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«Ça m'intéresse de savoir où va l'argent que l'État me prend» : l’étrange fiche de paie de Bruno Le Maire fait polémique

Heures supplémentaires, taux d’imposition, montant des cotisations... Les internautes réagissent au bulletin de paie simplifié présenté ce matin par le ministre de l’Économie.

À défaut d’être concis - le dossier de presse fait 68 pages - Bruno Le Maire a voulu être concret en dévoilant ce matin le projet de loi simplification, qui sera présenté en conseil des ministres ce mercredi. Sur le bulletin de salaire, qu’il souhaite rendre plus lisible en le réduisant de «plus de cinquante lignes» à «une quinzaine de lignes», le ministre a montré une fiche de paie «avant» /«après». Une démonstration qui a provoqué une avalanche de réactions des internautes.

Cette fiche de paie factice de Mme Salariée, chargée de clientèle dans une bijouterie, résidant 91 590 à la Ferté-Alais affiche un salaire net de 1.278,75 euros à empocher par l’employée après prélèvement des impôts à la source, pour un salaire brut de 1.912,58 euros. Pour l’employeur, le coût total revient lui à 2.325,44 euros.

Des attentes sur le pouvoir d’achat

Les internautes réagissent d’abord à la faiblesse des salaires, mise en exergue par cette fiche de paie. «La vraie question c’est qu'avec 10 heures supplémentaires, la personne ne se fait que 1278 euros par mois. Et qu'on parle de simplification plutôt que d'augmentation du net pour vivre …», réagit ainsi Jérôme. Comme lui, les internautes se désolent que cela n'améliore pas le pouvoir d'achat qui est la seule préoccupation des gens sur la fiche de paye. Une réalité reconnue par le Premier Ministre lui-même qui a dénoncé une smicardisation de la France et s’est engagé à ce que le travail paie davantage que l’assistanat.

De fait, le nombre d'employés rémunérés au smic a explosé, atteignant 3,2 millions de personnes en 2023, soit 17,3 % des salariés, contre seulement 12 % deux ans plus tôt. Un débat relancé la semaine dernière par le patron de Michelin, Florent Menegaux, affirmant que « le smic n'est pas un salaire décent ». Résultat, Michelin a adapté la grille des rémunérations au coût de la vie locale.

Les internautes s’étonnent aussi du taux d’imposition de 10%, qui leur paraît élevé pour un salaire modeste. Mais, la fiscalité française étant ainsi faite, il est difficile de juger car le taux appliqué, qui peut être familialisé ou individualisé au choix, peut dépendre du niveau de salaire du conjoint. Mais aussi des revenus autres que salariaux (loyers sur des logements loués, revenus de produits financiers etc). «Il s'agit d'une simulation théorique. Ce qui compte c'est l'avant/après sur la forme», défend Bercy.

Les petits patrons pas convaincus

Mais, les internautes, pourtant prompts à fustiger la sur-administration et la bureaucratie à la française, ne sont pas totalement convaincus sur le bien-fondé même de la simplification du bulletin. «Ce n'est pas simplifier c'est faire disparaître les détails des taxes, pour obscurcir, pour flouter les calculs, pour habituer les gens à ne plus voir les détails de ce qui leur est ponctionné. Ça ne simplifie rien pour le salarié, ça complexifie même, puisqu' il devra en plus faire une démarche supplémentaire pour avoir l'info qu'il avait avant», réagit Béatrice. «Ça m'intéresse de savoir où va l'argent que l'état me prend. Donc pas de "simplification" merci», commente un autre internaute.

Les employeurs devront eux en effet continuer à tenir une comptabilité pour répondre aux demandes d’explications et de justification de leurs salariés. D’ailleurs, les chefs d’entreprise ne sont pas plus convaincus que les internautes. «Les entreprises devront payer le traitement administratif de cette mesure puisque la mise à jour des systèmes d'édition des bulletins de paie n'est pas gratuite», réagit François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) qui souligne que la complexité de la fiche de paie n'est pas tant liée au nombre de lignes qui figurent dessus mais serait plutôt «intrinsèque au droit du travail et au système social français». Quant à l’économiste Jean-Marc Daniel, il a fustigé «le summum du ridicule, c'est cette histoire de supprimer des lignes dans le bulletin de paie. S'ils veulent véritablement le simplifier, au lieu de supprimer des lignes, ils n'ont qu'à supprimer les impôts qui correspondent à ces lignes».

Et pourtant le Conseil d'État a souligné «une trop grande complexité» du bulletin de paie, malgré les cinq lois et décrets passés depuis 1998. Car cette initiative de Bruno Le Maire n'a rien de très nouveau: les fiches de paie françaises ayant fait l'objet de multiples coups de rabots ces dernières années. À défaut d’être novateur et totalement convaincant, le ministre de l’économie aura réussi à créer le «buzz» et faire parler de sa mesure.

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230 commentaires
  • Sans-dents

    le

    C'est une fausse bonne idée pour les entreprises:
    Elles devront continuer à produire les "anciennes" fiches de paie, et financer les modifications des logiciels de paye qui produiront les bulletins "simplifiés" ! ;-)

  • Etonnant

    le

    Est ce vraiment ce que les entreprises et les particuliers attendent ? Simplifier c'est à dire limiter le nombre de documents administratifs, centraliser des documents partageables par les administrations (le coffre-fort électronique est une bonne idée, si on sait gérer la sécurité), faciliter la création d'entreprises, plutôt que cacher ce que l'on reverse à l'Etat sur nos bulletins de salaires

  • Moltes

    le

    Quand on voit le niveau des Français à la sortie des écoles ou universités, cette tendance vers la smicardisation ne devrait étonner personne. Dans un contexte global, Chinois, Indiens, Américains… sont mieux formés et plus pragmatiques dans leur approche.

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