Accueil

Politique Droite
Libéral, bâtisseur, étatiste : 50 ans après sa mort, pour les politiques, c'est à chacun son Pompidou
50 ans après sa mort, l'ancien président de la République jouit d'une Pompidou-mania à droite.
UNIVERSAL PHOTO/SIPA

Libéral, bâtisseur, étatiste : 50 ans après sa mort, pour les politiques, c'est à chacun son Pompidou

Pom-Pom-Pidou

Par

Publié le

Alors qu’il est souvent le dernier cité dans la courte liste des présidents de la Ve République, Georges Pompidou – mort il y a 50 ans, jour pour jour ce mardi 2 avril – jouit d’une nouvelle popularité dans le personnel politique. Cinquante ans après sa mort, chacun s’approprie la facette pompidolienne qui lui convient.

« Tout le monde est multiple », disait Georges Brassens. Pompidou l’était peut-être un peu plus que les autres, d’où la largeur de l’éventail des hommes et femmes politiques qui revendiquent son héritage et en font l’éloge aujourd’hui, tandis que ce mardi 2 avril marque le cinquantième anniversaire de sa mort. À rebours d'ailleurs de l’amnésie autour des legs de l’Auvergnat dans l'opinion. Du président perçu comme libéral à l’homme du peuple, en passant par le banquier et l’homme de lettres et d’arts en tous genres, la figure du natif de Montboudif semble couvrir toutes les nuances de droite républicaine. Et rayonner jusqu’aux ors de l’Élysée macronien.

Pompidou le libéral… vraiment ?

Au premier rang des récupérateurs de l’image du vieux président, on trouve le maire de Cannes, David Lisnard, qui publie, avec l’historien Christophe Tardieu, Les leçons de Pompidou, aux éditions de l’Observatoire à l'occasion du demi-siècle de la mort de l’ancien président. Libéral parmi les Républicains (LR), le Cannois encense pourtant un homme doté d'une vision interventionniste de l’État.

Ainsi, au cœur de sa ligne dirigiste, on trouve principalement sa planification du développement industriel, de 1971 à 1975, accouchant notamment du « turbotrain » qui deviendra le fameux TGV.

Dans les secteurs de l’économie liés aux ressources et à l’énergie, Pompidou a, là encore, préféré un capitalisme d’État à un État laissant libre champ au capitalisme.

Il s’est également fermement opposé à toute idée de décentralisation, un temps mise en avant par de Gaulle, avant sa défaite de 1969. Incisif, son ancien Premier ministre est même allé jusqu’à fustiger l’Europe des régions, la qualifiant d’ « étrange retour à un passé largement révolu, celui du Moyen Âge et de la féodalité ».

A LIRE AUSSI : De la start-up à la IIIe République en passant par Pompidou : comment l'esthétique macronienne remonte le temps

« Il y a un certain anachronisme à vouloir faire de Pompidou une sorte de libéral, par opposition à un de Gaulle étatiste », juge Arnaud Teyssier, historien et auteur de L'énigme Pompidou-de Gaulle (Perrin). « Je le présenterais plutôt comme un conservateur éclairé, qui avait le sentiment que la société française devait évoluer sur un certain nombre de sujets comme les questions sociétales. »

Pompidou, l’homme du peuple

D’aucuns reconnaîtront une forme de romantisme audiardesque dans la personnalité de Georges Pompidou, dont beaucoup soulignent la bonhomie naturelle, l’attachement à son territoire et la proximité avec son temps et ses contemporains les plus « populaires ».

Les photographies de Pompidou marchant dans sa cour avec ses bûches sous le bras, ou la cigarette à la main au volant d’une Citroën DS sont presque aussi populaires que celle de Jacques Chirac resquillant dans les travées du métro parisien. Son ministre corrézien ne se cachera d'ailleurs jamais du lien presque filial qui l'unissait au successeur de de Gaulle, qu'il pleurera devant les objectifs des photographes à sa mort, en 1974.

C'est d'ailleurs à Jacques Chirac que Georges Pompidou aurait adressé sa sortie la plus populaire, son fameux « Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ». Et la postérité de cette repartie a sans doute influencé un certain Emmanuel Macron. Car celui que l’on présentait en 2017 comme un candidat sans programme ni colonne vertébrale idéologique s’est en effet souvent inspiré de la verve pompidolienne, jusqu’à citer la saillie de son prédécesseur (presque) au mot près : en 2022, dans les colonnes du Parisien, alors que les campagnes de vaccination contre le Covid-19 se succédaient, le président de la République avait assumé sa volonté d'« emmerder les non-vaccinés ».

