LES PLUS LUS
Publicité

Discours de la Sorbonne : l’échec européen d’Emmanuel Macron

TRIBUNE. Emmanuel Macron tient ce jeudi à la Sorbonne un discours sur l’avenir de l’Europe. Le bilan européen du président est marqué par une influence française réduite et des approches inefficaces, affaiblissant la position de la France en Europe, juge le groupe de hauts fonctionnaires Les Arvernes*.

Les Arvernes , Mis à jour le
Emmanuel Macron le 18 avril 2024.
Emmanuel Macron le 18 avril 2024. SIPA / © Arnaud Andrieu

Pour les soutiens du président de la République, l’affaire est entendue : s’il est un domaine dans lequel Emmanuel Macron a réussi, c’est l’Europe. Et l’idée fait son chemin d’un « nouveau » discours de la Sorbonne, faisait écho à celui prononcé le 27 septembre 2017 dans lequel le Président, non sans panache, avait exposé sa vision européenne. Peut-on vraiment parler d’un succès européen ? En réalité, comme dans le domaine économique, le bilan européen qui aurait dû être un point fort du président est médiocre.

Publicité

Il y a d’abord la litanie des échecs que l’on n’a pas voulu voir à Paris. Ainsi la nomination ratée de Mme Goulard comme commissaire européen, malgré sa grande connaissance de l’Europe. Ainsi l’abandon du projet de Parlement de la zone euro à l’automne 2020. Quant à la reprise en main de la concurrence – rengaine française depuis l’affaire Schneider-Legrand en 2001 – après l’interdiction de la fusion Alstom-Siemens en 2019, elle a, faut-il le préciser, capoté. Il en est d’autres.

La suite après cette publicité

Emmanuel Macron a cependant deux succès européens. Le premier, c’est le Recovery Fund de 750 milliards d’euros. Non pas tant en lui-même : 40 % à peine ont été dépensés et son financement n’est pas assuré. Surtout, pas plus que le plan à 300 milliards de Jean-Claude Junker, il n’est de nature à arrêter le décrochage européen en termes de PIB par rapport aux États-Unis. L’essentiel est ailleurs : pour la première fois, l’Allemagne a partagé sa signature financière. Et même si la Cour de Karlsruhe a précisé que ceci ne se justifiait qu’une fois en réponse à la crise du Covid, c’est un succès pour le président.

La suite après cette publicité

L’autre, c’est le nucléaire civil. Après avoir enfin compris son intérêt, le président a su mener et gagner le combat dans les règles de l’UE, en créant des coalitions.

En Europe, la voix de la France pèse de moins en moins

Sans doute d’autres sujets auraient mérité ici que l’on s’y arrêtât. L’essentiel est ailleurs. Le bilan européen du président est médiocre pour trois raisons. D’abord, le recul de l’influence française, commencé sous Jacques Chirac, continué par ses successeurs, s’est poursuivi. Les deux présidences françaises de l’UE de 2008 et 2022 l’illustrent. Elles ont été réussies sur le plan technique, car l’administration sait travailler. Mais d’un point de vue politique, la parole de la France s’est banalisée.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

Plus largement, les autres États, passé le soulagement de voir écartée Marine Le Pen en 2017, ont compris que le président n’était pas différent de ses prédécesseurs : beaucoup de mots, mais peu de résultats. Avec quelle conséquence ? En Europe, la voix de la France pèse de moins en moins. En témoigne le discours de Prague du chancelier Scholz d’août 2022 : sans aucune concertation avec la France – à peine citée – il annonce une Europe à 35 membres, orthogonale au principe d’approfondissement cher aux élites françaises.

Ensuite, comme ses prédécesseurs, le président s’est laissé séduire par la chimère du couple franco-allemand. Dernier représentant, avec Tony Blair ou Bill Clinton, d’une génération incapable de comprendre que la politique l’emporte toujours sur l’économie, il a refusé de voir que l’Allemagne mène – c’est son droit – la politique de ses intérêts, marquée par l’unilatéralisme. L’exemple le plus caricatural est l’insistance mise par le président à prétendre construire une Europe de la défense au moment même où l’Allemagne n’a jamais été aussi atlantiste et où elle multiplie les projets militaires en laissant la France de côté.

Enfin, le président a fait sienne l’incompréhension typique des élites françaises sur ce que doit signifier être européen : être exemplaire. Ce que les partenaires de la France attendent et ce dont l’Europe a besoin, ce ne sont pas des leçons de la part d’un pays incapable de se réformer.

Fortifier l’UE, c’est, pour la France, respecter les engagements pris au titre de l’euro, dont le non-respect mine l’édifice monétaire européen : la France, en 2027, ne sera sans doute pas revenue sous les 3 % de déficit public ! C’est, plus largement, réformer son économie, soigner les fractures de la société française, dont l’état dégradé agit comme un poison lent qui tôt ou tard incitera des forces politiques à mettre le Frexit à l’ordre du jour. L’actualité récente illustre ici la tragédie du Président. Ses tentatives, légitimes mais maladroites, de convaincre les Européens d’assurer leur sécurité, suscitent le rejet comme les leçons que donnerait le mauvais élève.

L’affaiblissement de la France fragilise l’édifice communautaire

Au total, le bilan européen d’Emmanuel Macron parachève l’évolution engagée par ses prédécesseurs : croire que sous son action la France est indispensable à l’Europe, alors qu’en réalité, l’affaiblissement continué de la France fragilise l’édifice communautaire et fait le jeu des antieuropéens. Triste bilan pour ceux qui comprennent qu’une France forte et une Europe forte ne sont pas contradictoires, mais au contraire complémentaires.


*Les Arvernes est un groupe français de hauts fonctionnaires, d’enseignants, d’essayistes et d’entrepreneurs créé en 2012, qui intervient régulièrement dans le débat public à travers des tribunes publiées dans la presse.

Contenus sponsorisés

Sur le même sujet
Publicité