ProcèsLe gérant du « chenil de l’horreur » se défend d'être un « tortionnaire »

Lille : « Mauvais gestionnaire, pas tortionnaire », le gérant du « chenil de l’horreur » se défend

ProcèsLors de la première journée d’audience à propos de l’affaire du chenil de Wavrin, dans le Nord, les mis en cause pour « cruauté envers les animaux » ont fermement nié les faits
Le procès du chenil dit « de l'horreur » de Wavrin, dans le Nord, s'est ouvert, au tribunal de Lille, ce jeudi 18 avril 2024.
Le procès du chenil dit « de l'horreur » de Wavrin, dans le Nord, s'est ouvert, au tribunal de Lille, ce jeudi 18 avril 2024.  - G. Durand / 20 Minutes
Gilles Durand

Gilles Durand

L'essentiel

  • Les gendarmes ont découvert, en avril 2022, 122 chiens dans des conditions d’hygiène déplorables dans un chenil à Wavrin, dans le Nord.
  • Didier D., le principal mis en cause, et ses deux fils comparaissaient, ce jeudi au tribunal de Lille, notamment pour « cruauté envers des animaux ».
  • L’enquête a révélé des vidéos et témoignages de techniques de dressage « moyenâgeuses » extrêmement violentes utilisées sur les chiens, ce que nient les prévenus.

C’est une vidéo de quelques secondes, un peu saccadée. On y aperçoit un berger malinois en train de se débattre, étranglé par un lien contre la grille de sa cage. Un plan montre également une partie du grillage défoncé. Cette vidéo provient du portable de Didier D., un des principaux mis en cause dans l’affaire dite du « chenil de l’horreur », à Wavrin, dans le Nord.

Le prévenu, sans sourciller, explique : « Il s’agit d’une intervention d’urgence sur un chien qui était en train de démolir sa cage. » Selon lui, les images devaient servir à justifier l’intervention si l’animal, confié par un particulier, avait été blessé. « Il est toujours en vie », assure-t-il pour démonter les critiques.

Pas moins de 83 puces d’identification retirées sur des chiens

Ainsi s’est défendu, ce jeudi, devant le tribunal de Lille, Didier D., 59 ans, propriétaire de ce chenil, mais aussi d’un centre de dressage et de formation pour agents cynophiles, voire d’un élevage. Autant de structures qu’il se partageait avec ses fils Yohan et Loïc, également mis en cause, notamment pour « cruauté envers un animal domestique ».

« Je suis mauvais gestionnaire, pas tortionnaire. » Lors de cette première journée de procès, Didier D. n’a pas dérogé de cette ligne de défense, minimisant son rôle. En avril 2022, les gendarmes avaient découvert, lors d’une perquisition, 122 chiens installés dans des « conditions d’hygiène déplorables » et pas moins de 83 puces d’identification retirées sur des chiens sans autorisation, laissant présager un trafic.

Un jeune chien malinois était également retrouvé congelé, victime d’une facture du crâne. Une pratique habituelle parfois baptisée ironiquement « Picard », à en croire les échanges SMS entre les prévenus : « Puce enlevée au Picard », « Si c’est pour gagner 100 euros, elle va au congélo »… Mais là non plus, aucun prévenu n’a assumé.

« En dix ans, d’exercice, je n’ai jamais vu ça »

Tous ces éléments vont néanmoins conduire le ministère public à engager des poursuites. D’autant que pas grand-chose ne semblait fonctionner dans les règles au sein de ce chenil multifonctions : soupçons d’abus de biens sociaux, de falsification de documents ou encore de travail dissimulé.

Mais ce sont surtout les témoignages d’actes de maltraitance qui émaillent ce dossier jugé « marquant » par la directrice d’enquête de la direction départementale de la Protection des populations (DDPP). « En dix ans, d’exercice, je n’ai jamais vu ça, notamment sur les techniques de dressage moyenâgeuses », explique-t-elle à la barre.

« Vous avez été victime d’un complot ? »

Car en parallèle des images d’étranglement du malinois, un témoignage évoque aussi le fait que Yohan D. s’est vanté d’avoir chronométré le temps qu’un chien mettait pour mourir par étranglement : « 2 minutes et 37 secondes ». « Une invention pour me dénigrer », rétorque l’intéressé. Un autre témoignage parle de « l’hélicoptère », une technique qui consiste à faire tourner l’animal par la laisse avant de le claquer au sol. « Les délires d’un ancien salarié qui cherche à me nuire », se défend Didier D., qui le traite de « pauvre con ».

« Vous avez été victime d’un complot ? », demande alors le président. « Les accusations viennent toutes des mêmes sources », répond le prévenu. Visage sévère, ton autoritaire, ce dernier ne se démonte jamais, niant tous les éléments de l’enquête qui pourraient l’accabler et reportant souvent la responsabilité sur ses fils. « Si j’étais vraiment le boss, on n’en serait pas là », évoque-t-il.

« On est au café du commerce »

Pour Me Jérôme Pianezza, son avocat, la tâche consiste, en effet, à restreindre la responsabilité de son client. « Il n’y a aucun témoignage direct dans cette affaire. On est au café du commerce », lance-t-il avant d’ajouter que « les autorités acheteuses, qui venaient régulièrement sur place, n’ont jamais dénoncé aucun signe de maltraitance ». Ces « autorités acheteuses », ce sont l’armée et les forces de l’ordre qui se fournissaient en chiens de dressage chez Didier D.

Une raison pour laquelle le site a pu bénéficier d’une certaine mansuétude ? La directrice d’enquête de la DDPP avoue « avoir reçu régulièrement des signalements de particuliers » et que « chaque tentative de contrôle s’est heurtée à des refus du propriétaire des lieux ». Ouvert en 1987, le site a pu prospérer plus de trente ans, sans problème. Jusqu’à ce qu’une gendarme du secteur se décide, un jour, à enquêter. Le procès doit se terminer vendredi.

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