Avignon : trois ans de prison pour les "nourrices" de Louis Gros

Plus de 150 kilos de produits stupéfiants ont transité par cette base arrière du trafic, située dans la cité Louis-Gros, depuis un an.

Plus de 150 kilos de produits stupéfiants ont transité par cette base arrière du trafic, située dans la cité Louis-Gros, depuis un an.

Photo police nationale

Avignon

Le couple, interpellé en mai en possession de 12 kg de cannabis et de munitions, a été jugé ce lundi. Son appartement servait de lieu de stockage aux dealers

Les policiers en sont persuadés depuis longtemps déjà : les cités Nogayrol et Louis Gros servent de base arrière aux trafiquants du quartier Monclar, rongé par les stups et les règlements de compte. A la mi-mai, à la faveur d’une surveillance, le groupe "stups" de la sûreté départementale, dont le tribunal a salué "l’excellence de l’enquête", avait repéré deux individus sur un puissant scooter dépourvu de plaque minéralogique. Le passager non-casqué s’était engouffré dans un immeuble de la cité Louis Gros et en étant ressorti avec une sacoche bourrée… Flairant le cannabis jusque dans les étages, écoutant la voix d’un homme criant sur son chien, les enquêteurs sont revenus le lendemain pour une perquisition. Dans cet appartement occupé par Stéphane et Jennifer et leurs trois enfants, les policiers ont découvert dans la chambre conjugale, sous une couverture, des caisses en plastique renfermant 12 kg de cannabis, 142 g d’herbe, un gilet pare-balles et de nombreuses munitions de calibre 45 ACP, des munitions de 7,62 servant à approvisionner des kalachnikovs. 

Depuis un an, en fermant les yeux sur les va-et-vient des dealers dans leur logement, le couple de nourrices se faisait 400€ par mois. Une somme payée rubis sur l’ongle dans la boîte aux lettres. "Vous aviez conscience de participer à un trafic de stupéfiants ? " a questionné, cet après-midi, le président du tribunal correctionnel. "J’étais juste un endroit de stockage. Je louais un espace chez moi" a répondu, penaude, Jennifer. "Chez vous, il y avait des munitions avec lesquelles un gamin de 16 ans a été tué au Ponzo fin octobre, et un homme venu acheter du cannabis plus récemment, a repris le président. Du 7,62… Ça ne vous a pas échappé ? Vous avez permis à des gens de cacher des munitions qui ont peut-être été utilisées pour tuer des gamins !". "-Pour moi, il n’y avait que du cannabis". 

Menaces et représailles

Pas plus loquace que sa compagne, Stéphane, agent hospitalier, n’a pas hésité à la "charger". Plusieurs fois, il lui aurait d’ailleurs demandé d’arrêter. Mais cet argent facile servait à régler le loyer, la cantine des deux plus jeunes âgés de 7 et 11 ans, les factures. Et Jennifer ne parvenait pas à trouver un emploi. Alors..."Le loyer était payé par l’argent du trafic et ça ne vous dérangeait pas?" "Un peu, si!" a rétorqué Stéphane.

Les quinze jours de détention provisoire effectués par le couple, désormais privé de ses enfants, placés chez leurs grands-parents, semblent avoir été salutaires. Surtout, ces "Monsieur et madame Tout-le-monde" comme les a dépeints leur avocate, sont terrifiés. Leurs proches auraient reçu des menaces et ils ont désormais la peur au ventre de devoir rembourser une dette de plusieurs dizaines de milliers d’euros. "Vous ne mesurez pas dans quoi vous êtes tombés! Ici, on est des gentils!" a lancé le président en faisant droit à la demande de huis clos sollicité par leur avocate pour cette audience eu égard à la dangerosité du contenu des débats et aux menaces de représailles.

Trois ans de prison ainsi que le maintien en détention des prévenus ont été requis par le procureur adjoint Stanislas Vallat ainsi qu’une interdiction de séjourner en Vaucluse pendant cinq ans et la confiscation des armes. "Le trafic de stups corrompt tout, tout le monde! Il enquiquine la vie d’honnêtes gens. Ce sont des gens biens" a assuré Me Réjane Vénézia pour la défense du couple, évoquant "la misère sociale et intellectuelle" au moment de décrire leur vie. "Elle n’a pas mesuré la gravité de ce qu’elle faisait…". 

Condamnés à 3 ans de prison dont deux ans avec sursis, Stéphane et Jennifer verront leur peine d’un an ferme aménagée probablement par le juge de l’application des peines. Mais pour échapper aux trafiquants, la famille va devoir s’exfiltrer ailleurs. Ils ont interdiction de séjourner en Vaucluse pendant cinq ans. Et vont surtout devoir partir loin. Très loin.