« Qu’il soit mécanique ou chimique, le recyclage des plastiques demande des technologies de tri de plus en plus performantes », lance Thibault Labeyrie, chef de projet R&D chez Pellenc ST.
Le spécialiste des machines de tri des déchets, Pellenc ST, inaugure ce 28 juin un nouveau centre d’innovation à Pertuis, dans le Vaucluse. Il permettra de mettre au point des technologies et des process afin d’industrialiser davantage le recyclage. Thibault Labeyrie, chef de projet R&D et responsable du centre Innovation de Pellenc ST, explique à Industrie & Technologies l’importance des nouvelles technologies pour voir émerger une économie circulaire.
Industrie & Technologies : Vous inaugurez aujourd’hui à Pertuis, dans le Vaucluse, votre nouveau centre d’innovation dédié aux technologies de tri des déchets. Quels seront les atouts de cette installation ?
Thibault Labeyrie : Ce nouveau centre nous permet de regrouper dans un même lieu l’ensemble de nos laboratoires et des lignes de tests. Nous l’avons conçu en deux parties. Sur 350 m2 nous avons un espace consacré à la mise au point de nos nouvelles technologies. Il comprend un labo électrotechnique, un labo d’optique, un atelier mécanique, un espace de validation climatique pour tester la résistance de nos équipements, et enfin une matériauthèque. Ici, notre équipe technique pourra rapidement créer des prototypes. Pour les tester, nous disposerons sur 1000 m2 de 4 lignes process avec chacune leur spécificité. L’une est dédiée à la validation dans le cadre d’applications spécifiques, une autre – dotée de nombreux capteurs - est consacrée à la collecte des données de production, une troisième est entièrement modulaire et servira aux tests de nos nouvelles technologies. Enfin, la quatrième ligne permet de contrôler la qualité du tri. Avec ces quatre lignes, nous pourrons affiner nos technologies et nos process, dans des conditions proches de celles des centres de tri.
Dans le recyclage des déchets plastiques, les procédés de valorisation chimiques montent en puissance. De nombreux investissements ont récemment été annoncés en France. Quel impact cela va-t-il avoir sur les techniques de tri des déchets ?
Qu’il soit mécanique ou chimique, le recyclage des plastiques demande des technologies de tri de plus en plus performantes. Il est nécessaire, dans les deux cas, d’avoir des gisements de déchets plastiques suffisamment homogènes afin d’obtenir des matériaux recyclés de qualité en bout de chaîne. Dans le cas du recyclage chimique, des produits non homogènes en entrée donneront des produits –monomères, ou huiles d’hydrocarbures - de mauvaise qualité. Le tri est plus que jamais une étape essentielle pour garantir la mise en place d’une économie circulaire en boucle fermée. La réussite du recyclage passe donc par des technologies de préparation des flux de plus en plus innovantes.
Sur quelles briques technologiques travaillez-vous ?
Le cœur de notre technologie est détection optique. Nous mettons au point des systèmes utilisant des spectromètres dans le proche infrarouge et dans le visible pour détecter les différentes matières. Mais notre savoir-faire s’étend également à d’autres techniques : par exemple, nous intégrons sur le convoyeur des capteurs de métal ou des appareils de mesure des profils – des profilomètres – pour affiner la détection. Ces derniers sont très utiles dans le cas des plastiques noirs, qui absorbent la lumière et donc posent problème à l’analyse spectrométrique. Nous combinons donc cette dernière avec un profilomètre pour identifier le type de déchet et le trier. Nous pouvons aussi utiliser des spectromètres hyperspectraux pour détecter les matières noires, mais le coût est plus important.
Nous travaillons aussi sur le projet européen Watermark, qui vise à inclure un code en filigrane dans les emballages plastiques pour en faciliter le tri. Nous allons poursuivre des tests sur cette technologie dans notre centre de recherche, sur notre ligne modulaire. Un portique de détection spécifique sera installé. Nous avons également mis l’accent sur deux technologies : l’intelligence artificielle qui nous permet d’affiner la détection de nos machines et la communication entre les machines de la ligne de tri, via le protocole OPC UA, pour automatiser les opérations de réglages et améliorer les performances.
Comment intégrez-vous l’intelligence artificielle (IA) dans vos procédés ?
L’IA va être de plus en plus utilisée dans les centres de tri pour séparer les déchets alimentaires, des non alimentaires. En effet, il y a une contrainte réglementaire qui empêche de mélanger ces deux flux, lorsque l’on veut produire du plastique recyclé qui sera utilisé en contact alimentaire. Les algorithmes sont entrainés à détecter certains emballages pouvant poser problème et les isoler du gros du flux. Elle se base sur la reconnaissance visuelle du produit. Par exemple, nous entraînons notre IA à détecter les cartouches qui ont servi à contenir du silicone, que nous utilisons par exemple pour les joints de salle de bain. Ces cartouches sont en polyéthylène téréphtalate (PET). Or les résidus de silicone altèrent fortement la qualité du flux PET. Les spectromètres ne peuvent détecter que la matière de l’emballage. Notre caméra intelligente peut quant à elle reconnaître ce produit spécifique et le séparer des autres emballages en PET.
Avec les contraintes réglementaires de plus en plus fortes pour faire émerger l’économie circulaire, y-a-t-il de plus en plus de centres de tri ?
Non au contraire. La tendance est plutôt à une diminution des centres de tri. Mais ceux-ci sont de plus en plus automatisés. Ils deviennent de véritables usines et les convoyeurs vont de plus en plus vite, si bien qu’il est désormais difficile de trier manuellement les déchets. Les opérateurs changent de rôle et deviennent superviseurs des process. Cette phase d’automatisation va se poursuivre car les centres de tri ne sont actuellement pas encore rentables, mais la généralisation des procédés d’automatisation changera la donne.
« Qu’il soit mécanique ou chimique, le recyclage des plastiques demande des technologies de tri de plus en plus performantes », lance Thibault Labeyrie, chef de projet R&D chez Pellenc ST.
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