Ces exploits qui ont construit la légende des 24 Heures du Mans

CENTENAIRE. Les exploits ont été nombreux dans la Sarthe depuis 1923, comme ceux de Louis Rosier, Henri Pescarolo, Jacky Ickx ou Paul Newman.

Par Stéphane Barbé

Temps de lecture : 6 min

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Ils sont les héros glorieux d'une course légendaire. Vainqueurs à répétition des 24 Heures du Mans (Tom Kristensen, Jacky Ickx, Henri Pescarolo…), lauréat au terme d'un improbable scénario comme Louis Rosier ou encore, concurrent inhabituel et célèbre. Paul Newman n'eut rien d'un arnaqueur au volant, deuxième au classement général et premier de catégorie lors de l'édition 1979, pour son unique participation !

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À l'occasion du centenaire de la course mythique, les 10 et 11 juin prochains, retour sur ces récits incroyables qui ont fait la légende de la plus célèbre épreuve du sport automobile.

Paul Newman, la star qui a failli gagner !

Paul Newman, devenu un excellent pilote de course sur le tard, faillit remporter en 1979 - il avait alors 54 ans - la 47e édition des 24 Heures du Mans au volant d'une Porsche 935 turbo. © - / AFP

L'acteur américain multiplia les départs dans les courses US de Grand Tourisme pendant près de trente ans, à partir de 1973. Avec brio, décrochant le dernier de ses quatre titres nationaux SCCA à… 61 ans. Il en avait déjà cinquante-trois lorsqu'il participa aux 24 Heures du Mans, partageant avec l'ex-pilote de Formule 1 Rolf Stommelen et le propriétaire de l'écurie Dick Barbour, une impressionnante Porsche 935 Silhouette rouge (numéro 70), aux allures de 911 bodybuildée. Loin d'un rôle de composition, donc : face aux sport-protos Porsche 936 d'usine et aux jolies petites Rondeau françaises, on recensait une quinzaine de 935 de ce type, au départ ; la moitié seulement finirent la course, marquée par de nombreux passages pluvieux. Pas une mince affaire !

À LIRE AUSSILe Mans 1923 : la naissance d'une légendeL'auto de Newman aurait même pu gagner. À trois heures et demie de l'arrivée, la voiture de tête (une autre Porsche 935 qui comptait beaucoup d'avance) perdit près de soixante minutes, le temps que son pilote répare, seul en bord de piste, une courroie de pompe à injection. La 935 hollywoodienne pouvait la dépasser si l'équipe n'avait, elle aussi, rencontré un problème mécanique lors d'un arrêt-ravitaillement : la roue avant gauche bloquée nécessita de démonter la suspension afin de changer de pneu. Après ce 10 juin 1979, Paul Newman a continué de courir jusqu'à 80 ans (trois ans avant son décès) : quelques derniers tours aux 24 Heures de Daytona, sur un petit proto Crawford.

Louis Rosier, l'exploit en solitaire

Louis Rosier franchit victorieusement la ligne d'arrivée de l'édition 1950 des 24 Heures du Mans. © DUGUE / AFP

Il faut dire que de l'autre côté de l'Atlantique, les 24 Heures du Mans ont toujours été appréciées et renommées. Terre d'exploits mécaniques et de formidables aventures humaines. Telle celle de Louis Rosier, menant quasiment seul sa Talbot de 1950 durant vingt-quatre heures, n'abandonnant le volant à son fils que pour… deux tours. Le temps d'avaler un sandwich. En tête dès la 3e heure, à la 6e (2 tours d'avance), à la 12e (6 tours d'avance), Rosier s'imposa en ayant « tenu le volant de sa Talbot pendant 23 h 49 », écrivait Maurice Henry dans L'Équipe du lundi 26 juin 1950. Malgré un arrêt de 44 minutes au petit matin durant lequel, guidé par son mécano Marcel Beauchet, il changea la rampe de culbuteur de son moteur avant de céder le volant pour ces fameux deux tours, Rosier reprend la tête de la course avant la 18e heure ! Ankylosé et à moitié sourd à l'arrivée, revendiquant « le record de la fatigue » en plus de celui de la distance parcourue, il expliquera : « C'était trop sérieux. Mon fils manquait d'accoutumance dans la course et aurait pu perdre du temps. Ce n'était pas très indiqué après mon arrêt prolongé. » Louis Rosier aurait pu ajouter que le fameux règlement l'obligeait à céder le volant pour au moins un tour !

