Finito la bambochePourquoi Attal répond « autorité » quand on lui dit « jeunesse » ?

Mais pourquoi Gabriel Attal répond-il « autorité » quand on lui parle de la jeunesse ?

Finito la bambocheViolences des mineurs, défiance de l’autorité et comportements asociaux… Le discours du Premier ministre sur la jeunesse s’adresse d’abord aux « boomers », analyse le professeur en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet
Gabriel Attal aime quand la jeunesse plante des arbres avec lui.
Gabriel Attal aime quand la jeunesse plante des arbres avec lui. - E. Blondet / Pool /SIPA / Sipa
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Gabriel Attal a tenu ce jeudi une conférence de presse sur la jeunesse, intitulée « Pour un sursaut d’autorité ».
  • Un discours du Premier ministre qui « n’est pas destiné aux jeunes, qui votent peu, mais à son vrai électorat, la génération des boomers », analyse pour 20 Minutes Philippe Moreau-Chevrolet, président de MCBG Conseil.
  • Cette persévérance à parler de la jeunesse par le prisme de l’autorité marque aussi un « un virage historique de la société française », poursuit le spécialiste.

«La bamboche, c’est terminé », a dit un jour de pandémie un préfet de la République, pointant des jeunes peu respectueux du confinement. On peut y voir une traduction politique avec les annonces de Gabriel Attal sur la jeunesse faites ce jeudi depuis Viry-Châtillon, là même où le jeune Shemseddine a été battu à mort il y a peu. Avec un maître-mot au menu : « autorité ». Il a été répété 32 fois au cours de son discours, au milieu d’une batterie de mesures coercitives poussant dans le sens du SNU et de l’expérimentation de l’uniforme.

Autant dire un nouveau sermon qui ne fait pas vraiment plaisir à entendre du point de vue d’un ado qui claquerait la porte en criant : « T’façon, quand on te parle de jeunesse, tu réponds “autorité” ». Le tout avant d’appeler son père Gabriel – par son prénom, donc –, en marque de défiance.

Les jeunes, de solution en 2017 à problème aujourd’hui

Mais misons que Gabriel Attal s’en moque – dans le fond ou au moins politiquement –, de la réaction des jeunes. « A vrai dire, le discours du Premier ministre n’est pas destiné aux jeunes, qui votent peu, mais à son vrai électorat, la génération des boomers », analyse pour 20 Minutes Philippe Moreau-Chevrolet. Un discours qui, selon le professeur en communication politique, vise d’abord à tenter de « contrer la hausse du RN », lequel caracole en tête dans les intentions de vote pour les élections européennes du 9 juin prochain.

Au-delà de ces considérations électorales – soit la principale raison de ces annonces, dixit Philippe Moreau-Chevrolet – ce discours marque aussi une évolution au sein de la macronie : « On est passé de 2017, le discours de la jeunesse comme solution, les start-up, à une identification de la jeunesse comme un problème qu’on va résoudre avec un uniforme, un simili de service militaire et moins de jeux vidéo ».

Pourtant, avec un président âgé de 46 ans et un Premier ministre de dix ans son cadet, la France n’avait jamais eu un couple exécutif aussi junior. « Le plus jeune président de l’Histoire nomme le plus jeune Premier ministre de l’Histoire. Je ne veux y voir qu’un symbole, celui de l’audace », disait lui-même le chef du gouvernement lors de son arrivée à Matignon, en janvier. « Un corps de 30 ans avec des idées de vieux : c’est la définition des boomers, et Gabriel Attal en est une sorte d’avatar », tranche pourtant le politologue.

Retour « à avant Mai-68 »

Sur la route empruntée par la France, les virages ont été nombreux. Et celui d’aujourd’hui serait le signe d’une « génération des boomers qui a décidé de se replier sur elle-même ». Dit autrement, selon Philippe Moreau-Chevrolet, une volonté de retour « à avant Mai-68. Ce discours rappelle ceux qu’on entendant dans les années 1960. Peut-être est-ce cela, au fond : la volonté de refermer la parenthèse 1968 ».

Une volonté déjà fermement exprimée, sans parvenir à la mettre en œuvre, par Nicolas Sarkozy, lequel avait déclaré vouloir « liquider » l’héritage de Mai-68. On retrouve encore le discours de vieux tenu par un jeune, qui flatte les souvenirs des plus anciens : « La nostalgie devient un courant politique », observe le politologue.

Aussi, en faisant de « l’autorité la condition de l’émancipation des jeunes », comme il le disait ce jeudi, Gabriel Attal traduit une prise de pouvoir de la « frange conservatrice du macronisme au détriment de la libérale. Le “en même temps” est mort depuis quelque temps », poursuit Philippe Moreau-Chevrolet.

Reste à savoir si électoralement, ce sera payant. Le risque pour la macronie serait de faire glisser une partie de l’électorat vers les socialistes de Raphaël Glucksmann, qui les talonnent dans les sondages pour les européennes. « Et pour les jeunes qui votent RN, je ne suis pas sûr de l’effet », doute le spécialiste. Sauf « à leur préparer idéologiquement le terrain pour 2027 ».

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