Publicité

«Et maintenant, nos gouvernants s’en prennent au patrimoine financier des Français !»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Emmanuel Macron a déclaré vouloir «mobiliser et libérer notre épargne en Europe», et Gabriel Attal a affiché son ambition de «taxer les rentes». Frédéric Douet, professeur et membre du Conseil des prélèvements obligatoires, s’inquiète pour le patrimoine financier des Français.

Frédéric Douet est professeur à l'université Rouen-Normandie et membre du Conseil des prélèvements obligatoires.


Fin 2023, le patrimoine financier des Français s'élevait à 5936,6 milliards d'euros. Il se composait à hauteur de 2263,2 milliards d'euros d'encours de produits de fonds propres (actions cotées, non cotées et assurance-vie en unités de compte) et de 3673,4 milliards d'euros d'encours de produits de taux (dépôts à vue, épargne réglementée, assurance-vie en euros). L'épargne réglementée des ménages (livrets A, LDDS, LEP, PEL…) représentait 926,1 milliards d'euros. Il faut avoir à l'esprit que ce patrimoine représente presque le double de la dette publique. De quoi susciter l'envie de nos dirigeants et technocrates à la tête d'un système exsangue chaque jour davantage à la recherche de ressources. À l'heure où les caisses sont vides, ils sont nombreux à voir dans toute cette épargne une poire juteuse qu'il suffirait de cueillir.

Emmanuel Macron a déclaré vouloir «mobiliser et libérer notre épargne en Europe» et Pierre Moscovici que «ce n'est pas interdit de penser à l'impôt». Gabriel Attal a évoqué la «taxation des rentes» et Valérie Hayer l'«épargne dormante». Il s'agit d'une vielle lune consistant à vouloir drainer l'épargne des Français vers les entreprises dans l'espoir de relancer un système à bout de souffle. Jusqu'à présent, les dispositifs fiscaux institués à cette fin n'ont guère rencontré de succès. Leurs promoteurs ont occulté une dimension fondamentale, en l'occurrence l'aspect psychologique. L'immense majorité des épargnants ont un manque d'appétence aux risques financiers. Ils n'entendent pas suivre comme le joueur de flûte de Hamelin les conseils prodigués par ceux qui leur disent quoi faire de leurs économies. À leur niveau, tout cela n'a rien de virtuel. Ils ne voient pas par quel prodige un État incapable d'assurer ses missions fondamentales et cumulant 3000 milliards d'euros de dette pourrait espérer innerver les entreprises.

Le plus important est ailleurs. Car comme en toutes choses, il y a en effet «ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas» (Claude Frédéric Bastiat, 1850). En l'occurrence, ce qui point derrière la charge contre le patrimoine financier des Français et le dirigisme économique, c'est la volonté plus ou moins assumée de s'attaquer à notre modèle sociétal. Celui-ci est regardé comme un frein au libre-échange dans une économie mondialisée. Il s'agit d'ériger le consumérisme en valeur cardinale, ni plus ni moins.

Nous vivons dans une société de zapping généralisé dans laquelle nous avons pris la mauvaise habitude de tout avoir en un instant, tout du moins ce qui revêt de l'importance à nos yeux de consommateur.

Frédéric Douet

Cela renvoie à l'image d'un monde ouvert dans lequel tout se marchandise, y compris l'homme lui-même. Chacun se souvient de la saillie de Pierre Bergé : «Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence ?». Le pouvoir que leur confère l'argent fait que les adeptes de cette doxa se sentent libérés de toute morale. Pour eux, les individus doivent être réduits à l'état de consommateurs compulsifs s'accomplissant dans l'acte d'achat. Cette logique délétère conduit à vouloir les déraciner en coupant tout ce qui peut les relier à l'ancien monde : famille, religion, morale, propriété, immobilier, héritage…

Cela marque l'avènement des individus QR code dont nous avons eu un avant-goût à l'occasion des différents confinements. Ce constat est amer. Il est révélateur d'une société à la dérive dans laquelle tout se vaut à condition d'en avoir les moyens. Mais il faut garder à l'esprit qu'une horloge cassée n'indique l'heure exacte que deux fois par jour. La fatalité n'est pas de mise. Il est encore temps d'avoir de grandes ambitions pour la France. L'horizon des jeunes générations ne doit pas se limiter à la bimbeloterie des marchands de rêves éphémères. La restauration de la cohésion sociale et de la prospérité commence par une instruction publique de qualité et la diffusion des valeurs républicaines. Rien de nouveau par rapport à ce que prônaient les hussards noirs de la République. Parmi ces valeurs centrales figurent notamment la liberté, la sécurité, la responsabilité, l'esprit d'entreprise ou la souveraineté…

Reste à savoir comment mettre effectivement en œuvre un programme ambitieux. Sinon tout cela resterait de la littérature. Nous vivons dans une société de zapping généralisé dans laquelle nous avons pris la mauvaise habitude de tout avoir en un instant, tout du moins ce qui revêt de l'importance à nos yeux de consommateur. Or ce qui est fondamental prend du temps et ne s'obtient pas sans efforts. S'inscrivant dans le mouvement de déconstruction, le passage au quinquennat a déréglé la boussole présidentielle. Pour réformer en profondeur, les politiques doivent retrouver le sens du temps long. Cela passe par le rétablissement du septennat renouvelable une fois.

«Et maintenant, nos gouvernants s’en prennent au patrimoine financier des Français !»

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
79 commentaires
  • Jumbo100

    le

    Le prochain choc du genre covid ou crise de 2008 fera encore grimper la dette de 500 a 1000 milliards d'Euros et cette fois cela risque de faire très très mal

  • Qui saura

    le

    L'Europe serait -elle en faillite pour lorgner l'épargne des pays membres ? Il est temps de regarder cette nébuleuse d'un peu plus près.

  • Demain il fera nuit

    le

    Pauvre franchouillard avec son studio acheté à Melun ou Limoges en Pinel ah ah ah

À lire aussi

Nicolas Baverez: «L’État vautour»

Nicolas Baverez: «L’État vautour»

CHRONIQUE - L’État, en se rapprochant de la faillite, se transforme en kleptocratie: pour continuer à dépenser, la puissance publique est désormais prête à tout.