"Ma force, c'est de le faire aussi pour les autres": le combat du Varois Maho, homme transgenre, pour devenir boxeur professionnel

Maho Bah-Villemagne, 30 ans, vient de voir son identité de genre reconnue par l’État. Une belle victoire qu’il espère bientôt rendre complète, grâce à une requête déposée auprès de la Fédération française de boxe.

Sandrine Beigas Publié le 23/04/2024 à 07:15, mis à jour le 23/04/2024 à 08:23
video

"Je serai content si je gagne par KO. Mais je le serai plus encore si j’arrive à faire changer les mentalités." Maho Bah Villemagne est déterminé, mais aussi confiant. Car il a déjà gagné le plus beau de ses combats.

Assigné femme à la naissance, il a été reconnu homme par l’état civil il y a quelques mois. "C’était le 22 décembre. Ce jour-là, où ça a enfin été accepté, tout s’est apaisé." Pendant très longtemps, à Hyères dans le Var où il est né, mais aussi à Gap, puis Marseille, il est resté "elle", caché aux yeux de la société.

En 2016, alors qu’il est étudiant à Nice, Maho est en questionnement de genre bien qu’il se considère encore comme une femme lesbienne. Son ex de l’époque l’appelle "Il", lui dit qu’il est beau.

Un jour, le couple se fait agresser sur la promenade des Anglais. "C’était la première fois que je me battais contre un homme. Je me suis rendu compte que je ne savais pas me défendre." À partir de là, il n’a qu’une obsession: chercher une salle de boxe.

"J’ai commencé, et ça a été le coup de foudre." D’un coup, Maho a envie d’y aller tout le temps, ne pense qu’à ça, ne parle que de ça, "comme quand on a une amoureuse ou un amoureux".

Maho Bah-Villemagne, 30 ans, vient de voir son identité de genre reconnue par l’État. Une belle victoire qu’il espère bientôt rendre complète, grâce à une requête déposée auprès de la Fédération française de boxe. Photo Roxanne D'Arco.

Très vite, cette activité devient bien plus qu’un moyen de défense. Il tente de trouver un entraîneur à Nice mais n’y trouve pas assez de soutien. C’est à Marseille au Collectif boxe Massilia*, dans le quartier historique du Panier, que la rencontre a lieu avec celui qui deviendra son coach.

"La première fois, il bougeait très mal, raconte Diego Negri en souriant. Et moi, je suis borné sur le mouvement, sur les jambes. Mais il m’a dit 'Je veux faire de la boxe'. Il s’est mis à faire des exercices hyper chiants et il a tenu. La boxe ressemble un peu au monde militaire et il était très discipliné."

Maho s’entraîne intensivement et se bat la plupart du temps… contre des hommes. Car il n’y a quasiment pas de femmes dans la boxe anglaise. "En sparring (combat d’entraînement), je me battais contre des mecs de ma catégorie qui m’ont déjà mis KO. Ils m’ont fait saigner, j’ai eu des blessures aux côtes…" Son premier combat officiel a lieu en 2018.

La boxe comme guide

C'est au Collectif boxe Massilia que Maho a rencontré son coach, Diego Negri. Photo Roxanne D'Arco.

La boxe, devenue son grand amour, le conduit à s’engager dans l’armée. "J’avais vu des boxeuses de l’armée dans différents galas, avec leurs tenues et tout. Et puis j’ai vu qu’il y avait des métiers qui pouvaient m’intéresser." 

Il est recruté en tant qu’administrateur de base de données. Après huit mois de classes, il est détaché en tant que lieutenant pour l’armée de l’air au Cespa (Centre d'épidémiologie et de santé publique des armées) à Marseille.

En plus d’une stabilité financière, cette expérience lui apporte "énormément, en terme de dépassement de soi, de responsabilités, sur la stratégie de vie, sur l’histoire, sur la France aussi".

Après des stages avec l’équipe de France militaire et avec l'accompagnement de son coach Diego Negri, Maho obtient le titre de championne de France militaire en moins de 52 kilos. Photo Roxanne D'Arco.

Maho fait des stages avec l’équipe de France militaire et obtient le titre de championne de France militaire en moins de 52 kilos.

En parallèle, il s’assume de plus en plus "en tant que Maho". Il commence à en parler à ses supérieurs, trouve même une écoute auprès d’une colonel devenue une femme trans. Elle lui donne des conseils et le motive. "Elle m’a dit que j’avais beaucoup de chance par rapport à elle car ça n’avait pas du tout été accepté et elle avait dû se battre pour ne pas être prise pour une folle."

En 2022, Maho décroche le titre de vice-championne de France, toujours chez les -52kg. Mais la transition n’est pas encore vraiment entamée. "J’aimais tellement la boxe que je ne voulais pas arrêter. Au début, j’étais prêt à ne pas être moi-même, à rester 'elle' pour ce sport. Mais au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je n’y arriverai pas et qu’il fallait que j’assume ma transition pleinement."

Le dernier cercle à convaincre

En 2022, Maho décroche le titre de vice-championne de France, chez les -52kg. Photo Roxanne D'Arco.

Il subit une opération et débute un traitement hormonal. Le processus est lourd mais il sait pourquoi il le fait, "au moins c’est cadré, il y a un début et une fin". Beaucoup plus que les démarches administratives nécessaires pour changer d’identité.

Plusieurs fois, Maho pense qu’il va craquer. "C’est le pire et le plus dur à gérer. Il faut toujours se justifier, parfois même négocier, donner des preuves." 

Ses amis, son coach, les membres du Collectif boxe Massilia lui donnent la force de continuer. Le 22 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Marseille reconnaît qu’il "convient de remplacer la mention 'du sexe féminin' par 'du sexe masculin'".

Maho ne pouvant désormais plus combattre chez les femmes, il reste le monde de la boxe à convaincre. Accompagné de son avocat Michel Pautot, spécialisé dans le droit du sport, il a déposé une demande pour être boxeur professionnel auprès de la Fédération française de boxe. Si cette requête est acceptée, une mention devra ensuite être ajoutée dans le règlement pour les personnes transgenres.

"Le CIO (Comité international olympique) a bien autorisé Laurel Hubbard, première femme trans à disputer les Jeux de Tokyo en haltérophilie, rappelle Me Pautot. C’est un bon précédent pour que des dispositions favorables soient prises. C’est en bonne voie et c’est bien car le sport doit avant tout rassembler."

Depuis qu’il fait "des grandes annonces", notamment dans les médias, Maho reçoit des messages de personnes qui font ou ont fait leur transition. "Ma force, c’est de le faire aussi pour les autres. En vrai, si c’était que ‘pour Maho’, je ne trouverais pas ça incroyable. Mais si c’est pour ouvrir la voie pour d’autres personnes, c’est différent."


*L’objectif de ce club de boxe est d’accueillir tout le monde, peu importe son âge, sa catégorie sociale ou sa religion. Le but est de promouvoir l’esprit de la boxe, cosmopolite et populaire.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Nice-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.