A LIRE AUSSI : De ministre du Covid à médecin esthétique : Olivier Véran, le macroniste de gauche autodiagnostiqué

Près de deux ans plus tard, le même poussera l’anachronisme et la volonté de faire peuple sur le sujet de la voiture. Interrogé par TF1 et France 2 sur ses mesures de planification écologique, naturellement en contradiction avec le modèle de voiture individuelle qui s’est imposé en France depuis des décennies, celui-ci s’est fendu d’un « on est très attachés à la bagnole. On aime la bagnole. Et moi, je l’adore. »

Si ce « parler vrai » manque d’authenticité, l’historien Arnaud Teyssier voit en cette inspiration une « nostalgie d’une France qui vivait fans une certaine quiétude, une nostalgie des années de Gaulle qui ne dit pas son nom ». Mais l’auteur de L’énigme Pompidou-de Gaulle rappelle que Georges Pompidou – contrairement à Emmanuel Macron – était réellement perçu comme quelqu’un d’abordable, de par son origine sociale de classe moyenne supérieure et par son contraste avec le « drapé qui entourait de Gaulle ».

Georges l'amateur d'art

C’est une offense tant historique qu’algorithmique. Lorsqu’un utilisateur tape « Pompidou » dans la barre de recherche de Google, il tombe d'abord sur les horaires d’ouverture et le site officiel du musée Beaubourg. Peut-être une forme d’hommage de l’entreprise californienne à l'épaisseur artistique et culturelle de l’ancien Président ?

Auteur d’une Anthologie de la poésie française sans cesse rééditée, Pompidou s’est imposé comme l’un des présidents les plus férus d’art, en particulier le plus contemporain, d’où l'impulsion qu'il a donnée à la création d'un centre d'art moderne en plein Paris. Mais ce goût mêlant le classique et le moderne n’a pas trouvé de nouveau porte-drapeau dans le personnel politique actuel.

A LIRE AUSSI : De Georges Pompidou à Anne Hidalgo, "le mauvais goût transcende les clivages politiques"

« Il n’y a pas d’équivalent, analyse Arnaud Teyssier, Mitterand avait une dimension littéraire qu’on lui reconnaissait, mais Pompidou était profondément cultivé, profondément littéraire. Il est l’auteur d’un discours majeure à l’occasion du 100e anniversaire de Sciences Po Paris, où il dresse une apologie de la culture générale, de l’histoire, de la littérature, de la connaissance des civilisations. »

Pour l’historien, le manque de reprise contemporaine de cette dimension culturelle est un signe que la politique « est entrée dans une sorte d’anesthésie idéologique. Toute cette culture a cédé la place à une politique un peu lénifiante. »

Pompidou, l’homme d’État

Comme le natif de Montboudif, Édouard Philippe a toujours juré ne pas vouloir être candidat à l’élection suprême face au président qui l’a placé sur le devant de la scène, à ses côtés. Édouard Philippe rêve-t-il pour autant d’être le Pompidou que Macron n’a pas su être ? Le maire du Havre s’est régulièrement amusé de ses rares points communs avec son illustre prédécesseur à Matignon, notamment lorsqu’il était interrogé sur ses ambitions personnelles.

A LIRE AUSSI : "On me traite de vendu" : ces élus issus de l’immigration qui tentent de lisser l’image du RN

Mais dans les périodes creuses du macronisme, difficile pour le Havrais de ne pas vouloir tirer la comparaison, en se voyant successeur naturel de son bienfaiteur politique initial. En 2018 déjà, Jean-Luc Mélenchon comparait Philippe à son lointain prédécesseur, pour mieux tirer sur la présidence de la République, le qualifiant de « chef de rechange » de la droite libérale : « La monarchie présidentielle ne fonctionne qu’avec un maître absolu. De Gaulle n’a plus été De Gaulle quand Pompidou a paru mieux maîtriser la situation que le général, parti d’une manière fantasque à Baden-Baden. Il y a du Pompidou dans cet Édouard Phillippe tempérant les foucades d’un Jupiter de Saint-Martin. »

L’ancien « PM » se prépare en tout cas à l’élection présidentielle de 2027, avec la volonté de passer et pour patient et pour pragmatique. Encore un admirateur du vieux Georges ? Ils se comptent décidément par dizaines à droite.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne