Vivre en Macédoine du Nord n’est pas un long fleuve tranquille, comme le laisserait penser sa nature généreuse en lacs et en montagnes, et sa cuisine réputée la meilleure dans les Balkans. Ce mercredi 24 avril, les Macédoniens du Nord se rendent aux urnes pour le premier tour des élections, dont le thème principal tourne autour de l’UE que Skopje espère intégrer depuis 2005, date de sa candidature. Et le dossier n’a guère avancé alors que l’Europe est une priorité pour ce petit pays pauvre, peu peuplé (1,8 million d’habitants), entouré de cinq voisins – Kosovo, Serbie, Grèce, Bulgarie et Albanie – quelque peu envahissants.

Deux approches en compétition

Les deux principaux concurrents pour la présidence du pays ne sont pas d’accord sur la réponse à donner à Bruxelles. Stevo Pendarovski, président social-démocrate candidat à sa réélection, veut accélérer le processus et changer immédiatement la Constitution pour faire avancer les négociations. Son adversaire principale, Gordana Siljanovska-Davkova, 71 ans, est soutenue par le principal parti de droite, VRMO-DPMNE. Elle n’est pas hostile à un changement de la Constitution, mais veut le faire avec un effet différé : l’adoption ne prendrait effet qu’après l’acceptation de la Macédoine du Nord comme membre de l’UE.

« S’il suffisait de changer la Constitution pour entrer dans l’Union européenne, nous y serions déjà », a-t-elle balayé pendant la campagne, promettant de « ne pas oublier les intérêts nationaux ». En 2019, les deux candidats étaient arrivés quasiment ex aequo au premier tour. Mais cette année les sondages donnent Gordana Siljanovska-Davkova en tête avec 26 % des intentions de vote, contre 16 % pour Stevo Pendarovski.

Dans l’ombre de ses grands voisins

Indépendante depuis l’éclatement de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, en 1991, la Macédoine a vu depuis son intégrité souvent remise en cause par les plus grands de ses voisins. Pendant vingt-sept ans, la Grèce, qui possède une province du même nom a exigé un changement de nom du pays. Chose faite par l’accord conclu en juin 2018 sur les rives du lac Prespa entre les premiers ministres Alexis Tsipras et Zoran Zaev, ratifié au forceps en janvier 2019. L’acceptation d’ajouter « du Nord » au nom Macédoine a permis que la querelle qui avait empoisonné les relations entre les deux pays, au point de bloquer les perspectives euro-atlantiques de Skopje, soit soldée.

Ce problème enfin réglé, la Bulgarie voisine, à son tour, a mis son veto, entre 2020 et 2022, à l’ouverture de négociations d’adhésion en raison d’un différend sur des questions linguistiques et historiques. Une fois le différend levé, les négociations se sont ouvertes avec l’UE, à la condition – toujours posée par la Bulgarie –, que la Macédoine du Nord reconnaisse sa minorité bulgare dans la Constitution.

Un second tour le 8 mai avec les législatives

Précédemment, la minorité albanaise (un quart de la population) avait lancé une insurrection en 2001, qui a cessé lorsqu’elle a obtenu quelques mois plus tard, par l’accord d’Ohrid, que les Albanais aient davantage de droits que les autres minorités. Ainsi, la langue albanaise devenait officielle aux côtés du macédonien dans toutes les municipalités peuplées d’au moins 20 % d’Albanais ; l’usage de l’albanais était autorisé au Parlement ; la police devait comporter au moins 23 % d’Albanais ; et, enfin, la Constitution était amendée pour permettre aux députés albanais de s’opposer à toutes les décisions parlementaires concernant leur minorité (principe de la « double majorité ») ; les lois devaient être officiellement rédigées en macédonien et en albanais.

Au-delà d’un référendum sur la position à adopter face à l’Union européenne, le premier tour sera surtout une occasion de mesurer le poids des différents partis avant le 8 mai, date du second tour et des élections législatives.