Des migrants, dont des Libyens, attendent d'embarquer sur un ferry dans le port de Lampedusa en Italie le 20 février 2015

Des migrants attendent d'embarquer sur un ferry dans le port de Lampedusa, en Italie, le 20 février 2015.

afp.com/Alberto Pizzoli

Enfin un accord sur le dossier si sensible de la migration et de la réforme du système d’asile européen, dans l’impasse depuis 2016 ! Il aura fallu une dernière ligne droite de douze heures de négociations acharnées pour en sortir. Les ministres de l’Intérieur européens ont surmonté leurs divergences, jeudi 8 juin, dans la soirée à Luxembourg, afin de mieux gérer les flux migratoires à l’échelle du continent.

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“Je pensais que ce jour n’arriverait jamais”, a reconnu sous les applaudissements Maria Malmer Stenergard, la ministre suédoise des Migrations, qui présidait la réunion. Alors que l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) alerte sur la hausse continue des traversées de la Méditerranée, il devenait urgent de stabiliser un système d’asile dysfonctionnel et à l’origine de nombreuses tensions entre les Etats-membres, comme, récemment, entre la France et l’Italie.

Solidarité obligatoire

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Depuis sept ans, les Vingt-Sept étaient à la recherche d’un équilibre complexe entre la responsabilité des pays d’arrivée des migrants, comme l’Italie ou la Grèce, et la solidarité de ceux qui sont en deuxième ligne, comme la France. Côté responsabilité, le compromis adopté prévoit un filtrage des demandeurs d’asile dès leur arrivée dans l’Union européenne. Celles et ceux qui proviennent de pays dont moins de 20 % des ressortissants obtiennent le statut de réfugié seront soumis à une procédure spéciale. Leurs demandes seront traitées sur place dans un délai rapide, ils ne seront pas formellement admis sur le sol européen. Le texte laisse même la possibilité de les placer dans des centres fermés.

Si leur dossier est refusé, ils ont vocation à être renvoyés le plus vite possible. En contrepartie de cet effort qui incombera aux pays de première ligne, les autres ont accepté le principe d’une “solidarité obligatoire mais flexible” : soit ils accepteront d’accueillir des réfugiés sur leur sol ; soit ils refuseront et devront payer 20 000 euros par migrant débouté. Une manière de contourner les objections des pays de l’est de l’Europe, qui refusent depuis 2016 le principe de quotas de réfugiés.

Des processus très complexes

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Cet accord “historique”, selon la ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, doit encore être accepté par le Parlement européen. Si tel est le cas, les textes pourront entrer en vigueur à la fin du mandat de l’actuelle Commission européenne. C’était d’ailleurs l’objectif de la présidence française de l’UE, qui, l’an dernier, avait réussi à relancer des discussions encalminées.

Mais de nombreuses questions restent en suspens. “Est-ce que l’on va réussir à mettre en œuvre tout cela concrètement ?” s’interroge déjà une diplomate, un peu effarée devant la complexité des processus. Le système repose aussi en grande partie sur la capacité d’expulser les migrants déboutés. Or cela dépend de la bonne volonté de leurs pays d’origine. On sait comme cela peut être difficile avec l’Algérie, le Maroc ou la Tunisie. L’Italie aurait voulu pouvoir effectuer des renvois vers n’importe quel pays tiers considéré comme sûr dans le monde. Certains rêvent carrément d’un modèle où les demandes d’asile seraient “externalisées”, comme les Britanniques veulent le faire au Rwanda.

La France et l’Allemagne ont réussi à tuer cette idée, mais elle pourrait resurgir si le nouveau modèle fonctionne mal. Le succès de cet accord va dépendre de la confiance qui régnera entre les pays européens. “Aujourd’hui ce n’est pas un point d’arrivée, c’est le début de quelque chose”, a conclu le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, qui s’est battu jusqu’au bout pour arracher le plus de concessions possibles de ses partenaires.

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