La base militaire américaine à Grafenwoehr, dans le sud de l'Allemagne, ciblée par les espions russes en vue d'éventuels actes de sabotage.

La base militaire américaine à Grafenwoehr, dans le sud de l'Allemagne, ciblée par les espions russes en vue d'éventuels actes de sabotage.

AFP

La dernière preuve de la campagne de déstabilisation menée par la Russie en Europe. Les autorités allemandes ont annoncé ce jeudi 18 avril l’arrestation de deux espions russes présumés, soupçonnés d’avoir voulu commettre des actes de sabotage y compris contre l’armée américaine pour soutenir le "régime criminel de Poutine" dans sa guerre contre l’Ukraine.

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Les deux hommes, qui possèdent les nationalités allemandes et russes, ont été interpellés à Bayreuth, ville de Bavière dans le sud-est du pays, a précisé le parquet anti-terroriste dans un communiqué. Identifiés comme Dieter S. et Alexander J, ils sont accusés d’avoir effectué des repérages pour des cibles potentielles en vue d’attaques, dont des "installations des forces armées américaines" stationnées sur le sol allemand. Selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, la grande base américaine bavaroise de Grafenwoehr, où des soldats ukrainiens sont formés à l’utilisation de chars américains de combat Abrams, était notamment dans le viseur des deux espions.

La ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser a salué le travail des services de sécurité qui ont "empêché de possibles attentats à l’explosif qui devaient frapper et saper notre aide militaire à l’Ukraine". "Il s’agit d’un cas particulièrement grave d’activité présumée d’agents pour le régime criminel (du président russe Vladimir) Poutine", a-t-elle dénoncé sur son compte X.

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L’affaire a d’ores et déjà des conséquences diplomatiques : la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock a fait convoquer l’ambassadeur russe à Berlin, a indiqué un porte-parole de son ministère.

Liés aux renseignements russes depuis octobre 2023

Des policiers ont également perquisitionné les domiciles et les lieux de travail des deux hommes mercredi. Concrètement, ils sont soupçonnés "d’avoir été actifs pour un service de renseignement étranger" dans ce que les procureurs qualifient eux aussi de "cas particulièrement grave" d’espionnage.

Le principal accusé, Dieter S., échangeait ainsi des informations avec une personne liée aux services de renseignement russes depuis octobre 2023 en vue d’éventuels actes de sabotage sur le territoire allemand. "Les actions visaient en particulier à saper le soutien militaire apporté par l’Allemagne à l’Ukraine contre la guerre d’agression russe", ont déclaré les procureurs.

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Dieter S. se serait également déclaré prêt auprès de ce contact à "commettre des attentats à l’explosif et des incendies criminels, principalement contre des infrastructures militaires et des sites industriels en Allemagne". À cette fin, il a rassemblé des informations sur des cibles potentielles, pris des photos et tourné des vidéos de certaines cibles potentielles comme des transports et des équipements militaires, puis aurait ensuite communiqué ces informations à son contact. Alexander J. s’est joint à lui à partir de la fin mars 2024, selon le parquet.

Dieter S. est également accusé d’appartenir à une organisation "terroriste" étrangère, les procureurs le soupçonnant d’avoir été un combattant d’une milice armée séparatiste de la "République populaire de Donetsk", dans l’est de l’Ukraine, entre 2014 et 2016.

Des campagnes de déstabilisation qui se multiplient

L’Allemagne ne va pas se laisser "intimider", a déclaré la ministre de l’Intérieur, ajoutant que son pays, plus gros fournisseur européen d’armes à Kiev, continuerait "à soutenir massivement l’Ukraine". L’annonce de ces arrestations intervient alors que le ministre de l’Economie Robert Habeck effectue ce jeudi une visite surprise à Kiev.

Ce n’est pas la première fois que l’Allemagne fait face à des affaires d’espionnage présumé pour le compte de la Russie, notamment depuis le début de l’invasion de l’Ukraine au début de l’année 2022. Un ancien agent secret allemand est actuellement jugé à Berlin pour avoir transmis des informations classées secrètes aux services de sécurité russes (FSB) à l’automne 2022, accusation qu’il nie catégoriquement. En novembre 2022, un Allemand a été condamné à une peine avec sursis pour avoir fait passer des informations aux services de renseignement russes alors qu’il travaillait comme officier de réserve pour l’armée allemande. Non loin de l’Allemagne, en Autriche, c’est un ancien agent secret qui a été arrêté il y a quelques semaines, soupçonné d’avoir "systématiquement" fourni des informations à la Russie moyennant rémunération.

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"Nous savons que l’appareil du pouvoir russe prend également pour cible notre pays, nous devons réagir à cette menace de manière déterminée", a commenté le ministre de la Justice Marco Buschmann. "Poutine fait la guerre en Europe et contre les valeurs européennes - et cette guerre n’est pas seulement menée sur le sol de l’Ukraine. Les cyberattaques de Moscou et les attaques hybrides contre l’Occident ne sont pas nouvelles", pointe le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. Alors qu’en France également, les campagnes de désinformation russe se sont nettement multipliées ces derniers mois pour essayer d’effriter le soutien à l’Ukraine, cette nouvelle affaire outre-Rhin rappelle que la Russie s’en prend bien directement à l’Ouest. N’en déplaise aux fidèles courtisans du Kremlin.

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