INEGALITESPourquoi l’argent peut devenir source de violences dans le couple

Quand on aime, on ne compte pas ? Pourquoi l’argent peut devenir source de violences dans le couple

INEGALITESSentiment de redevabilité, contrôle des dépenses, emprise… Le budget d’un foyer peut entraîner des inégalités dans le couple, au détriment des femmes
Paris le 04 fevrier 2013. Illustration epargne argent billet de banque tenus dans une main.
Paris le 04 fevrier 2013. Illustration epargne argent billet de banque tenus dans une main. - A. Gelebart  / 20 Minutes
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Temps partiel, salaire plus faible, « argent invisible »… Les inégalités entre les hommes et les femmes peuvent avoir de véritables conséquences au sein même du foyer, où elles peuvent aboutir à des violences économiques.
  • Un phénomène qui peut s’expliquer par les clichés genrés qui perdurent autour du rapport à l’argent et dont il est nécessaire de parler au sein du couple.
  • C’est ce qui est ressorti d’un débat organisé à Nantes par le conseil départemental de Loire-Atlantique en présence de plusieurs experts.

C’est une violence décrite comme insidieuse, qui ne se voit pas, et dont on ne parle que rarement tant elle touche à la sphère intime. Pourtant, les inégalités économiques et salariales entre les hommes et les femmes, de plus en plus dénoncées dans la société, auraient aussi de véritables conséquences au sein même du foyer. « Combien de femmes connaissons-nous qui, au nom d’un choix de couple, se mettent en temps partiel, questionne Myriam Bigeard, conseillère départementale (PS) de Loire-Atlantique en charge de l’égalité femmes-hommes, à l’occasion d’une conférence publique organisée à Nantes par la collectivité sur le sujet, la semaine dernière. Un temps qui n’est pas synonyme de loisirs, mais de salaire partiel, de promotions limitées, d’un important travail domestique. Et parfois d’un véritable sentiment d’emprise. »

Alors, quand on aime, on ne compte vraiment pas ? Lucile Quillet, auteure de Le prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes, rejette en tout cas cet adage. Charge esthétique, charge contraceptive… selon la journaliste, qui a carrément regroupé ces dépenses sous le terme de « grande addition », « les femmes perdent énormément d’argent au nom du couple » ou en vue d’en former un. Par exemple, « une femme va consacrer 20.000 euros de frais d’épilation dans sa vie ! Autant d’argent dépensé au nom des stéréotypes sexistes qui existent dans les couples hétérosexuels, et qui ne seront pas investis ailleurs ». Un « argent invisible », comme quand « le salaire féminin est pensé en équivalent budget nounou » ou que « Madame fait la comptabilité de son conjoint gratuitement le soir », qui leur échapperait tout au long de leur vie.

Payer 50/50 ? « Une illusion d’égalité »

Après un repas au restaurant avec son conjoint, payer l’addition moitié-moitié est par exemple de plus en plus pratiqué par les couples, au nom de l’égalité. « Ce serait juste si la société faisait elle aussi 50/50, embraye Lucile Quillet. Là, c’est une illusion puisque les femmes en couple perçoivent un revenu annuel 42 % inférieur à celui de leur conjoint. Finalement, au nom du féminisme, les hommes épargnent davantage. » Et gare à « l’effet d’entraînement » induit par le paiement au prorata. « Cela peut créer un sentiment de redevabilité chez la femme, avec un homme qui paye plus et qui pourrait lui demander de compenser par du travail domestique », met en garde Lucile Quillet. Et parfois aller encore plus loin : selon les appels du numéro national 3919 pour les femmes victimes de violences, 20 % dénonce la violence économique vécue au sein du couple, indique le conseil départemental.

A l’association Solidarité Femmes, on confirme que le phénomène fait partie « du continuum » des violences conjugales. « L’objectif est d’entraver et limiter l’indépendance et les choix des femmes, observe Lucie Gueirreiro, salariée de l’association en Loire-Atlantique. Cela peut passer par un contrôle total des tickets de caisse, des critiques incessantes sur les achats et la façon de gérer le budget, une confiscation de la carte bleue. Des femmes racontent aussi que les auteurs viennent se servir sur leur compte, utilisent leur identité pour ouvrir des prêts ou des crédits… Et au moment de la séparation, qui rembourse ? »


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Des clichés de genre autour du rapport à l’argent

Pour Lucile Quillet, une grande partie de ces comportements s’expliquent par les clichés genrés qui perdurent autour du rapport à l’argent. « Négocier, compter, c’est encore très valorisé pour un homme alors que pour une femme, le but d’une vie doit rester celui d’être aimée. Si vous comptez, ça veut dire que vous êtes vénale, intéressée, et pas vraiment amoureuse. » Pour autant, discuter ensemble de la question, comme le font les couples qui parviennent à lever le tabou, pourrait largement aider à ce que les choses se passent pour le mieux.

« Parler d’argent, mieux partager, mettre les deux noms sur les actes de propriété, repenser à la valeur que chacun apporte, penser à son régime matrimonial sont des pistes à explorer à l’échelle individuelle, estime Lucile Quillet. Mais l’État doit aussi se mettre au goût du jour, déconjugaliser les prestations sociales, instaurer un meilleur congé paternité, créer plus de places en crèche… Au nom de l’amour, les femmes ne doivent pas renier leur individualité. »

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