi pour les autres. Si le film a du succès, cela nous réconfortera dans notre combat », témoigne Rosy, la femme du joggeur mort en 2016.



Au micro, son fils enchaîne. « On est au début d’un combat pour renverser un système, affirme-t-il. On a besoin de vous pour réussir tous ensemble. » Avant de nous confier en aparté : « Ce film est grand public et facile d’accès. Il donne des faits pour que chacun puisse comprendre ce qu’il s’est passé et ce qu’il se passe ici. » En 2016, le corps de leur père avait dû être exhumé 15 jours après sa mort, la justice n’ayant souhaité ni autopsie ni prélèvement sanguin au moment du décès. En 2009, le flacon de sang prélevé sur Thierry Morfoisse montrait bien une forte teneur en hydrogène sulfuré. Mais la preuve avait été balayée, le flacon n’ayant pas été proprement conservé. Quatorze ans après, sa famille tente toujours de faire condamner son employeur pour manquements, notamment concernant l’absence d’équipement de protection.

« Je suis ému et encore tremblant »

Assis dans les premiers rangs, les militants de la première heure André Ollivro et Yves-Marie Le Lay ont aussi pu découvrir leur personnage à l’écran. Engagés depuis plus de vingt ans dans la lutte contre cette pollution, les fondateurs des associations Halte aux marées vertes et Sauvegarde du Trégor savourent. « Je suis ému et encore tremblant. Ce film va faire avancer le schmilblick. Il va nous permettre d’appuyer nos demandes répétées », estime André Ollivro. Ce dernier réclame depuis des années une étude épidémiologique sur les ramasseurs d’algues vertes. Mais l’Agence régionale de santé n’a jamais accepté. « Ce film doit nous permettre de faire connaître cette information : les marées vertes peuvent tuer. Et pas seulement les hommes. Elles tuent aussi tout le vivant. Dans le Gouessant (où des sangliers et Jean-René Auffray sont morts), il n’y a plus de vie », martèle son acolyte Yves-Marie Le Lay.

La sortie du film, prévue le 12 juillet en salle, risque de faire grand bruit. Et pas seulement en Bretagne.

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