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Européennes : l'inquiétante liste « Free Palestine Party »

TRIBUNE. Aux élections européennes, la liste Free Palestine Party entend porter politiquement « la voix sacrifiée des Palestiniens ». En France, c’est l’Union des démocrates musulmans de France (UDMF) qui participe à cette liste. L’historien et essayiste Marc Knobel interroge la finalité de ce mouvement.

Marc Knobel , Mis à jour le
Un drapeau de la Palestine.
Un drapeau de la Palestine. Sipa USA/SIPA / © Paul Weaver

Dès la fin des années 90, il existait quelques groupuscules politiques musulmans, comme l’éphémère Parti des musulmans en France (PMF). Celui-ci avait été créé en 1997 à Strasbourg pour « libérer les musulmans de l’influence du Parti socialiste », qualifié alors de parti « sionisé » et de droite par son fondateur, Mohamed Latrèche, un antisioniste militant qui multipliait les dérapages antisémites.

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Le PMF avait pour objectif d’accompagner « la mutation de 7 millions de musulmans qui vivent en France et qui ont renoncé à leur retour dans leur pays d’origine. » À cette fin, il propose de redéfinir la laïcité, qu’il jugeait « trop proche de l’athéisme ».

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En 2012, Nabib Azergui, un Nanterrien d’origine marocaine, fonde l’Union des Démocrates Musulmans de France (UDMF). La formation se qualifie d'« anticolonialiste, anti-impérialiste et antisioniste ». Elle nie tout aspect communautaire, assure vouloir représenter l’ensemble des Français, mais est un mouvement controversé qui inquiète l'exécutif comme une partie de l'opposition.

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De quoi s’agit-il exactement ? Pour l’UDMF, le « musulman » était devenu « un argument électoral majeur et récurent dans la vie politique de notre pays. Le RN (ex FN) en a fait son unique cheval de bataille en vendant à la surenchère, la peur et le danger des musulmans. Il a islamisé tous les sujets. Le RN a été rejoint depuis par la droite décomplexée et la gauche caviar ».

C’est ainsi que l’UDMF annonce qu’être « démocrate et musulman, c'est embrasser un combat permanent pour l'égalité et la liberté en s'opposant aux politiques qui présentent la visibilité des musulmans comme une menace et une incompatibilité envers les principes républicains ». C’est ainsi que, dernièrement, en 2022, le parti présente 85 candidats aux élections législatives, mais la quasi-totalité des candidats de l’UDMF se retrouvent sous la barre des 1 %.

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La liste entend porter politiquement « la voix sacrifiée des Palestiniens »

Mais voilà qu’à la mi-avril 2024, l’UDMF annonce s’apprêter à déposer une liste pour les élections européennes, comme elle l’avait fait en 2019. Cette liste est baptisée Free Palestine Party. La liste entend porter politiquement « la voix sacrifiée des Palestiniens » et l’UDMF explique qu’elle résulte d’une coalition en vue des européennes avec des représentants de cinq autres pays, dont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suède, où résident des communautés arabo-musulmanes importantes démographiquement. Par ailleurs, des discussions sont en cours avec des représentants des musulmans en Grèce. Cette coalition est donc portée en France par l’UDMF.

Mais est-ce une première ? Non. En 2004, en Île-de-France, une liste singulière pour les élections européennes est baptisée « Euro Palestine » ; « l’humoriste » antisémite controversé Dieudonné y figure en troisième position. Mais cette liste est critiquée au sein même de la mouvance pro-palestinienne et en octobre 2004, Dieudonné annonce qu’il se retire de la dynamique engagée par la liste aux élections européennes. Finalement, Euro Palestine obtient 1,83 % des voix, mais beaucoup plus dans certaines villes (8,6 % à Trappes, par exemple) et notamment en Seine-Saint-Denis, (7,2 % à La Courneuve).

Quel est le programme de Free Palestine Party ?

La coalition de Free Palestine Party présente le 19 mars son programme à Bruxelles, programme que nous venons de consulter. Les deux premières pages du programme concernent la question palestinienne. Et, même si la coalition dit appuyer l’idée d’une solution à deux États, FPP dit exiger « un changement radical de la diplomatie Française et Européenne ».

