RécapSki, resto étoilé… Que sait-on du voyage polémique de Wauquiez au Japon ?

Laurent Wauquiez : Station de ski, restaurant étoilé… Que sait-on de son voyage polémique au Japon ?

Récap« Le Monde » a fait état le week-end dernier d’un voyage « très confidentiel » de Laurent Wauquiez au Japon en mars dernier. Les élus socialistes de la région Auvergne-Rhône-Alpes demandent des comptes
Après la publication d'un article du « Monde » faisant état du voyage « très confidentiel » de Laurent Wauquiez au Japon, les élus socialistes de la région Auvergne-Rhône-Alpes demandent des explications.
Après la publication d'un article du « Monde » faisant état du voyage « très confidentiel » de Laurent Wauquiez au Japon, les élus socialistes de la région Auvergne-Rhône-Alpes demandent des explications.  - A. Robert / Sipa
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Dans un article publié samedi, le journal Le Monde se faisait l’écho d’un voyage « très confidentiel » de Laurent Wauquiez au Japon, organisé en mars par l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises (ARAE).
  • Ce lundi, le groupe d’opposition socialiste à la région a demandé des comptes à l’élu, suspectant que certaines activités de ce séjour, « organisées dans le plus grand secret », ne relevaient pas d’une mission régionale à l’étranger.
  • L’ARAE répond qu’il s’agissait pourtant bien de nouer des partenariats économiques avec des entrepreneurs japonais. « Ce déplacement ne prévoyait aucune séquence privée », martèle-t-elle.

Plus de 48 heures après la publication de l’article du Monde faisant état du voyage « très confidentiel » de Laurent Wauquiez au Japon, en mars, la polémique n’est pas retombée. Les élus socialistes de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont adressé lundi un courrier au président, dans lequel ils lui demandent de fournir les factures d’activités « organisées dans le plus grand secret », « avant le début » de sa mission officielle en Asie. Des activités ayant engendré des frais susceptibles de relever de ses « dépenses personnelles ».

Ils dénoncent également « l’opacité qui entoure les activités d’Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises », l’agence économique qui a organisé ce déplacement. Que reprochent-ils à Laurent Wauquiez ? Ce voyage était-il « discret » ? 20 Minutes fait le point.

Quel était ce voyage ?

Il s’agissait d’un déplacement « à vocation économique », répond l’agence Auvergne-Rhône-Alpes-Entreprises (ARAE), laquelle se présente comme le « bras armé » de la région en matière de développement économique et de relocalisations industrielles.

Ce voyage était destiné à « promouvoir les entreprises industrielles de la région » à l’occasion du salon Smart Manufacturing Summit, qui s’est déroulé du 13 au 15 mars à Tokyo. « Vingt-cinq entreprises » locales faisaient partie de la délégation. « Je vous confirme que ce déplacement a été porté par l’agence dont c’est l’une des missions, à savoir la promotion de la région et de ses territoires et l’accompagnement des entreprises à l’export », indique l’ARAE à 20 Minutes, précisant qu’elle organise « environ une dizaine » de missions chaque année.

La « collaboration avec la préfecture d’Aichi [au sud-ouest de la capitale] a commencé en 2022 par la signature d’un accord » entre les deux régions « sous l’impulsion du gouverneur Hideaki Ohumra et de Laurent Wauquiez », mentionnait-elle le mois dernier sur sa page LinkedIn. Et d’ajouter : « Cette nouvelle rencontre concrétise l’importance du développement économique et en particulier les secteurs stratégiques tels que l’hydrogène, le numérique, l’industrie du futur ».

« Qu’un président de région se déplace à l’étranger pour créer des liens et favoriser son territoire, il n’y a rien d’illogique en soi. Mais ce sont plutôt les détails du programme qui nous interpellent et qui demandent à être clarifiés », souligne alors Johann Cesa, vice-président du groupe socialiste.

Quels sont ces détails qui n’ont pas échappé à l’opposition ?

