Pourquoi les aliments sucrés nous rendent-ils accros?

Des boissons gazeuses sucrées aux friandises alléchantes en passant par les desserts tentants… le sucre est omniprésent et très addictogène. Mais une surconsommation peut avoir de sérieuses conséquences sur la santé et mener à une véritable dépendance.

Stéphanie Wiélé Publié le 24/04/2024 à 16:00, mis à jour le 24/04/2024 à 16:00
Les aliments transformés et les boissons sucrées sont facilement accessibles. Pour de nombreuses personnes, il est difficile de résister à la tentation. Photos Pexels et Astrid di Crollalanza

On a tous un péché mignon. Un aliment au goût de "reviens-y". Et très souvent, ce plaisir coupable contient du sucre. Bonbons, pâtisseries, gâteaux, sodas, boissons aromatisées…: il est partout dans notre alimentation. Parfois même sans que l’on soupçonne sa présence. Loin d’être anodine, la consommation excessive de sucre, qui va jusqu’à la dépendance chez certains, a potentiellement des conséquences graves sur la santé. Dans son ouvrage Docteur: addict ou pas? (ed. Harper Collins), le Pr Laurent Karila, psychiatre spécialisé dans les addictions, décrypte le phénomène.

Quelle place du sucre dans l’alimentation?

S’alimenter est une récompense naturelle comme boire ou avoir des rapports sexuels. Et, depuis toujours, le sucre, qui est le "carburant" de nos cellules, représente une récompense précieuse pour l’organisme.

Pourquoi a-t-il un potentiel addictif?

Sa consommation active le circuit de récompense. Lorsque nous mangeons du sucre, le cerveau libère de la dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir. Cette sensation renforce le désir de consommer davantage de sucre, créant un cercle vicieux de dépendance.

Et ça, l’industrie agro-alimentaire l’a bien compris…

Tout à fait. Elle utilise des aliments à forte palatabilité (texture agréable au palais), susceptibles de déclencher des envies irrépressibles de consommer, le fameux "craving". Une étude menée dans le Connecticut a montré que les biscuits Oreo activent plus de neurones dans le centre du plaisir du cerveau des rats que la cocaïne!

Quel est le niveau de consommation de sucre en France?

La consommation moyenne française de sucres libres ou sucres ajoutés (c’est-à-dire ceux que les fabricants de produits alimentaires ajoutent pour augmenter la saveur ou prolonger la durée de conservation) est de 11,5% des apports caloriques (58g/j), soit 10,5% des apports caloriques (51g/j) chez les adultes et 15% des apports caloriques (67g/j) chez les enfants (Credoc, enquête CCAF 2019). En moyenne, les adultes respectent la recommandation officielle fixée à 10% des apports caloriques. Mais comme c’est une moyenne, beaucoup d’adultes sont cependant au-dessus de ce pourcentage.

Comment expliquer cette surconsommation chez certaines personnes?

Le problème vient justement des sucres ajoutés. En effet, ils sont partout: dans les produits industriels transformés et ultra-transformés, mais aussi de façon plus sournoise dans les soupes, le pain, la charcuterie ou encore le ketchup. Ainsi, l’excès de consommation de sucre se fait parfois à notre insu, sans même que l’on ne s’en rende compte.

Quels sont les effets de cette prise excessive?

Lorsque l’on mange très sucré, la glycémie augmente et de l’insuline est libérée dans l’organisme. À la suite de ce pic, la glycémie diminue et peut entraîner des symptômes de manque: fatigue, faim, palpitations, maux de tête, sueurs froides, malaises, nausées voire douleurs musculaires.

Quelles conséquences pour la santé ?

Manger trop de sucre a des conséquences sur la santé qui vont bien au-delà de la seule prise de poids: ça a aussi un impact sur le diabète et multiplie les risques de maladies cardiovasculaires.De plus, cela peut engendrer de l’inflammation dans le corps à l’origine de troubles digestifs et intestinaux, circulatoires, voire un affaiblissement du système immunitaire. Et ce n’est pas tout: le foie métabolise le sucre de la même manière que l’alcool et convertit les glucides alimentaires en graisse. Lorsqu’il y en a trop, cette dernière s’accumule dans les cellules du foie: c’est la stéatose hépatique (excès de graisses dans le foie). Puis l’accumulation de graisse s’accompagne d’une inflammation, on passe au stade NASH (stéato-hépatite non alcoolique). Si on ne fait rien, à ce stade encore réversible, les lésions du foie peuvent s’aggraver et évoluer vers une cirrhose, voire le cancer du foie.

À quel moment bascule-t-on de la consommation excessive à l’addiction?

On parle d’addiction lorsqu’il y a une souffrance qui s’accompagne d’une perte de contrôle, d’une envie irrépressible de consommer, d’une activité compulsive, d’un usage continu mais aussi des conséquences négatives sur la vie professionnelle, familiale ou affective. Concrètement pour les aliments sucrés, il peut y avoir plusieurs signes comme se trouver des excuses concernant les sucreries que l’on mange compulsivement, avoir de plus en plus besoin de sucre pour satisfaire son envie irrépressible, manger du sucre même sans envie, se tourner instantanément vers le sucre pour faire face aux stress de la vie, à l’ennui ou à d’autres problèmes psychologiques, continuer à manger du sucré malgré la connaissance des conséquences négatives sur votre santé.

Pourquoi certaines personnes sont-elles plus vulnérables?

D’une façon générale, l’addiction naît de la rencontre d’une personne avec un produit ou un comportement addictogène dans un environnement susceptible de la déclencher. À cela s’ajoutent de nombreux facteurs: la génétique, des traits de personnalité, la façon de cuisiner, la culture… Il s’agit en réalité d’un phénomène complexe qui naît de l’interaction de différents éléments.

Comment s’en sortir?

Déjà, on peut essayer de réduire sa consommation en modifiant ses habitudes du quotidien (lire ci-dessous). Si le craving est induit par du stress, de la tristesse, de la colère, d’autres émotions négatives, il ne faut pas hésiter à se faire aider par un professionnel de santé (psychiatre, psychologue clinicien).

À lire - Docteur: addict ou pas? Alcool, sucre, sport, écrans, sexe… Déjouer les addictions, conserver le plaisir, de Laurent Karila. Éditions Harper Collins. Prix: 19, 90 euros.

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