Pescarolo, le géant des 24 Heures

Henri Pescarolo (avec la barbe, à droite) savoure en 1972 la première de ses 4 victoires aux 24 Heures du Mans en compagnie de Graham Hill (à gauche) et de Jean-Louis Lagardère (au centre), patron charismatique de l'équipe Matra. © GABRIEL DUVAL, GABRIEL DUVAL / AFP

La course à deux – plutôt qu'à trois pilotes de nos jours — est celle qu'a toujours préférée Henri Pescarolo. Rythme, osmose, confiance, challenge… Ce géant au casque vert, recordman des participations (33 derrière le volant entre 1966 et 1999 avant d'y engager ses propres voitures), incarne l'épreuve et surtout, la grande période des Matra. Il y a tout connu : l'exploit d'une nuit passée à rouler sous la pluie sans essuie-glace, en 1968 (« chaque dépassement était une loterie » ) ; l'horreur d'une auto qui s'envole aux essais, s'écrase au milieu des arbres et prend feu (1969); les désillusions puis la libération d'une triple victoire (1972, 1973 et 1974) avec Graham Hill et Gérard Larrousse. La deuxième fut sans doute la plus belle, acquise de haute lutte face à la prestigieuse écurie Ferrari. La Matra MS670B n'était pas exempte d'ennuis, il fallait aller vite et en même temps, surveiller les freins et cette Ferrari de Ickx-Redman qui ne voulait rien lâcher. Sueurs froides. Dans la Sarthe, le pilote a aussi gagné un surnom, infaillible preuve de popularité : « Pesca ». Dix ans après sa dernière victoire Matra, il s'imposa une quatrième fois avec Porsche.

Jacky Ickx, la victoire en marchant

Ce 15 juin 1969, la Ford GT 40 N°6 pilotée par Jacky Ickx l'emporte avec seulement 120 mètres d'avance sur la Porsche 908 de Hans Hermann à l'issue d'une course de 24 Heures que le jeune pilote belge avait débuté en dernière position pour signifier sa désapprobation du départ "type le Mans". © - / AFP

Le coureur Jacky Ickx fut d'abord un… marcheur. C'est même ainsi qu'il se fit connaître. Lors du départ des 24 Heures 1969, les pilotes traversaient encore la piste à la course pour rejoindre leur voiture rangée en épi, du côté des stands. Ils sautaient précipitamment derrière le volant, lançaient le moteur et démarraient sans prendre le temps d'attacher leur harnais de sécurité jusqu'au premier arrêt ravitaillement. Excessivement risqué ! En 1969 donc, pour sa troisième participation, un gamin de 24 ans décide de ne pas courir comme les autres mais de marcher ! Pour protester contre le danger.

À LIRE AUSSI24 Heures du Mans, WEC : Hypercars, LMP2, GT… Le guide pour s'y retrouver« Comme ça, sur un coup de tête. Rien de prémédité, affirme le champion belge, parti bon dernier. Imaginez si 24 Heures plus tard, j'avais perdu pour 120 mètres ! » Car le dimanche, la Ford GT40 MK 1 aux belles couleurs du pétrolier Gulf (celles de Steve McQueen en 1970 dans le formidable film Le Mans), ne devança la Porsche 908 de Hermann-Larrousse que d'aussi peu. Dans le dernier tour, Ickx avait grugé le pilote allemand, lui faisant croire à une panne d'essence, l'incitant à le dépasser dans la ligne droite des Hunaudières et profiter ainsi de son sillage aérodynamique pour mieux le redoubler plus loin – et pour de bon ! – avant le virage de Mulsanne. Ce tour de passe-passe a bâti la légende de Jacky Ickx même si de ses six succès aux 24 Heures du Mans (le premier pilote à les réussir), il préfère mettre en avant celui de 1977, passant rapidement sur la seconde voiture au sein d'un team Porsche vacillant, roulant comme un fou toute la nuit pour remonter du fin fond du classement et conserver ce sentiment « si fort de fédérer autour de soi une équipe tout entière, surmotivée par le parfum de l'exploit qui s'accomplissait. Je n'oublierai jamais l'esprit qui a régné, cette année-là. » Celui des courses d'endurance et de 24 Heures.

Le jeune Belge Jacky Ickx (au milieu de la foule, regardant vers la droite) remporte avec Jackie Oliver (les bras en l'air) la première de ses 6 victoires dans la Sarthe lors que la 37e édition des 24 Heures du Mans de 1969. © - / AFP

Tom Kristensen, la preuve par 9

Jacky Ickx… « Monsieur Le Mans » pour toujours, bien que son record de six victoires fût ensuite battu par Tom Kristensen (neuf). Le pilote danois ne prend d'ailleurs pas ombrage de ce titre honorifique qui lui échappe par-delà les statistiques, rendant volontiers hommage à son aîné et au final, conservant à son avantage son… inégalable palmarès. Il l'inaugura de la plus belle des manières : première participation, première victoire ! La suite démontra qu'il ne s'agissait pas que d'un coup de chance. La petite barquette TWR-Porsche qu'il partageait avec deux équipiers plus expérimentés – Michele Alboreto et Stefan Johansson – ne franchit la ligne d'arrivée qu'avec un tour d'avance (sur 361) devant la McLaren F1 GTR des Français Raphanel et Gounon. Un très faible écart assez rare dans cette course de 24 Heures et une édition-record pour le nombre d'abandons, 31 sur 48 partants. Mais si la petite Porsche-Joest n'avait pas vaillamment tenu la troisième position durant toute la nuit, elle n'aurait pu profiter, au matin, du retrait des deux Porsche 911 GT1 d'usine…

Kristensen entamera sa moisson de lauriers avec Audi et Bentley (2003) pour six victoires d'affilée entre 2000 et 2005. Autant que Jacky Ickx dans toute sa carrière ! « Capitaine » de voiture incontestable, leader d'équipe incontesté et écouté. Kristensen fut de toutes les campagnes victorieuses avec Audi : les premiers protos découverts R8, les premiers moteurs diesel au Mans, les premières motorisations hybrides. Il signa encore deux autres succès, en 2008 avec la R10 TDI et en 2013 avec la R18 e-tron quattro, profitant de la formidable assurance du team Audi Sport et de la fiabilité de ses voitures. Tom a souvent coché la bonne case. « La qualité des Audi, celle qui nous a sauvé quelques victoires, se souvient-il, était sa facilité d'intervention mécanique. Quel que soit le problème, on devait pouvoir le résoudre. Les mécaniciens changeaient un train arrière complet et pré-monté (boîte de vitesses comprise) en moins de cinq minutes au stand. » Une autre course contre la montre.

Le Danois Tom Kristensen (à gauche) a remporté en 1997 la première de ses 9 victoires aux 24 Heures au Mans, partageant alors le volant et le podium avec l'Italien Michele Alboreto (à droite) et le suédois Stefan Johansson (au centre). © DANIEL JANIN / AFP

Consultez notre dossier : Centenaire des 24 Heures du Mans

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Commentaire (1)

  • Gillesb31

    Comment ne pas parler de Ken Miles ?
    Vainqueur 66 spolié par un Bruce Mc Laren et Amon qui porteront toujours le déshonneur de ce vol.
    Henri Ford 2 n’était qu’un orgueilleux qui n’a jamais reconnu avoir honteusement agi avec Ken Miles.
    L’avoir spolié ainsi restera une tache indélébile sur ces deux hommes.
    Ken Miles est pour moi un des plus grands vainqueurs, il a conçu avec les ingénieurs de Shelby la GT 40, et l’a amenée à la victoire à Indianapolis et Sebring pour être « autorisé » à courir au Mans, alors que McLaren et Amon n’ont aucun mérite
    Ken Miles aurait mieux fais d’accepter d’aller courir avec une écurie italienne ou son talent aurait été reconnu et FÖRD n’aurait aucun titre au Mans.