Fabien Versavau, PDG de Rakuten au JDD : « Nous avons créé le plus grand centre commercial en ligne »
E-COMMERCE. Désormais, Rakuten, ex-PriceMinister, est rentable en France. Retour sur dix ans de transformation avec son PDGmodèle Le site a créé une plateforme qui héberge des marques, des enseignes, des petits commerçants.
Le JDD. Cette année, vous annoncez que vous êtes rentables en France. Enfin, pourrait-on dire !
Fabien Versavau. Mieux vaut tard que jamais. Mais c’est surtout l’aboutissement d’un profond travail de retournement, que j’ai initié à partir de 2019. Après le rachat en 2010 de PriceMinister par le groupe Rakuten, grand conglomérat japonais, le marché de l’e-commerce est devenu hyperconcurrentiel avec notamment l’arrivée en Europe de nombreux acteurs internationaux portés par des investissements conséquents dans leur croissance.
Dès 2014, les difficultés se sont accumulées pour PriceMinister qui avait fini par perdre son avantage concurrentiel et surtout une partie de ses clients et de son modèle économique. L’année 2019 a marqué un tournant dans notre histoire avec la volonté d’écrire un nouveau chapitre entrepreneurial et, au-delà, de lancer la marque Rakuten France (en remplacement de PriceMinister). Nous avons réinventé notre modèle, développé une nouvelle proposition de valeur et diversifié nos activités.
Ce nouveau modèle, comment l’avez-vous réinventé ?
D’abord, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas essayer de faire comme les grands acteurs américains ou chinois, mais essayer de proposer un vrai service aux marques et aux commerçants, que ce soit les petits commerçants ou les grandes enseignes. L’idée, c’était de créer une plateforme qui soit un réel contributeur au développement e-commerce de nos partenaires européens. C’était ça le point de départ.
Et concrètement ?
Nous voulions proposer un centre commercial en ligne. Un endroit où vous proposez aux consommateurs des parcours qui leur font gagner du temps, qui leur font gagner de l’argent, parce que vous avez au sein d’un même espace l’ensemble des besoins et des parcours d’achat des clients. Mais pour que cela fonctionne, il fallait deux choses : l’offre la plus large possible, c’est-à-dire beaucoup de boutiques, et en face, de la demande, c’est-à-dire du trafic, donc des consommateurs.
C’est la rencontre de ces deux choses qui a fait de cette promesse du centre commercial une réalité. Plus vous avez d’offres, plus vous générez d’attrait pour avoir de la demande et réciproquement. Nous avons donc donné la possibilité aux marques, aux enseignes, aux petits commerçants, d’avoir des magasins hébergés sur notre plateforme.
Et qu’avez-vous fait pour attirer les consommateurs ?
Nous avons lancé un programme gratuit et très généreux de cashback (technique marketing qui consiste à rembourser au consommateur une petite partie du montant de ses achats, NDLR), pour faire venir des clients et les fidéliser, parce que jusqu’à présent la fidélisation était le parent pauvre de l’e-commerce en Europe. Généreux parce qu’on permet à nos membres de récupérer en moyenne 900 euros par an et même 1 300 euros pour nos membres Platinium, qui sont les plus engagés.
Mais aussi généreux parce qu’on permet d’utiliser cette somme soit pour des achats, soit en récupérant directement l’argent sur son compte. Le taux de cashback oscille entre 2, 3, 4 %, avec parfois des journées spéciales à 20 % de cashback sur certaines références pour nos membres.
Comment financez-vous ce programme ?
En limitant par ailleurs nos dépenses marketing : pas besoin de faire de publicité quand vous avez un système aussi incitatif pour les acheteurs. Nous avons aussi pris sur nos marges et optimisé nos coûts en automatisant un certain nombre de tâches. Nous avons demandé à certains commerçants de faire des efforts pour, ponctuellement, offrir plus sur certains produits par exemple.
« Auparavant, la fidélisation était le parent pauvre du e-commerce »
Quel est l’intérêt pour les commerçants de passer par votre plateforme plutôt que par leur propre boutique en ligne ?
C’est comme dans le monde physique : certains ont leurs propres boutiques et sont aussi présents dans les centres commerciaux. Dans les deux cas, l’intérêt, c’est le passage : nous avons une communauté de treize millions de membres, ça représente un acheteur français sur trois. Les marques peuvent ainsi toucher une clientèle différente, qui n’est pas nécessairement sur leur site ou dans leurs magasins. De plus, contrairement aux modèles publicitaires, on ne fait pas payer pour toucher ces millions de clients qui visitent chaque mois le centre commercial, mais uniquement en prenant une commission sur les achats, en moyenne autour de 10 %. Et surtout nous ne sommes pas concurrents de ces commerçants, puisque nous ne vendons rien nous-mêmes. C’est tout cela qui nous a permis d’avoir des enseignes comme Boulanger, Carrefour, Darty, Feu Vert…
Votre centre commercial a quand même une particularité : il accueille aussi des ventes de particuliers, avec de la seconde main…
Oui c’est une activité historique que nous avons conservée. La seconde main, occasion et reconditionné, représente la moitié du volume total de nos ventes aujourd’hui. La moitié est gérée par des professionnels, comme Easycash, Cash Converters ou Momox, l’autre moitié par des particuliers, qui représentent donc un quart des ventes. Nous vendons beaucoup de produits culturels, livres, jeux vidéo… et d’électronique. Pour chaque produit recherché sur Rakuten, une option de seconde main est proposée. g
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