Les Toulousains connaissent la musique

La Ville rose, qui rayonne musicalement depuis les troubadours, a été récompensée par un label Unesco.

Par et

Bigflo et Oli sur la scène du Stadium. Les deux rappeurs multirécompensés ont fait leurs classes au conservatoire de Toulouse.
Bigflo et Oli sur la scène du Stadium. Les deux rappeurs multirécompensés ont fait leurs classes au conservatoire de Toulouse.
© FRED SCHEIBER/SIPA

Temps de lecture : 7 min

«Tout pour la musique », chantait France Gall… Un refrain qui colle parfaitement à Toulouse, désignée Ville des musiques par l'Unesco en octobre 2023. Un prestigieux label qui, outre le fait d'être perpétuel, a le mérite de mettre en lumière une image de Toulouse méconnue. « À travers ce label, c'est toute la tradition musicale toulousaine et tout le dynamisme de nos talents toulousains qui se trouvent récompensés, note avec fierté Jean-Luc Moudenc. Toulouse est la ville du rugby, de l'aéronautique mais aussi de la musique… » Dans la ville de Nougaro, la musique n'est pas un vain mot. Et le nombre de Toulousains célèbres dans cet art a de quoi faire pâlir Bordeaux et Rennes, pourtant réputées pour avoir une scène musicale dynamique. De l'indétrônable Claude Nougaro au sémillant duo Bigflo et Oli en passant par Zebda, Cats on Trees mais aussi Bertrand Chamayou, Thibaut Garcia ou la jeune Juliette Mey, la Ville rose a offert et offre toujours un cocktail musical pétillant. Depuis la création des Victoires de la musique, en 1988, les musiciens et chanteurs toulousains ont placé Toulouse sur la première marche du podium en remportant 29 trophées.

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<STRONG>Optimiste. </STRONG>L’adjoint au maire Francis Grass veut croire que le Metronum va décrocher le fameux label Scène de musiques actuelles.</FIGCAPTION> ©  Lydie LECARPENTIER/REA
Optimiste. L’adjoint au maire Francis Grass veut croire que le Metronum va décrocher le fameux label Scène de musiques actuelles.
© Lydie LECARPENTIER/REA

Pour l'adjoint à la culture du maire de Toulouse, Francis Grass, ce foisonnement est le fruit de la tradition des troubadours, qui composaient en langue d'oc poèmes, satires, ballades avec un accompagnement musical. « Nougaro descend en ligne directe des troubadours occitans », assure Claude Sicre. Le chanteur des Fabulous Trobadors, duo de « rap patois » qui animait jadis la vie culturelle de son quartier, partageait une passion pour le Brésil avec Nougaro. « Sa musique est métisse, c'était un précurseur de la world music », dit-il. La scène musicale toulousaine partage cette biodiversité culturelle, du « classique » bel canto au tango en passant par tous ces refrains populaires entendus à la radio. En témoigne le riche programme de l'« année Nougaro », qui a débuté en mars dans la salle du quartier des Sept-Deniers par deux remarquables concerts mêlant violonistes classiques et cuivres de free jazz à l'initiative de Joël Saurin. De son côté, l'ancien bassiste du groupe Zebda a voulu revisiter un album oublié de Nougaro, Sœur âme (1971). Le musicien toulousain confie avoir surtout « voulu tordre le cou à l'idée que le français, langue littéraire, n'était pas indiqué pour être chanté ».

« Lancer des ponts »

« Toulouse est un carrefour avec une communauté de musiciens importante », s'émerveille Fabien Lhérisson. Arrivé l'an dernier à Borderouge pour diriger à la fois le Metronum et le festival de musique Rio Loco, ce quinquagénaire se déclare frappé par la richesse musicale toulousaine. « Il y a beaucoup de concerts et de festivals dans des genres très variés », constate celui qui a longtemps dirigé Le Plan, ex-temple du rock en Essonne, pour lequel il a décroché le fameux label Scène de musiques actuelles (Smac). Sa mission au Metronum ? Faire obtenir la même reconnaissance, attribuée par le ministère de la Culture, aux structures porteuses d'un projet artistique et culturel d'intérêt général dans le champ des musiques actuelles et qui déclinent le triptyque programmation de concerts, diffusion et accompagnement d'artistes. « Toulouse est la seule grande métropole de France à ne pas avoir de Smac alors même que nous disposons d'un vivier de musiciens, note Francis Grass, qui se veut optimiste. Cela ne devrait pas tarder… » En attendant, Fabien Lhérisson ne craint pas de « lancer des ponts » au-delà du rock en accueillant aussi les musiques du monde et du jazz à Borderouge. Les musiciens baroques de Michel Brun viendront même jouer du Bach dans ce temple des musiques amplifiées.

Le rock, le rap ou la musique électro ne sont pas les parents pauvres de la musique à Toulouse. Groupes, chanteurs et DJ se produisent dans de multiples salles privées, comme le mythique Bikini. Connue et appréciée par les amateurs de rock, cette salle privée, désormais installée à Ramonville, vient de fêter ses 40 ans. De nombreux artistes devenus célèbres y ont fait leurs débuts, comme les Rita Mitsouko, Mano Negra ou même Muse et Coldplay. Il y a aussi le Connexion Live de la rue Gabriel-Péri, en plein chantier de rénovation à la suite d'un changement de propriétaire. Ainsi que la nouvelle salle modulaire de 400 à 700 places qui ouvrira en septembre à la Cartoucherie. Initié par Gilles Jumaire, ancien patron de Bleu Citron, qui produit la plupart des concerts du Bikini, ce projet se présente comme complémentaire du Zénith voisin (doté de 9 000 places), inauguré en 1999. Présentée comme l'équivalent toulousain de L'Olympia et baptisée La Cabane, cette salle privée devrait abriter des concerts et des spectacles d'humour, sur le même créneau que l'amphithéâtre du casino Barrière, situé sur l'île du Ramier (1 200 places).

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<STRONG>Monde. </STRONG>Sur la scène du Zénith, Ibrahim Maalouf, qui y a donné plusieurs concerts…</FIGCAPTION>
Monde. Sur la scène du Zénith, Ibrahim Maalouf, qui y a donné plusieurs concerts…
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… et le groupe Scorpions.

« Le conservatoire de musique, l'un des meilleurs de France »

« L'atout maître de Toulouse est son conservatoire de musique, l'un des meilleurs de France. Il est l'un de ceux qui ont le plus d'élèves admis dans les conservatoires nationaux supérieurs de musique », note le mandoliniste Julien Martineau, directeur artistique du Festival de Toulouse. Le musicien, qui développe une carrière internationale de soliste à côté de son pupitre au sein de l'Orchestre national du Capitole, enseigne depuis 2005 son instrument au sein de l'école toulousaine. Il n'a pas manqué d'inscrire quatre jeunes prodiges toulousains de la musique classique au programme de la 3e édition de son festival estival, aux côtés de têtes d'affiche telles que Ibrahim Maalouf ou Kyle Eastwood.

C'est aussi l'avis de Michel Brun, qui a enseigné la flûte traversière et la musique de chambre baroque au conservatoire de Toulouse. Et le musicien de citer Marc Bleuse, l'ancien directeur, qui a marqué l'institution toulousaine de son empreinte entre 1992 et 2005. « Il avait une vision classique et élitiste de la musique, mais il a su faire du conservatoire un outil extraordinaire », reconnaît Michel Brun. Sous son impulsion, l'école, qui venait de quitter la rue Labéda pour aménager sur le site de l'ancien hôpital militaire Larrey, s'est hissée dans les premiers rangs à l'échelle nationale, formant chaque année plus d'une centaine de musiciens et de danseurs.

Le nouveau directeur, Michel Crosset, s'efforce depuis son arrivée, en 2021, de battre en brèche l'image trop élitiste à son goût de l'établissement, en multipliant les ouvertures vers le public et les concerts à l'auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines. Il ne manque pas d'ériger Bigflo et Oli, anciens élèves de l'école, en « ambassadeurs » du conservatoire. « Le conservatoire de Toulouse mériterait un statut d'établissement national, comme à Lyon », estime Jean-Christophe Sellin. L'ancien adjoint (LFI) de Pierre Cohen salue aussi l'action de l'association Music'Halle, qui offre des cours de rock et de musiques actuelles dispensés par des musiciens professionnels au sein de l'ancienne papeterie Job, dans le quartier des Amidonniers. Il pointe en revanche le manque de salles de répétition pour les groupes amateurs ou professionnels. « Il faudrait multiplier les salles comme le Metronum dans les quartiers périphériques. »

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<STRONG>Relève. </STRONG>Des écoliers toulousains se sont produits à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines au bout d’une initiation de six mois dispensée par des professeurs du conservatoire.</FIGCAPTION> ©  Lydie LECARPENTIER/REA
Relève. Des écoliers toulousains se sont produits à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines au bout d’une initiation de six mois dispensée par des professeurs du conservatoire.
© Lydie LECARPENTIER/REA

La construction d'une nouvelle salle de concert s'impose

Paradoxalement, la musique classique, qui assure une belle notoriété à la Ville rose, semble la moins chanceuse. L'Orchestre national du Capitole, qui réalise de nombreuses tournées en France et à l'international, n'est sans doute pas étranger à l'obtention du label Ville des musiques de l'Unesco. Il n'empêche : la promesse faite par Jean-Luc Moudenc à Tugan Sokhiev d'offrir un nouvel « auditorium » à l'orchestre s'est évanouie depuis que le ministère de la Justice a fait savoir que l'ancienne prison Saint-Michel n'était finalement plus à vendre Le chef russe, qui compte toujours des supporteurs dans la ville et parmi les musiciens, s'est brouillé avec le maire juste avant la fin de son contrat à cause de la guerre en Ukraine. Francis Grass veut croire que le très jeune chef finlandais choisi pour lui succéder saura faire oublier cet épisode. Tarmo Peltokoski doit prendre ses fonctions de directeur musical de l'Orchestre national du Capitole en septembre. « Le premier contact avec l'orchestre a été encore plus enthousiaste qu'avec Tugan Sokhiev », assure l'élu. Le « ministre de la Culture » de Jean-Luc Moudenc reconnaît toutefois que la Halle aux grains n'est plus au niveau de l'orchestre sur le plan acoustique. La construction d'une nouvelle salle de concert s'impose. La redéfinition du projet ne porte plus seulement sur un auditorium : le nouveau bâtiment ne sera pas exclusivement réservé à l'Orchestre du Capitole. La municipalité cherche un site pour édifier une « cité de la musique ». Mais aussi des crédits pour un projet « plus modeste que la nouvelle Philharmonie de Paris de Jean Nouvel » (plus de 300 millions d'euros). « On peut faire quelque chose de simple, de fonctionnel et d'esthétique, sans avoir la prétention de faire une œuvre d'art coûteuse », ajoute Francis Grass, qui espère que les recherches d'un terrain aboutiront rapidement. Afin que les Toulousains puissent « balancer leur tête comme de vraies mécaniques » en écoutant l'orchestre symphonique dans une salle à l'acoustique parfaite… §

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Commentaire (1)

  • chabadass

    Il est surtout temps de rénover le Capitole, les abonnés que nous sommes, sommes assis sur les mêmes sièges depuis au mois 20 ans ! Quand à l'acoustique de la Halle au Grains, elle ne pose pas réellement problème...