Il est difficile de définir avec précision la nouvelle étape d’une guerre lorsque les initiateurs d’une offensive gardent le silence sur sa portée précise et réservent vraisemblablement des surprises, dans un conflit qui en a déjà connu beaucoup. En dépit du « silence opérationnel » ordonné par Kiev, il semble toutefois confirmé, samedi 10 juin – six jours après l’annonce unilatérale russe du déclenchement d’une série de violents combats par les forces ukrainiennes –, que la guerre est entrée dans une nouvelle phase.
Des affrontements ont ainsi été rapportés, au fil de la semaine, dans trois secteurs principaux : le front de Zaporijia, dans le sud du pays ; le front sud de la province de Donetsk, dans le Donbass ; et les flancs nord et sud de Bakhmout, la ville du front oriental théâtre de la plus longue bataille de la guerre. Certaines de ces attaques peuvent être destinées à tester des lignes de défenses russes extrêmement fortifiées et d’autres à réaliser des percées, deux intentions qui peuvent également aller de pair. En revanche, certaines attaques peuvent avoir pour seul objectif de tromper l’ennemi.
Un des paradoxes des derniers jours est que les seules avancées ukrainiennes confirmées ne viennent pas des fronts stratégiques de Zaporijia et du sud de la province de Donetsk, mais de Bakhmout, la ville que la Russie avait annoncé avoir conquis le 20 mai, mais où les combats sur les flancs n’ont en fait jamais tout à fait cessé.
Bakhmout, « l’épicentre des hostilités »
Dans sa première vidéo diffusée après l’annonce russe du lancement de nouvelles hostilités, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky – ironisant par ailleurs sur le fait que « l’ennemi sait que l’Ukraine va gagner, il le voit, il sent », – a uniquement cité, dans son discours du 5 juin, la ville du Donbass : « Reconnaissance envers tous nos guerriers, tous nos défenseurs… Et en direction de Bakhmout : bien joué ! » Le président a répété, le 8 juin, la même phrase dans sa vidéo nocturne : « Bakhmout : bien joué ! » Comme pour donner raison à l’état-major ukrainien qui, en dépit d’une défaite dans les quartiers urbains, se refuse à considérer ce front comme gelé et la ville comme perdue.
Dans une guerre où, par ailleurs, chacun cherche à déstabiliser son ennemi autrement que dans le combat frontal, d’autres événements peuvent aussi être liés à cette nouvelle phase de la guerre, dans un mélange de facteurs psychologiques et militaires. Le premier est l’incursion, depuis le 1er juin, de rebelles russes anti-Kremlin venant d’Ukraine dans le sud de la Russie. Le second est la destruction, le 6 juin, du barrage et de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, sur le fleuve Dniepr, en amont de Kherson, qui a créé un choc en Ukraine.
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