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Dev Patel, le John Wick indien

BADASS. Le réalisateur, scénariste et acteur britannique signe un film d’action jouissif.

Stéphanie Belpêche
Dev Patel, méconnaissable en boxeur infiltré dans la pègre indienne.
Dev Patel, méconnaissable en boxeur infiltré dans la pègre indienne. © Universal Studios

En 2009, Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, success story d’un gamin des bidonvilles vainqueur du jeu télévisé « Qui veut gagner des millions ? », décroche huit Oscars. Et propulse un garçon de 15 ans à la silhouette longiligne et au regard magnétique sur le devant de la scène : Dev Patel. Né en banlieue de Londres, au Royaume-Uni, de parents kényans d’origine indienne, il a été révélé par la série britannique pour adolescents Skins avant de tenter l’aventure du grand écran.

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Puis il trace sa route discrètement, donnant la réplique à Judi Dench (Indian Palace), Hugh Jackman (Chappie) ou Nicole Kidman (Lion). Avant de livrer une performance impressionnante dans Attaque à Mumbai (2018) d’Anthony Maras, thriller haletant qui retrace les attentats terroristes de novembre 2008.

« Je veux que le public en ait pour son argent»

Il récidive aujourd’hui dans le genre en signant Monkey Man, dont il est le scénariste, le réalisateur, l’interprète et le producteur aux côtés de Jordan Peele, le nouveau maître de l’horreur aux états-Unis (Get Out, Us, Nope). On y découvre un homme de 33 ans au corps affûté, maître en arts martiaux, prêt à en découdre. Métamorphosé. Il raconte l’histoire d’un écorché vif surnommé « Kid » qui subsiste en disputant des combats de boxe illégaux à Mumbai, le visage couvert d’un masque de singe évoquant Hanumān, dieu du panthéon hindouiste et patron des lutteurs. Il dissimule ainsi son désir de vengeance, sa colère et son désespoir, ayant assisté enfant au meurtre sauvage de sa mère par des miliciens. Il infiltre une organisation criminelle qu’il suspecte d’être à l’origine du drame…

Certains films ont érigé l’action en art avec une audace et une radicalité résolument jouissives, comme Kill Bill : Volume 1 (2003) de Quentin Tarantino, The Raid (2011) de Gareth Evans et John Wick (2014) de Chad Stahelski. Offrant aux spectateurs une bonne décharge d’adrénaline avec des affrontements chorégraphiés au millimètre près et exécutés par des acteurs-combattants chevronnés. Dev Patel applique la même formule à Monkey Man, une immersion dans les bas-fonds de la ville gangrénée par la pègre.

La mise en scène évolue à mesure que le héros prend de l’assurance : d’abord caméra à l’épaule et montage saccadé pour retranscrire la confusion qui l’anime, sa fébrilité, son sentiment d’échec ; l’image se stabilise ensuite, gagne en fluidité et ose même le plan séquence à distance quand Kid est en pleine possession de ses moyens et domine ses peurs. Parfois un peu démonstratif, ce récit initiatique captive par son incroyable vitalité, son atmosphère poisseuse, son spectacle décomplexé et cathartique.

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Dans le palace londonien où il assure la promotion du long métrage, Dev Patel irradie de fierté face aux critiques dithyrambiques. Avec Monkey Man, il dévoile une facette inédite de sa personnalité. « Je pense que les gens vont être choqués devant ce nouvel avatar, qui a subi un traumatisme dans son passé et porte depuis une souffrance qui le conduit à des accès de rage fulgurants, admet-il. J’ai présenté mon projet au cinéaste et ami Neill Blomkamp, il m’a lancé que tout était dans ma tête et que je devais l’écrire et le diriger moi-même. Il m’a insufflé la confiance nécessaire pour sauter le pas. Je n’ai plus regardé en arrière. » 

Tout s’est déroulé de manière organique et naturelle. Avec comme spécificité d’ancrer son propos dans un contexte social qu’il connaît : le fossé entre riches et pauvres amplifié par le système des castes en Inde, les minorités massacrées pour s’emparer de leurs terres. « Il fallait que l’intrigue ait du sens, une âme, une résonance avec l’actualité, poursuit-il. Je parle de lutte des classes, de brutalité policière, de violence à l’encontre des femmes, du lavage de cerveau opéré par les dirigeants sur le peuple. »

Le comédien a sculpté son corps pour accomplir lui-même 95 % de ses cascades, supervisées par le spécialiste français Brahim Chab, formé par Jackie Chan. Dev Patel, pour sa part fan de Bruce Lee, n’est pas parti de rien : ceinture noire de taekwondo, il a été médaillé d’or à plusieurs reprises lors de compétitions durant sa jeunesse. « Idéal pour calmer et canaliser le gosse atteint d’un déficit de l’attention et d’hyperactivité que j’étais, confie-t-il. J’ai dû me remettre en forme en m’entraînant et en suivant un régime de patates douces, de saumon et de laitue trois fois par jour durant neuf mois. J’avais une doublure, mais je n’en faisais qu’à ma tête : je me suis cassé plusieurs orteils et la main, déchiré l’épaule. » 

Alors qu’il tournait dans une région boisée en Indonésie, il a dû prendre un petit avion pour consulter en urgence un médecin à Jakarta. Avant de recommencer de retour sur le plateau. « Je veux que le public en ait pour son argent et tombe de son siège. (Rires.) Monkey Man dit la nécessité de savoir qui on est. Peut-être que j’ai enfin trouvé ma voie… »


Monkey Man, de et avec Dev Patel, Sharlto Copley. 2 heures.

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