Sunak et Biden célèbrent une "relation spéciale" restaurée avec un vaste partenariat économique

Rishi Sunak et Joe Biden annoncent la signature d'un nouveau partenariat économique entre leurs deux pays, le 8 juin, à la Maison-Blanche.

NurPhoto via AFP

Londres et Washington veulent relancer leur relation privilégiée. Pour raviver la flamme, rien de mieux qu’une déclaration d’amitié. Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, et le président américain, Joe Biden, ont annoncé, jeudi 8 juin, à Washington, un nouveau partenariat économique, conclu sous le nom de “déclaration atlantique”. “Nous pouvons compter l’un sur l’autre avec une confiance absolue”, a dit le Premier ministre britannique, lors d’une conférence de presse commune, tandis que Joe Biden a assuré que l’Amérique n’avait pas “de plus proche allié” que le Royaume-Uni.

Publicité

La déclaration atlantique, présentée par les deux dirigeants, prévoit une coopération renforcée dans l’industrie de défense, dans le nucléaire civil et dans l’approvisionnement en métaux indispensables à la transition énergétique. Sur ce dernier point, Rishi Sunak a obtenu de la Maison-Blanche que les industriels britanniques bénéficient en partie du gigantesque plan de subventions de Joe Biden, la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, IRA) de 2022, qui promeut sans complexes le made in America. Autrement dit, les Britanniques seront éligibles aux contrats du gouvernement américain. Aussi, un élément de la déclaration relatif aux minéraux nécessaires à la technologie des batteries permettra aux constructeurs britanniques de voitures électriques de bénéficier d’une partie du régime de subventions de l’IRA.

LIRE AUSSI : L’inconscient anti-Brexit de Rishi Sunak, par Marion Van Renterghem

En matière de défense, le président américain a promis d’ouvrir l’accès du marché américain aux industriels britanniques, afin de doper notamment le développement de missiles hypersoniques. L’accord entre les deux pays, taillé pour faire face à la Chine et à la Russie, traite aussi de la sécurité énergétique et sur la fiabilité des chaînes d’approvisionnement. Il porte la marque du “nouveau consensus de Washington”, c’est-à-dire la doctrine économique de l’administration Biden selon laquelle les politiques industrielle et commerciale doivent être dictées par des considérations de sécurité et de souveraineté, en rupture avec le dogme du libre-échange.

“Une série de mini-accords économiques”

“La Chine et la Russie sont prêtes à manipuler, exploiter ou voler notre propriété intellectuelle, à utiliser la technologie à des fins autoritaires ou à nous priver de ressources vitales telles que l’énergie. Elles n’y arriveront pas”, a promis Rishi Sunak. Joe Biden a pour sa part critiqué le grand programme d’investissements internationaux chinois, les “nouvelles routes de la soie”, le qualifiant de “programme d’endettement et de confiscation [qui] ne va pas très loin”. Un accord sur la protection des données vise à réduire les difficultés des petites entreprises faisant du commerce entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Le locataire du 10 Downing Street a déclaré que cela pourrait économiser plus de 90 millions de livres sterling par an. Les deux pays collaboreront également sur des industries clefs, telles que les télécommunications 5G et 6G, l’informatique quantique, les semi-conducteurs et la biologie de l’ingénierie.

Le quotidien britannique le Guardian souligne que cet “accord historique place fermement le Royaume-Uni sur l’orbite économique des Etats-Unis, mais reste loin de l’accord commercial complet promis par les conservateurs en 2019”. Au rédacteur en chef politique de la BBC, Chris Mason, qui lui demandait si le nouvel accord était une “reconnaissance de l’échec” à conclure un partenariat commercial plus large entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, Rishi Sunak a rétorqué que la déclaration atlantique “répond[ait] aux défis et opportunités particuliers auxquels [les deux pays étaient] confrontés en ce moment”. De son côté, le Guardian y voit davantage une “série de mini-accords économiques”, même s’ils marquent un renouveau des liens après les turbulences du Brexit.

LIRE AUSSI : Sommet franco-britannique : "La relation entre Paris et Londres a été fragilisée par le Brexit"

En effet, la symbolique de cette initiative est importante. La relation entre les deux pays est aujourd’hui beaucoup plus fluide qu’au temps de Boris Johnson et de Liz Truss, à entendre les échanges d’amabilités des deux hommes à la Maison-Blanche. Le Premier ministre britannique a même estimé qu’il fallait parler d'“alliance indispensable” plutôt que de “relation spéciale”, les termes généralement utilisés pour décrire le lien entre Londres et Washington. A défaut d’accord de libre-échange, Rishi Sunak repart de Washington avec un certain soutien des Etats-Unis pour donner corps à ses ambitions de régulation de l’intelligence artificielle : “Nous comptons sur [le Royaume-Uni] pour mener les efforts [en faveur d’une régulation lors d’un prochain sommet à l’automne]”, a déclaré Joe Biden, soulignant que l’intelligence artificielle avait “le potentiel de causer des dégâts importants si elle [n’était] pas contrôlée”.

L’Ukraine au cœur de la coopération entre Washington et Londres

De son côté, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du cabinet fantôme du Labour, David Lammy, a critiqué Rishi Sunak, affirmant que le gouvernement avait laissé “les armoires britanniques nues” en ne concluant pas d’accord commercial. Quelques jours auparavant, le député travailliste avait fustigé la politique étrangère du Premier ministre, disant qu’il faisait preuve d’une “mentalité de petite Angleterre” dans les relations extérieures et avertissant que le Royaume-Uni risquait de se marginaliser dans les débats mondiaux.

LIRE AUSSI : "Avec Biden, les Etats-Unis sont entrés dans l'ère de la dissuasion intégrée"

Par ailleurs, le président américain a été plus prudent sur un autre projet de Londres, à savoir placer à la tête de l’Otan son secrétaire d’Etat à la Défense, Ben Wallace. “Peut-être” qu’un Britannique pourrait prendre la tête de l’Alliance atlantique, a envisagé Joe Biden, alors que s’achève en octobre le mandat de l’actuel secrétaire général, Jens Stoltenberg. Il a estimé que Ben Wallace était “très qualifié”, mais a souligné qu’il faudrait trouver “un consensus” au sein de l’Otan.

Joe Biden et Rishi Sunak s’étaient déjà rencontrés plusieurs fois en marge de sommets internationaux ou pour lancer une grande collaboration militaire avec l’Australie, mais cette réception à Washington est de loin leur entrevue la plus formelle. Leur discussion a sans surprise aussi tourné autour de l’Ukraine. Les Etats-Unis ont vanté à de nombreuses reprises l’engagement des Britanniques dans le soutien de Kiev face à l’invasion par la Russie. “Ensemble, nous fournissons une aide économique et humanitaire et des systèmes de sécurité à l’Ukraine [pour la soutenir] dans sa lutte contre l’invasion brutale de la Russie”, a déclaré Joe Biden. A ce sujet, le président américain, aux avant-postes du soutien occidental à Kiev, a assuré qu’il disposerait des “fonds nécessaires” pour soutenir l’Ukraine “aussi longtemps qu’il le faudra[it]”, en dépit des doutes émis par certains parlementaires républicains.

Publicité