évolution des mœursFessée, gifles… Où en sont les mentalités sur les violences éducatives ?

Education : Fessées, gifles, humiliation… « Les parents sont souvent violents sans le savoir »

évolution des mœursPrès de cinq ans après le vote de la loi sur la fessée, les mentalités ont évolué mais la sensibilisation doit être renforcée
Malgré une loi interdisant les violences éducatives ordinaires votée en 2019, les parents n'ont pas toujours conscience des conséquences de leur éducation sur leurs enfants (image d'illustration).
Malgré une loi interdisant les violences éducatives ordinaires votée en 2019, les parents n'ont pas toujours conscience des conséquences de leur éducation sur leurs enfants (image d'illustration). - Coll-Devaney/SUPERSTOCK/SIPA / SIPA
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Contre la délinquance, le discours politique se durcit et se tourne vers la responsabilité des parents.
  • Un juge a même relaxé un père accusé de violences contre son ex-femme et ses enfants, invoquant un soi-disant « droit de correction ».
  • Cinq ans après la loi contre les violences éducatives ordinaires, la société a-t-elle évolué sur les questions de parentalité ? Heure du bilan.

Les mentalités ont évolué, les pratiques ont changé. Mais pas assez. La décision d’un juge de Metz invoquant un soi-disant « droit de correction » a remis la lumière sur ces techniques parentales qui peuvent être considérées comme violentes. Tout comme les discours politiques prônant le retour de l’autorité parentale contre une jeunesse jugée délinquante. Pourtant, en 2019, une loi sur ces violences éducatives ordinaires, communément appelée la « loi anti-fessée », est venue mettre les points sur les « i », rappelant que l’autorité parentale doit s’exercer sans violence.

Des violences psychologiques mal comprises

Selon un baromètre de la Fondation pour l’enfance publié en 2022, 63 % des parents connaissent la loi et l’ont identifiée. Près de cinq ans après, elle a donc permis une prise de conscience. Mais ils sont encore près de huit sur dix à déclarer « avoir recours à une violence éducative ordinaire, qu’elle soit physique ou morale ».

En outre, « la sensibilisation sur les violences psychologiques est encore insuffisante », note Clémence Lisembard, responsable des opérations de la Fondation pour l’enfance. Les parents passent moins à l’acte physiquement, mais la loi a pu également créer un vide, les laissant sans solution pour mettre un cadre à leurs enfants. Ils ont donc dû « trouver d’autres moyens pour asseoir leur autorité », estime Pascal Vigneron, directeur du 119, le service d’écoute téléphonique de l’enfance en danger. Il faut alors redoubler la sensibilisation sur le sujet, estiment les organismes de défense des enfants, d’autant que les violences psychologiques « sont parfois pires », alerte Pascal Vigneron.

Fine ligne entre violences et maltraitance

« Il y a un enjeu de compréhension, de sensibilisation car de nombreux parents sont violents sans le savoir », explique Clémence Lisembard. Pour aller plus loin, continuer la progression, « il faut les sensibiliser, les accompagner davantage sur les besoins de l’enfant en fonction de la maturité de son cerveau, leur livrer les informations clés même si concrètement il n’y a pas de mode d’emploi », conseille-t-elle encore. Toute sévérité n’est pas à bannir, car « l’enfant a besoin de limite, de cadre, de conséquences à ses actes », ajoute Clémence Lisembard. Mais la communication est primordiale. « Si la punition est proportionnée, cohérente et expliquée, ce n’est pas une violence », souligne-t-elle.

En revanche, quand elle est disproportionnée, elle peut relever de la violence éducative. Et quand elle est répétée, mécanique, elle devient une maltraitance. La nuance entre les deux est parfois compliquée à identifier clairement. « Si tout passage à l’acte est une violence, tout enfant qui prend un jour une gifle n’est pas forcément éduqué dans un climat de réflexe de violence », tempère Pascal Vigneron. « En revanche, les cas de maltraitance commencent souvent par des violences éducatives ordinaires qui s’inscrivent dans un terrain de violence continuelle », précise Clémence Lisembard.

Une société qui évolue

Plus « symbolique » qu’autre chose, la loi « anti-fessée » est dans les faits inapplicable mais elle a permis une sensibilisation des familles sur ce sujet. Au 119, on tombe parfois sur des grands-parents inquiets du comportement des parents. Des appels qui montrent « une réflexion des membres de la famille », souligne Pascal Vigneron.

Surtout, la loi a été intégrée par la société, jusqu’aux enfants eux-mêmes. Ils sont désormais conscients de leurs droits et qu’aucun adulte n’a le droit de les frapper. Une bonne nouvelle pour les prochaines générations puisque « 75 % des personnes qui pratiquent les violences éducatives ordinaires en ont vécues eux-mêmes », affirme Clémence Lisembard.

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