BFMTV est ciblée à son tour par une opération de désinformation russe

C'est une vidéo d'une cinquantaine de secondes qui commence à circuler sur la messagerie chiffrée Telegram à partir du 12 avril. Affublée du logo de BFMTV, la vidéo ressemble à s'y méprendre à une vraie production de la chaîne d'information en continu. Sauf qu'elle n'a jamais été publiée sur les canaux officiels de la chaîne et a été diffusée pour la première fois sur un canal de propagande prorusse sur la messagerie chiffrée Telegram.

En une cinquantaine de secondes, ce « faux » veut faire croire que des « enquêtes de la DGSI » ont été ouvertes à l'encontre de quatre journalistes des médias La Voix du Nord, France 3 Nord-Pas-de-Calais et BFMTV. Il leur serait reproché d'avoir documenté un cas de punaises de lit à l'hôpital d'Arras.

Selon la fausse vidéo, le service de renseignements français accuserait les journalistes d'avoir « alimenté la panique nationale autour des punaises de lit ». Ces derniers auraient été depuis « suspendus de leurs fonctions » par « leurs rédacteurs en chef »… L'objectif : faire croire qu'il n'y a pas de liberté de la presse ou d'expression en France.

À LIRE AUSSI Julien Nocetti : « La Russie a fait de l'Ukraine un laboratoire expérimental de ses actions cyber » Mais tout est faux. Si les quatre journalistes ont bien documenté le cas d'un patient qui s'est présenté le 9 avril aux services des urgences de l'hôpital d'Arras, ils n'ont pas été mis à pied par leur hiérarchie.

L'hôpital, lui, contrairement à ce qui est également affirmé dans la vidéo, n'a pas fermé ses portes. L'établissement a juste isolé dans un box le patient et suspendu l'admission de nouveaux patients pour seulement quelques heures le temps de désinfecter les locaux.

Chaos informationnel

Joints par téléphone, les journalistes s'amusent presque de ce faux grossier qui les implique nommément. L'un d'eux assure même dans un éclat de rire qu'il devrait se renseigner auprès de sa hiérarchie, car « il travaille peut-être à l'œil » en ce moment même.

Les rédactions, elles, sont loin de prendre les choses à la légère. À commencer par BFMTV, dont l'identité est directement usurpée. Contacté, Marc-Olivier Fogiel assure au Point que « les services juridiques d'Altice vont prendre les actions juridiques appropriées ». « Des processus sont maintenant mis en place pour remédier à ce genre de situation au sein de notre groupe », explique-t-il. Une démarche dans laquelle il devrait être accompagné par le journal La Voix du Nord, qui a également transmis la fausse vidéo impliquant un de ses journalistes à leur service juridique.

Cette fausse vidéo de BFMTV pourrait s'inscrire dans la lignée de celles qui ont également touché les rédactions de RFI, TF1, France 24 ou encore la télévision allemande publique Deutsche Welle depuis un mois.

Une stratégie qui, pour Alexandre Alaphilippe, directeur de l'ONG européenne de lutte contre la désinformation EU DisinfoLab, a pour objectif à long terme de « semer le doute sur la crédibilité des médias traditionnels et d'amener leurs lecteurs à douter, y compris de leur vrai contenu ». « Il s'agit de détruire encore plus la confiance des citoyens envers les médias et, en parallèle, faire monter des sources d'information dites « alternatives » qui vont, elles aussi, accroître le chaos dans l'espace informationnel », explique l'expert.

Enfin, ces fausses vidéos, si elles s'inscrivent dans une campagne plus large de déstabilisation de la France et des démocraties libérales, « ont aussi vocation à s'adresser à la population russe en leur faisant croire que, après tout, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs ».