Il est l’heure des visites conjugales dans la prison de Tamara quand retentissent de premiers coups de feu, samedi 8 avril au matin. Très vite, le plus grand centre pénitentiaire du Honduras, situé à une dizaine de kilomètres à peine de la capitale, Tegucigalpa, prend des airs de zone de guerre. Aux combats opposant des groupes rivaux incarcérés dans l’aile réservée aux membres des pandillas ou maras – des « gangs » –, se joignent bientôt d’autres détenus. Du haut des tours, les gardes tirent en tous sens. Des vidéos, filmées et transmises par les prisonniers grâce à des smartphones de contrebande, montrent des dizaines d’hommes dans leurs cellules, armés de fusils-mitrailleurs. Les forces de l’ordre ont ensuite investi l’enceinte, faisant feu sur les prisonniers. Les médias ont diffusé un peu plus tard de premières images : une mare de sang, des impacts de balles.
Ce même jour, selon un scénario identique, deux établissements de haute sécurité, où sont incarcérés presque exclusivement des pandilleros, s’embrasent à Ilama, dans le Nord-Ouest, et à Moroceli, dans le Sud. Puis c’est au tour d’une prison de la vallée de Siria, au centre du pays. En quelques heures, le système carcéral hondurien a explosé.
La présidente, Xiomara Castro, élue sur la promesse de « refonder » un Etat gangrené par le crime organisé et la corruption et qui avait instauré l’état d’exception en novembre 2022, limoge le directeur de l’Institut national pénitentiaire. La crise va durer deux semaines. Le 22 avril, d’autres affrontements entre gangs éclatent encore dans le pénitencier d’Ilama. En tout, selon le bilan officiel, une vingtaine d’hommes ont été blessés, un détenu et un policier sont morts.
Ce type de violences carcérales n’est pas inédit au Honduras. Le 14 février, les mêmes protagonistes s’étaient déjà affrontés à Tamara. Pris dans les tirs croisés opposant la Mara Salvatrucha 13 (MS-13) et le Barrio 18, deux gardiens avaient été blessés et des travailleurs sociaux s’étaient trouvés pris au piège dans la prison pendant des heures.
Une semaine après cet épisode, Le Monde s’était rendu sur les lieux. De tels événements étaient devenus moins fréquents, assurait alors le directeur de la prison, Melvin Alvarenga. Il attribuait cette amélioration non pas au zèle des forces de sécurité, mais aux détenus. Les chefs de gang avaient accepté de négocier une sorte de « trêve ». « A l’intérieur de l’enceinte, ce sont eux qui restent aux commandes, déplorait M. Alvarenga. Le gouvernement se contente de veiller à ce qu’ils ne s’échappent pas. Du moins, pas tous en même temps. » Pistolet à la ceinture, le fonctionnaire s’estimait « otage » de la situation, sans imaginer à quel point celle-ci allait dégénérer deux semaines plus tard…
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