procèsL’ancien patient avait engagé des tueurs géorgiens pour éliminer son kiné

Paris : L’ancien patient avait engagé des tueurs géorgiens pour se venger de son kiné

procèsHandicapé à la suite d’une mauvaise manipulation, Sylvain F., 52 ans, est accusé d’avoir engagé une équipe de gros bras géorgiens pour tuer son kiné en simulant un accident de la route
Depuis 2009, ce professeur de guitare souffre d'une lésion irréversible de la moelle épinière à la suite d'une mauvaise manipulation d'un kinésithérapeute (illustration)
Depuis 2009, ce professeur de guitare souffre d'une lésion irréversible de la moelle épinière à la suite d'une mauvaise manipulation d'un kinésithérapeute (illustration) - Jarmon88 / Pixabay / Pixabay
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Sylvain F., 52 ans, comparaît devant la cour d’assises de Paris à compter de lundi pour tentative de meurtre en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime.
  • Depuis 2009, ce professeur de guitare est lourdement handicapé à la suite d’une mauvaise manipulation d’un kinésithérapeute, qui a été sanctionné. Pour l’accusation, ce professeur de guitare a commandité l’opération visant à éliminer Michel H. dix ans plus tard.
  • Le musicien est accusé d’avoir embauché, par l’intermédiaire de sa petite amie et du père de celle-ci, une équipe de gros bras géorgiens pour s’en prendre à ce kinésithérapeute âgé de 65 ans.

L’accident cachait une tentative d’assassinat. Le 6 mai 2019, Michel H., 65 ans, vient de garer son scooter avenue d’Eylau (16e), non loin de son cabinet parisien. Il est environ 7 heures lorsque le kinésithérapeute s’apprête à traverser la rue. Le conducteur d’une Citroën Saxo fait semblant de s’arrêter pour le laisser passer. Puis accélère brusquement pour foncer sur lui. Le sexagénaire chute. Par chance, il n’avait pas encore retiré son casque, et il s’en sort miraculeusement. Légèrement blessé, il s’est vu prescrire quatre jours d’ITT.

Les occupants du véhicule, eux, ont pris la fuite. Une plainte est déposée et une enquête ouverte, confiée aux policiers du 1er district de police judiciaire. Rapidement, les enquêteurs comprennent qu’il ne s’agit pas d’un simple accident de la circulation. Ils découvrent que Michel H. a été victime de la rancœur tenace d’un ancien patient.

Lésion de la moelle épinière

Cinq ans après les faits, Sylvain F., 52 ans, comparaît devant la cour d’assises de Paris à compter de lundi pour tentative de meurtre en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime. Pour l’accusation, ce professeur de guitare a commandité l’opération visant à éliminer celui qui lui a gâché la vie. Ce qu’il nie. L’affaire commence en 2009. Le musicien avait pris rendez-vous avec Michel H. qui se présentait faussement comme ostéopathe. Or, ce dernier n’en avait ni le titre… ni les compétences.

Une mauvaise manipulation de sa part vaut à son patient de souffrir d’une lésion irréversible de la moelle épinière. En février 2015, il a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à verser 30.000 euros à Sylvain F. qui est, depuis, lourdement handicapé. Michel H. a aussi été sanctionné par la chambre disciplinaire de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’Ile-de-France pour avoir agi en qualité d’ostéopathe.

Un trio de tueurs géorgiens

Pour Sylvain F., qui passe une grande partie de ses journées alité, la sanction n’est pas assez sévère. Le kiné, selon lui, ne devrait plus avoir le droit d’exercer sa profession. Peu à peu, germe l’idée de se faire justice lui-même. « La vengeance était devenue son letimotiv, sa raison de vivre », note le juge d’instruction dans son ordonnance de renvoi.

En le plaçant sur écoute, les policiers apprennent qu’il avait demandé à une petite amie d’origine géorgienne, rencontrée sur Tinder, de l’aider à se venger. Par l’entremise de son père, Maria I. aurait fait venir en France une équipe de tueurs à gages géorgiens pour régler son compte au kiné.

Mais au téléphone, Sylvain F. ne cache pas être en colère contre le trio qui a quitté le pays après avoir légèrement blessé la victime en la percutant en voiture. « Ils ne sont même pas capables de lui mettre une raclée ! » Il demande à sa petite amie de trouver une nouvelle équipe pour commettre un home jacking chez Michel H., le kiné. « Quand tu vas chez lui et que tu demandes où est l’espèce, tous les bijoux, que le mec ne répond pas, là, tu lui en mets dans sa gueule. Là, tu peux taper plus fort », explique-t-il à la jeune femme.

Redoutant l’imminence d’un nouveau passage à l’acte, les policiers interpellent le commanditaire de cette opération. Mais aussi sa petite amie, le père de cette dernière, ainsi que Besik T., un chauffeur de taxi clandestin.

En garde à vue, Maria I. reconnaît les faits. Sylvain, qui avait « la rage », « voulait le voir souffrir, il voulait qu’il soit handicapé ». « C’est le but de sa vie », assure-t-elle aux policiers. Les gros bras recrutés devaient, selon elle, « casser les poignets et les genoux » du kiné et « lui mettre des coups dans le visage », « avec une masse par exemple ».

Besik T., lui, est allé récupérer les trois tueurs à l’aéroport de Beauvais, le 2 mai 2019, et les a aidés à acheter la Citroën qui a servi à renverser la victime. « Il n’était pas lié à eux, c’est un hasard qu’il les rencontre », explique à 20 Minutes son avocat, Me Matthieu Chavanne. A l’époque, son client se trouvait « en situation d’assez grande précarité ». Il a été payé « quelque centaine d’euros » pour les « accompagner durant trois jours dans Paris ». « Mais il a toujours dit qu’il ignorait qu’ils allaient agresser la victime », insiste-t-il, ajoutant qu’il n’avait « jamais été en relation » avec le principal accusé.

Libéré dans l’attente du procès

Tous les quatre comparaissent devant la cour d’assises jusqu’au 10 mai prochain. Ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Les trois exécutants du contrat, eux, sont toujours recherchés et sont visés par un mandat d’arrêt européen. Enfin, un ami du principal accusé ne sera, lui, jugé que pour non-dénonciation de crime. Un autre accusé est décédé en détention en février dernier.

Placé en détention provisoire à la prison de la Santé après sa mise en examen, le professeur de guitare lourdement handicapé a finalement été libéré dans l’attente de son procès. Contactés par 20 Minutes, ni l’avocat de Sylvain F., Me Jonathan Levy, ni celui de Michel H., Me Martine Mandereau, ni celui de Maria I., Me Rachid Madid, n’ont répondu à nos sollicitations.

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