Le 27 mars 2020, seul sur une place Saint-Pierre déserte, le pape François invitait le monde à revoir ses priorités. « Ce n’est pas le temps de ton jugement, mais celui de notre jugement : le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas. C’est le temps de réorienter la route de la vie vers toi, Seigneur, et vers les autres. »

C’est ce message, prononcé en pleine pandémie de Covid, qui sera envoyé samedi 10 juin dans l’espace. Un livre numérique d’à peine 2 millimètres, contenant le discours du pape, sera embarqué sur un satellite rectangulaire d’une trentaine de centimètres conçu par des étudiants de l’École polytechnique de Turin (Italie).

Baptisé Spei Satelles, « satellite de l’espoir », le projet a été mené conjointement par le Vatican, l’Agence spatiale italienne et différents instituts italiens. L’objectif de cette collaboration est d’envoyer ce discours « au-delà des frontières terrestres pour atteindre depuis l’espace autant de femmes et d’hommes que possible sur notre planète en difficulté », a expliqué le président de l’Agence spatiale italienne, Giorgio Saccoccia.

En envoyant ce message dans l’espace, François s’inscrit dans une lignée de papes intéressés par l’espace et l’astronomie.

Les papes et l’espace, une longue histoire

L’histoire des papes et de l’espace avait mal commencé avec la condamnation, à deux reprises par l’Inquisition, du physicien et astronome Galilée (1564-1642). Une première fois en 1616, lorsqu’il a affirmé que la Terre et les autres planètes tournaient autour du Soleil. Galilée contredisait l’idée, largement admise à son époque, selon laquelle la Terre était au centre de l’Univers. Cependant, à la demande du pape Urbain VIII (1568-1644), il rédige un livre où il réaffirme ses théories. L’ouvrage lui vaut un second procès en 1633. C’est à ce moment-là qu’il aurait murmuré, en parlant de la Terre : « Et pourtant, elle tourne. » Galilée a été réhabilité par l’Église sous le pontificat de Jean-Paul II.

En 1578, le pape Grégoire XIII fait construire la « Tour des Vents » au Vatican. Elle est située au nord de la basilique Saint-Pierre et le pape y invite les jésuites astronomes et mathématiciens du Collège romain pour préparer la réforme du calendrier promulguée en 1582.

En mars 1891, en créant l’Observatoire astronomique du Vatican, Léon XIII veut montrer que l’Église est favorable aux progrès de la science. Transféré en 1930 à Castel Gandolfo, au sud de Rome, il est tenu par les jésuites. En 1981, un autre Observatoire du Vatican a été construit dans l’État américain de l’Arizona.

Paul VI, passionné par la conquête spatiale, suit l’épopée de la mission Apollo 11. Il est l’un des auteurs des « Messages de bonne volonté » rédigés par des dirigeants de la planète et emportés par les astronautes. Il leur consacre l’Angélus du 13 juillet 1969, et rend hommage à l’audace des hommes au point de « marquer le sommet de leurs conquêtes et d’en laisser présager d’autres, dont même l’imagination ne parvient pas aujourd’hui à rêver ». « L’homme, cette créature de Dieu, plus encore que la Lune mystérieuse, au centre de cette entreprise, se révèle. Il se révèle géant. Il se révèle divin, non en soi, mais dans son principe et son destin. Honneur à l’homme, honneur à sa dignité, à son esprit, à sa vie ».

Le 20 juillet 1969, il adresse un message aux astronautes américains venant tout juste de poser le pied sur la Lune : « Honneur à vous, hommes qui êtes artisans de la grande entreprise spatiale ! Honneur à tous ceux qui ont rendu possible le plus audacieux des vols ! » Il les reçoit trois mois après leur retour.

Le pape Jean-Paul II, accueillant en 2001 de futurs docteurs en astronomie, déclare souhaiter que leurs recherches « conduisent à comprendre les mystères de l’Univers et de sa Création » et contribuent à la construction d’un monde plus humain, prenant en compte l’homme comme élément intégral dans l’Univers.

Le 21 mai 2011, événement inédit, le pape Benoît XVI converse en direct avec les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS) durant une vingtaine de minutes par liaison satellite audio et vidéo.

Ces astéroïdes qui portent des noms de jésuites

Si les messages ou les interventions des papes marquent leurs époques, ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à l’espace. Les astronomes de l’Observatoire du Vatican ont été mis à l’honneur. Ainsi, plus de trente astéroïdes portent aujourd’hui les noms de jésuites astronomes. Parmi ces astéroïdes, un nom à retenir, celui de Giovanni Battista Riccioli (1598-1671) qui a mis au point le système de nomenclature lunaire encore utilisé aujourd’hui comme la célèbre « mer de la Tranquillité » où Apollo 11 a atterri en 1969.

Les derniers noms ont été attribués le 7 février 2023 par le groupe de travail sur la « Small Bodies Nomenclature » de l’International Astronomical Union. Parmi cette liste :

– l’astéroïde « 562971 Johannhagen », en hommage à Johann Hagen (1847-1930), directeur de l’Observatoire du Vatican de 1906 à 1930 ;

– l’astéroïde « 551878 Stoeger », en hommage à Bill Stoeger (1943-2014), cosmologiste et théologien de l’Observatoire du Vatican ;

– l’astéroïde « 565184 Janusz », en hommage à Robert Janusz (1964), toujours membre de l’Observatoire ;

– l’astéroïde « 560974 Ugoboncompagni », en hommage à Ugo Boncompagni (1502-1585), connu sous le nom de Grégoire XIII, réformateur du calendrier appelé plus tard grégorien, et initiateur de la tradition des papes astronomes et observateurs ;

– l’astronome jésuite Christophorus Clavius (1538-1612), que Grégoire XIII avait chargé de travailler au projet de calendrier, a aussi un astéroïde à son nom : « 20237 Clavius ».