L'agent de sécurité de l'école était un ancien policier. (photo d'illustration)

Aux Etats-Unis, la police peine à recruter de nouveaux membres.

JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

La police de Fort Worth, au Texas, ne manque pas d’humour. L’an dernier, elle a créé une vidéo parodique visant à attirer de nouvelles recrues. On y voit un officier en uniforme qui vante, à la façon d’un vendeur de voiture d’occasion, les différents véhicules de la flotte : "Nous avons à votre disposition ces voitures de patrouille", clame-t-il, en montrant trois modèles alignés devant lui. Nous avons aussi, pointe-t-il, un véhicule blindé "capable de survivre à tous les chocs", plusieurs types de motos, des chevaux et "pour les amis écolos", des vélos. Le message est clair : il y a toutes sortes de carrières possibles dans les forces de l’ordre.

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Aux Etats-Unis, un grand nombre des 18 000 organismes de police est confronté à un manque sérieux de personnel. La faute à une vague massive de départs à la retraite, à une hausse des démissions et aux difficultés de recrutement. En 2022, les démissions ont augmenté de près de 50 % et les départs à la retraite de 20 % par rapport à 2019, selon l’analyse du Police Executive Research Forum. Résultat : à San Francisco (Californie), 600 postes sont vacants, soit 30 % des effectifs. Phoenix (Arizona) en a 500 à pourvoir, et le nombre de "cops" à Washington est à son plus bas niveau depuis un demi-siècle.

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La police de Los Angeles, qui a perdu 650 hommes en cinq ans, a dû réduire les équipes des services des stups. Celle de Seattle a rogné son département en charge des crimes sexuels. Or cette pénurie de main-d’œuvre coïncide avec une hausse de la criminalité depuis la pandémie. A Washington, par exemple, on a enregistré plus de 200 homicides sur les deux dernières années, un record depuis 2003.

Risque de violences policières

Les raisons de cette désaffection sont multiples. Le métier de policier est stressant, souvent mal payé, avec des horaires ingrats… Or le marché du travail actuel regorge d’offres d’emploi plus alléchantes. La baisse des vocations s’est accélérée après la mort de George Floyd, victime d’une terrible bavure policière à Minneapolis (Minnesota) en 2020. Depuis, d’autres violences policières hautement médiatisées ont terni l’image des forces de l’ordre, notamment auprès des minorités et des communautés défavorisées. Cela "conduit beaucoup de jeunes à avoir une vue de la police différente de celle de leurs parents", note dans un rapport l’Association internationale des chefs de la police. Et cette perception "réduit l’attrait pour la profession".

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Dans le même temps, plusieurs Etats ont lancé des réformes afin de diminuer la population carcérale et de renforcer les contrôles sur la police, jusque-là quasiment inexistants. Les agents doivent porter des caméras, respecter des consignes sur l’usage de la force et, dans certaines villes, il est désormais plus facile de les sanctionner ou de les limoger pour mauvaise conduite. Désenchantés par l’évolution du métier, beaucoup changent de carrière.

Pour susciter des vocations, les instances dirigeantes augmentent salaires et primes. Seattle offre un chèque de 30 000 dollars pour appâter des professionnels expérimentés. "Cela crée une surenchère agressive entre services de police, ce qui est nouveau", commente Ian Adams, professeur de criminologie à l’Université de Caroline du Sud. Ailleurs, on assouplit les critères d’embauche. Certaines épreuves sportives, notamment la course à pied, ont été réduites. A Memphis, l’obligation de diplômes universitaires est supprimée : depuis 2018, on recrute au niveau bac. Dans cette ville du Tennessee, en janvier, des policiers ont roué de coups, tabassé à la matraque et tiré au Taser sur Tyre Nichols, un Noir de 29 ans coupable, selon eux, d’une infraction au Code de la route. Il est mort trois jours plus tard. Quatre des cinq agents de police étaient des "bleus", arrivés dans le métier depuis l’allègement des critères d’admission. "L’inquiétant, c’est que les services de police, sous la tension du manque de personnel, risquent moins de sanctionner leurs agents pour mauvaise conduite", poursuit Ian Adams. Pour ce professeur, l’une des solutions serait que le gouvernement fédéral finance, comme en 1994, le recrutement de 100 000 agents. En attendant, la police de Fort Worth a reçu 300 candidatures après la diffusion de sa vidéo.

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