Les dates du séjour, pour commencer, ont interrogé les élus socialistes. Laurent Wauquiez est parti de France le 8 mars pour atterrir le 9 à Tokyo. « Il a ensuite pris un vol en direction de Sapporo [tout au nord de l’archipel] et s’est rendu deux jours dans la station de ski de Kiroro. Il est rentré le lundi 11 mars à 23 heures à Tokyo, développe Johann Cesa auprès de 20 Minutes. Nous aimerions savoir si ces billets d’avion, le transfert jusqu’à la station, les nuits d’hôtels, les repas, les forfaits de ski et la location de matériel ont été payés par les deniers personnels de Laurent Wauquiez ou par Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises. Si c’est le cas, cela pose problème car cette agence est financée à 80 % par des fonds publics. » Et de résumer : « Cela reviendrait à dire que son séjour au ski a été payé par les contribuables ».

De son côté, l’ARAE a assuré au Monde que des rendez-vous avaient été organisés sur place entre les acteurs locaux et des entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes spécialisées dans le secteur de la montagne, comme le Club Med (qui possède un resort à Kiroro) ou le cluster Montagne. Mais l’un des participants a témoigné anonymement auprès du quotidien national n’avoir jamais vu Laurent Wauquiez à ces rendez-vous d’affaires pendant deux jours.

L’opposition régionale s’interroge également sur l’organisation d’un dîner dans le restaurant étoilé « Lugdunum Bouchon Lyonnais », du chef Christophe Paucod. Un repas auquel auraient été conviés 150 chefs d’entreprises français et japonais. Un « second dîner au sommet », dénonce Johann Cesa. « On peut se demander s’il s’agissait de favoriser les liens économiques ou s’il servait les intérêts électoralistes de Laurent Wauquiez pour ses ambitions politiques en vue de 2027 », questionne-t-il. Et de réclamer « l’ensemble des factures pour la tenue de ce dîner et la liste détaillée des participants. »

Pas de problème, répond l’ARAE. « Les déplacements des membres de notre gouvernance et de nos collaborateurs sont pris en charge par l’agence dans le strict respect des règles en vigueur », assure-t-elle. « La consolidation budgétaire de ce déplacement de mars dernier est en cours. Un bilan comptable pourra être diffusé dans le cadre du processus de présentation des comptes de l’Agence, comme d’habitude », ajoute-t-elle.

Peut-on parler d’un « voyage discret » ?

« Laurent Wauquiez, qui est pourtant prompt à communiquer lorsqu’il s’agit de la région Auvergne-Rhône-Alpes ou de lui-même, est resté bien discret cette fois, accuse Johann Cesa. Il n’a absolument rien posté son son compte Twitter, à l’inverse de la présidente d’Occitanie, qui était également en déplacement au Japon début mars. » Rien de répréhensible sur le fond, même ce silence peut laisser dubitatif.

L’Aderly, agence pour le développement économique de la région lyonnaise, qui œuvre également pour le rayonnement de la ville à l’international, a indiqué lundi à 20 Minutes n’avoir été « aucunement associée ni même informée de cette mission, quand bien même le Japon figure parmi les marchés qu’elle prospecte depuis des années ».

Doit-on alors penser que ce voyage a été organisé en catimini ? « Les élus régionaux n’en ont pas été informés. Ce déplacement ne figurait pas dans la liste des « temps forts » de l’année 2024 présentés en commission », assure Johann Cesa, document à l’appui. A l’inverse, le CES de La Vegas, le Salon de l’Agriculture ou encore le Mountain Planet, qui s’est déroulé à Grenoble les 16 et 17 avril, sont mentionnés.

« Il est faux de dire que ce déplacement avait un quelconque caractère confidentiel, tranche l’ARAE. Il ne prévoyait aucune séquence privée. Tous les membres de notre gouvernance ont dédié l’intégralité de leur temps sur place pour remplir les objectifs du déplacement ».

« Nous avions communiqué à de multiples reprises sur les réseaux sociaux, auprès des entreprises et auprès du grand public », se défend-elle.

Nous avons remonté le fil du compte X (ex-Twitter) de l’agence sans trouver trace d’une annonce ou d’un compte rendu de l’événement. Idem sur sa page Facebook. En revanche, l’agence avait bien publié un communiqué sur son site Internet en amont, invitant les chefs d’entreprise à candidater pour ce voyage et précisant qu’il aurait lieu du 11 au 15 mars.

Le programme prévisionnel proposé, accessible sur Internet, ne faisait alors état d’aucun déplacement dans la station de Kikoro. L’ARAE a également posté des publications, photos à l’appui, sur sa page LinkedIn, comme nous le mentionnons en début d’article, pour rappeler l’objectif et l’importance de cette mission.

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