« Nous exigeons [EXIGEONS, en majuscule dans le texte] l’interdiction de ventes d’armes et d’équipements militaires à Israël, l’embargo sur les produits israéliens et l’interdiction de tout commerce avec Israël, l’interdiction pour tout citoyen européen de tout engagement dans l’armée israélienne sous peine de poursuite pour crimes de guerre, la fermeture de l’espace aérien européen à l’aviation israélienne, des ports de l’UE aux bateaux israéliens, des routes de l’Union aux transporteurs israéliens, l’exclusion d’Israël de toute compétition internationale et européenne comme les JO de 2024 ou la ligue des champions de football. »

Le programme comporte plusieurs volets particulièrement radicaux, comme le boycott d’Israël

Cet aspect du programme comporte donc plusieurs volets particulièrement radicaux, comme le boycott d’Israël, le désinvestissement en Israël et des sanctions tous azimuts. D’autres mouvements comme le BDS militent pour le boycott d’Israël, mais il s’agit généralement d’associations militantes engagées politiquement et qui sont proches de l’extrême-gauche. Elles ne s'adressent pas qu'aux seuls musulmans. Là, par contre, cette radicalité qui vise à exclure totalement Israël des relations avec l’Union européenne et cet antisionisme revendiqué ont pour objectif de séduire et de rassembler une frange substantielle de l’électorat musulman, parce que beaucoup de musulmans seraient solidaires généralement de la cause palestinienne et, depuis les bombardements de Gaza, ne cesseraient de se mobiliser.

Mais, pour élargir son socle électoral et ne pas seulement se focaliser sur le conflit israélo-palestinien, le programme du FPP comporte également un volet environnemental qui est assez vaste et des volets démocratiques, éthiques et solidaires. Par exemple, dans le point 2.3 du programme, Free Palestine Party entend lutter contre « l’influence des lobbies » et des « lobbyistes usant de leur influence afin de contourner les lois ou d'infléchir des directives à venir ». Mais, le volet 3.1.2 entend « lutter contre le contrôle au faciès et discrimination ethnoreligieuse », car selon le FPP, ce sont «les personnes d’origine maghrébine qui sont le plus discriminé en raison de leur appartenance «supposée» à la religion musulmane».

FPP réclame également « le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales » et dans le point 6.1, « une loi pour combattre l’islamophobie ». FPP précise que cette loi « condamnera toute diffusion de discours de haine envers la communauté musulmane et permettrait, notamment en France, au ministère de l'Intérieur de dissoudre toutes associations ou groupements islamophobes, tous médias qui exploitent cette littérature islamophobe pour se faire du profit en véhiculant des théories complotistes dangereuses (à l'exemple de la théorie du grand remplacement) ».

Mais voilà… Ce terme (islamophobie) a été forgé par les islamistes, propagé et banalisé par eux et imposé dans le débat public par ceux-ci et leurs alliés. Or, comme l'explique le journaliste et l’écrivain franco-algérien Mohamed Sifaoui, c’est un terme qui atrophie considérablement le débat. Car l’on pourrait considérer qu’un dessin de presse porté par un journal satirique contre une religion, en l’espèce la religion musulmane, est un acte d’islamophobie, donc un acte raciste. Enfin, j’ai relevé que dans le point 7.1, le FPP souhaite « la mise en place d’un comité d'éthique pour contrôler l'indépendance de la presse ». Étrange proposition, faite sous le prétexte que la presse française est contrôlée par les grands groupes industriels et financiers.

L'électorat musulman fluctue et ne se mobilise pas forcément que pour la question palestinienne

Reste à savoir si le FPP séduira au-delà d’une frange mobilisée identitairement, religieusement et politiquement et/ou radicalisée dans cette communauté ? Personnellement, j’en doute. Les exemples précédents montrent que cet électorat fluctue et ne se mobilise pas forcément que pour l’unique question palestinienne. Si l’appartenance religieuse a un rôle essentiel dans le choix du candidat chez les musulmans, le résultat du premier tour de l'élection présidentielle de 2022 montre que la stratégie de Mélenchon à l'adresse de la communauté musulmane a été payante.

Selon un sondage Ifop pour La Croix, 69 % des citoyens de religion musulmane ont voté pour… Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Pourquoi voteraient-ils pour une liste plutôt marginale s’ils se sentent si bien représentés par Jean-Luc Mélenchon et LFI ? À moins que, pour les élections municipales de 2026, l'UDMF -avec ou sans free Palestine Party- ne rebondisse. En vérité, ne serait-ce pas leur vrai objectif, l'ancrage aux municipales et dans les banlieues ? 

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