Capture d'écran d'une vidéo postée du Télégramme le 3 mars 2023, où le chef du groupe paramilitaire Wagner, Evgueni Prigojine, prend la parole.

Depuis quelques semaines, Evguéni Progojine affiche ouvertement les activités militaires de Wagner en Ukraine. Des fuites permettent également de préciser l'ampleur de ces missions para-étatiques, de moins en moins occultes.

AFP

Qu’est vraiment le groupe Wagner ? Avant que la guerre en Ukraine n’éclate, l’organisation ressemblait encore à un groupuscule occulte. Quelques hommes, Russes pour la plupart, armés, organisés, violents, présents en Ukraine, en Centrafrique, ou encore au Mali, qui mêlent activités paramilitaires et business relativement conventionnel. Le reste n’était qu’extrapolation.

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De nouveaux documents, sur la base d’un piratage informatique, feuilletonnées ces dernières semaines, dessinent une toute autre réalité, et une véritable multinationale du crime. Une forme d’Etat dans l’Etat, dont les nombreuses filiales, ou les départements, couvrent tous les champs de nuisance imaginable contre l’Occident, du meurtre à la désinformation. Une œuvre totale, dont les liens avec le régime russe apparaissent désormais au grand jour.

D’où proviennent ces nouvelles informations ?

Ces fuites proviennent des systèmes informatiques des entreprises du groupe Wagner. Ce sont des factures, des échanges internes, des extraits d’agents, de la paperasse, comme n’importe quelle entreprise peut en avoir. Des hackers dont l’identité reste secrète ont notamment transmis ces millions de documents aux médias, notamment à Die Welt, quotidien allemand.

Depuis, Die Welt, mais aussi Arte, Paris Match, Insider, ou encore Dossier Center, un média d’opposition russe, fondé par le dissident Mikhaïl Khodorkovski, homme d’affaires anciennement détenu dans les geôles de Poutine, publient régulièrement leurs découvertes. Pour en vérifier l’authenticité, ils les recoupent avec diverses autres sources : d’autres fuites, des anciens chefs du renseignement américain, ou des groupes d’experts internationaux.

Que révèlent ces fuites ?

Ces fuites, appelées Wagnerleaks, illustrent les liens entretenus avec Vladimir Poutine et l’Etat russe, sa participation à d’autres activités pour le compte de Moscou, et l’ampleur de la structure, et sa capacité de nuisance… Dernière parution en date ? Un rapport d’une quarantaine de pages, publié par Dossier Center, le 18 mars dernier. On y découvre les liens entre les différentes filiales du groupe Wagner, et comment cette organisation sert les buts de guerre de ce qui semble proche d’un empire paraétatique.

Ces révélations viennent également compléter ce que Wagner a entrepris de rendre public ces dernières semaines. En conflit avec Vladimir Poutine sur les moyens qui lui sont octroyés par l’Etat russe, le fondateur du groupe aux multiples activités de nuisance, Evgueni Prigojine rend désormais public les activités de ses troupes, jusqu’à annoncer ce lundi qu’il contrôle 70 % de Bakhmout, ville la plus disputée du conflit. Avant cet hiver, tout cela était opaque, tenu secret.

Comment fonctionne Wagner ?

D’apparence, le groupe Wagner fonctionne comme un groupe industriel classique, une myriade d’entreprises réparties en secteurs d’activité. Il y a d’abord la maison mère, Concord Group, lancée par Evgueni Prigojine, en 1995. L’homme est alors un vendeur de hot dog, et fera la rencontre de Poutine dans les années 2000, qui le choisira pour certains contrats publics, dans la restauration, mais aussi le bâtiment, faisant une partie de sa fortune. Le groupe est également connu pour ses activités minières, en Afrique notamment.

En réalité, les Wagnerleaks permettent surtout de relier Evgueni Progojine à ses différentes activités paraétatiques, et à l’Etat russe, par le biais de versements financiers et de communications échangées. Comme le résument les journalistes Ksenia Bolchakova et Alexandra Jousset, pour Arte, elles reposent sur trois piliers, au sein desquels œuvrent de multiples entreprises.

D’abord : les activités paramilitaires, dont l’œuvre est désormais explicite. Aussi : de la désinformation, comme Lakhta, une usine à fake news basée à Saint-Pétersbourg, dans un quartier d’un même nom et dans laquelle Prigojine aurait investi plus d’1,6 million rien qu’en novembre 2019. Et également : une milice, chargée de surveiller ces différentes activités, appelée SB. Cette dernière tente de taire les activités occultes et les crimes des employés, estimés à plusieurs milliers, souvent recrutés dans les prisons russes.

Comment ces entreprises occultes recrutent-elles ?

Dossier Center révèle par exemple qu’un interrogatoire de deux heures, assisté d’un détecteur de mensonges est réalisé à chaque "entretien d’embauche". "ll s’agit d’éliminer tous les candidats ayant un faible pour l’opposition, tous ceux pouvant avoir des contacts avec les médias et les forces de l’ordre, les toxicomanes et les personnes endettées", détaille le média. Depuis qu’il est en conflit avec Vladimir Poutine, Prigojine n’a plus le droit de recruter dans les prisons. Il a alors annoncé ouvrir une quarantaine de centres de recrutement à travers la Russie.

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Comment qualifier les activités de Evgueni Prigojine ?

Une police, une armée, du renseignement, selon ces documents, et les différents éléments recueillis avant ces révélations, Wagner semble donc fonctionner comme un Etat dans l’Etat, qui s’affranchit du droit, en toute impunité. Selon Dossier Center, les différentes infrastructures de Wagner sont même penser en synergie : "les soldats blessés de Wagner reviennent à la raison dans un centre de loisirs à Gelendzhik, les fonctionnaires du ministère de la Défense reçoivent des cartes de réduction au magasin Eliseevsky, les "trolls" de Lakhta se réunissent dans un bâtiment construit par les entreprises de Prigojine"

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