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Fatiha Boudjahlat : « Partout où l’islam n’est pas contentionné par le droit, il se traduit par la persécution des femmes »

TRIBUNE. Le gérant d’un magasin Geox du centre-ville de Strasbourg est la cible de menaces de mort et d’accusations d’islamophobie sur les réseaux sociaux après avoir refusé une intérimaire voilée. L’essayiste Fatiha Boudjahlat s’inquiète de cette société où la vertu décide de votre valeur.

Fatiha Boudjahlat , Mis à jour le
Image d'illustration.
Image d'illustration. SIPA / © Alain Robert

Se distinguer. Provoquer. Se victimiser. Mettre en danger autrui : c’est le cycle infernal de la conjonction de l’ostentation religieuse islamique et du narcissisme nourri par les réseaux sociaux. C’est ce qui s’est encore produit aux dépens du gérant d’un magasin Geox, à Strasbourg.

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Une jeune fille intérimaire, qui avait déjà travaillé dans ce magasin, qui connaissant donc le règlement. Elle a filmé le directeur pendant qu’il appelait l’agence intérimaire pour refuser la situation. Il précise que le règlement intérieur de l’entreprise Geox interdit le port de tout couvre-chef. Il faut entendre la jeune fille ricaner à plusieurs reprises. Elle est en mission. Elle fait son show. La vidéo est publiée sur les réseaux sociaux, elle est fière. Puis, elle débriefe son acte d’héroïsme dans une autre vidéo.

En détournant la phrase popularisée par une vidéo tournée par des enseignants dans un lycée francilien : « Je suis voilée, bien sûr que… ». Elle y explique que son voilement est récent. Elle demande des astuces pour bien faire son hijab sur sa tête. Elle jubile. Distinction, provocation, victimisation, jubilation. Et tant pis pour la mise en danger de ce responsable de magasin et des autres employés, qui ont reçu des menaces et que protège désormais une voiture de police.

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Très vite les islamistes et les gauchistes, sont intervenus pour hurler au racisme et à l’islamophobie

Très vite les islamistes et les gauchistes, pseudo-activistes des droits humains, sont intervenus pour hurler au racisme et à l’islamophobie. Ils savent pourtant que cette accusation tue. Mais, et c’est nouveau, d’autres influenceurs comme Bassem ont critiqué cette jeune fille. Sa provocation. La mise en scène et en spectacle de sa vertu. S’afficher quand le voilement doit dissimuler. Cette exaspération rassure. Il faut le dire : nous n’en pouvons plus de ces provocations permanentes. De ces « coups de pression » sur les entreprises, avec appel au boycott, dénigrement public. Nous ne pouvons plus de cet étalage de vertu ostentatoire. De ces accusations d’islamophobie.

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Que dire à cette jeune fille ? Qu’elle joue contre son camp ? Qu’elle met en danger ces personnes ? Elle le sait. Cela lui importe peu. C’est son petit Djihad à elle. Elle fait le buzz.

Je préfère m’adresser aux pseudo-féministes qui ont pris position pour elle, au nom du droit des femmes à s’habiller comme elles l’entendent. Celles-ci défendent une dignité à géométrie variable ; pour elles, une dignité totale et un combat de tous les instants contre la société française patriarcale. Pour les non-blanches, une dignité qui s’arrête au tapis de prière et le patriarcat arabo-musulman sanctuarisé. Elles combattent l’universalisme qui n’est qu’occidental, elles entérinent donc le fait que le féminisme est ethniquement différentié et qu’il se réduit à se battre pour défendre ses doits… dans les limites fixées par les hommes de la communauté. Elles mettent en avant le Droit, elles mettent en avant les droits civils. Elles ont tort.

D’abord au niveau du Droit : La cour de Justice de l’Union européenne a déjà statué qu’une entreprise pouvait tout à fait exiger de ses employés la neutralité politique et religieuse pourvu que cette exigence soit précisée dans le règlement intérieur de l’entreprise et justifiée. La Cour européenne des Droits de l’homme a aussi rédigé des résolutions dans lesquelles elle affirmait que le voilement était peu compatible avec la dignité et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Dans la réponse à une requête de condamnation de la loi de 2010 interdisant de couvrir son visage, la CEDH statue que la liberté de religion ne « protège pas n’importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d’une manière dictée ou inspirée ou inspirée par sa religion ou ses convictions. » La CEDH a également reconnu le droit d’un État à défendre un mode de sociabilité et de civilité pour la Nation.

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Le multiculturalisme n’est pas l’alpha et l’oméga des sociétés modernes

Le multiculturalisme n’est pas notre modèle de société et il n’est pas l’alpha et l’oméga des sociétés modernes. Nos sociétés européennes permettent de pratiquer librement sa religion. Les femmes musulmanes, voilées ou non, y conduisent, y travaillent, s’y associent, sortent. Mais cessons d’être hypocrites. Si elles le peuvent, ce n’est pas parce que l’islam et les imams le permettent. C’est parce que nos États de Droit empêchent les religieux de brimer les femmes. Leur modèle, c’est l’Iran, c’est l’Arabie saoudite. Partout où l’islam n’est pas contentionné par le Droit, il se traduit par la persécution des femmes et des minorités.

D’autre part, si votre choix de pratique religieuse, votre choix d’orthopraxie vous empêche de saisir une opportunité sociale ou économique comme un emploi, ce n’est pas l’entreprise ou la société qu’il faut accuser et combattre, c’est à vous d’assumer votre choix d’orthopraxie, c’est à vous ou à vos imams qu’il faut vous en prendre. Le spécialiste et critique du multiculturalisme Brian Berry avançait deux autres arguments essentiels : Une loi votée au nom de l’intérêt général peut pénaliser plus un groupe sans pour autant être injuste.

Nos lois ne sont pas discriminatoires parce qu’elles ont des effets différenciés : c’est la religion qui est discriminatoire et fait peser sur les filles et les femmes des prescriptions sans fin qui entrent nécessairement en conflit avec nos législations imposant l’égalité en droits en dignité entre les femmes et les hommes. Enfin, l’effet des politiques multiculturelles, qui font de la religion et des religieux les plus radicaux les juges de paix et les arbitres de nos droits, est toujours de faire disparaître la diversité à l’intérieur des communautés minoritaires. Il n’y a qu’une façon d’être musulmane, c’est d’être hypermusulmane.

C’est la société de surveillance de toutes par toutes. Vous êtes pudique ou impudique, pure ou pute

C’est la société de surveillance de toutes par toutes, de toutes par tous, où la vertu décide de votre valeur. Vous êtes pudique ou impudique, pure ou pute. Est-ce que la marque Geox infléchira son règlement intérieur à la suite de ce bad buzz ? C’est le choix fait par bien des entreprises. Qui prennent un risque économique. Puisque la religion est omniprésente, où s’arrêteront les exigences de ces vertueuses ridicules ? La mixité homme-femme ? L’aménagement des horaires en fonction des prières et pendant le Ramadan ? Parce que nous sommes rentrées dans l’ère du « Par respect pour ma foi, tu ne devrais pas… »

COMBATTRE LE VOILEMENT : ABAYA, HIJAB, BURQUA DE FATIHA BOUDJAHLAT, LEXIO/ LE CERF, AVRIL 2024, 8,50
COMBATTRE LE VOILEMENT : ABAYA, HIJAB, BURQUA DE FATIHA BOUDJAHLAT, LEXIO/ LE CERF, AVRIL 2024, 8,50 © LEXIO/ LE CERF

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