« Partout en Terre sainte, les chrétiens sont devenus la cible d’attaques fréquentes et soutenues de la part de groupes radicaux. » Le 13 décembre 2021, les responsables des Églises chrétiennes de Jérusalem s’alarmaient déjà d’une montée de l’insécurité dans une déclaration. « Des prêtres (…) sont soumis à de multiples agressions physiques et verbales, (…) des Églises chrétiennes sont attaquées, (…) les chrétiens locaux sont constamment victimes d’intimidations », dénonçaient-ils avant Noël.

Plus d’un an plus tard, le problème demeure. Les actes à l’encontre de la minorité chrétienne, qui représente environ 2 % de la population israélienne, se sont multipliés depuis le début de l’année. Ils visent sans distinction les Églises présentes en Terre Sainte, dont les Patriarcats latin et grec-orthodoxe de Jérusalem, l’Église melkite, l’Église maronite, l’Église anglicane, l’Église syriaque, les Églises protestantes et évangéliques.

Rien qu’en janvier, plusieurs actes antichrétiens ont été recensés : un cimetière anglican profané, les murs du quartier arménien de Jérusalem tagués d’inscriptions antichrétiennes et plusieurs personnes agressées par des extrémistes juifs. En cause, l’addition de deux facteurs : une violence générale, notamment alimentée par des organisations criminelles dans les territoires arabes et la montée d’un extrémisme juif politique et religieux.

Un climat de violence général affectant les chrétiens

Le jeudi 16 mars, l’école et le couvent des sœurs franciscaines de Nazareth, à une centaine de kilomètres au nord de Jérusalem, ont été mitraillés en début de soirée par deux individus circulant à moto. Cette agression « dans cette école où élèves chrétiens et musulmans se côtoient », explique à La Croix, Mgr Rafic Nahra, évêque auxiliaire du Patriarcat latin de Jérusalem, illustre la violence actuelle. « De façon générale, la situation en Israël en ce moment n’est pas saine », estime Mgr Nahra.

Ce dernier, établi à Nazareth, évoque « un climat d’insécurité », résultat de la « violence présente dans la société arabe ». Dans un entretien à Vatican News, il détaillait cette violence : « Il y a beaucoup de tirs, parfois contre des personnes, des extorsions d’argent ou de prêts usuraires qui peuvent mener à des violences physiques. » Des organisations criminelles reconnues ou clandestines alimentent un climat de terreur dans les villes arabes d’Israël, profitant du désengagement de la police dans ces zones. Selon les chiffres de la police israélienne, il y aurait plus de 100 000 armes à feu illégales qui circuleraient dans ces localités.

Mgr Nahra regrette que la recrudescence de la violence à l’encontre des chrétiens ne soit pas réellement considérée par les autorités : « Il n’y a pas de vraie suite judiciaire après ces agressions, le gouvernement israélien actuel laisse ces actes pratiquement impunis. » Bien que niant l’existence d’un « antichristianisme israélien », il confirme « une inquiétude commune des Églises face à la montée de la violence ».

Un gouvernement très à droite

Après les élections de novembre 2022 en Israël, un nouveau gouvernement composé de ministres ultraorthodoxes et d’extrême droite a été formé par Benjamin Netanyahu. Cette alliance politique inquiète les chrétiens. Pour Mgr Nahra, « les extrémistes religieux et politiques sont encouragés à commettre des violences antichrétiennes car ils se sentent protégés par les membres d’extrême droite présents dansle gouvernement ». Et, de fait, les récentes agressions antichrétiennes sont majoritairement le fait de « juifs radicaux » ou de déséquilibrés.

Il n’est pas le seul à faire ce constat. Le père Nikodemus Schnabel, vicaire patriarcal pour les migrants a affirmé sur Twitter que « le discours de haine contre les chrétiens, ici, en Terre sainte porte ses fruits ». Il réagissait à l’attaque du dimanche 19 mars visant l’église du Sépulcre de la Vierge Marie à Jérusalem pendant la messe.

Dans un communiqué, l’Église grecque-orthodoxe de Jérusalem a déploré le fait que « les attaques terroristes, par des groupes israéliens radicaux, visant des églises, des cimetières et des propriétés chrétiennes, en plus des violences physiques et verbales contre le clergé chrétien, (soient) devenues presque un événement quotidien qui augmente évidemment en intensité pendant les fêtes chrétiennes ».

« Cette situation lamentable n’a suscité aucune réaction appropriée, localement ou internationalement, malgré les appels, les demandes et les protestations des Églises de Terre sainte », souligne également le Patriarcat grec-orthodoxe.

La réforme de la justice qui entend limiter les prérogatives de la Cour suprême augmente encore l’inquiétude. Pour Mgr Nahra, évêque auxiliaire du Patriarcat latin de Jérusalem, cette réforme pourrait donner au gouvernement la possibilité d’annuler des lois existantes qui protègent les droits des groupes minoritaires, dont les chrétiens.