« Ces bombes détruisent complètement n’importe quelle position. Tous les bâtiments et les structures sont pulvérisés après l’impact d’une seule d’entre elles et ils en larguent soixante à quatre-vingts sur nous en une seule journée. Je vous laisse imaginer les conditions dans lesquelles nos soldats combattent », écrivait le 16 février sur X Egor Sugar, l’un des défenseurs ukrainiens d’Avdiïvka, quelques heures avant de battre en retraite avec ses camarades.
C’est un champ de ruines que les forces russes ont investi le lendemain, au terme de quatre mois de siège et de bombardements d’une intensité sans précédent. Mais la prise de cette localité de l’oblast de Donetsk, qui pourrait ouvrir la voie vers les grandes agglomérations de Kramatorsk et de Sloviansk, est l’une de leurs victoires les plus éclatantes.
Les bombes dites planantes, dont parle Egor Sugar, ont joué un rôle décisif dans cette bataille, et elles continuent depuis à semer une telle terreur dans les tranchées ukrainiennes que nombre d’observateurs voient en elles l’arme la mieux à même de faire pencher la balance en faveur de Moscou, après des mois d’immobilisme. L’armée russe en largue désormais en grand nombre sur la ville de Tchassiv Yar, l’un des derniers remparts sur la route de Kramatorsk.
Leur pouvoir destructeur, associé à la supériorité numérique des Russes, va probablement permettre aux troupes russes de percer les lignes de défense construites à grands frais depuis l’échec de l’offensive ukrainienne de l’été 2023, avertissaient au début du mois plusieurs officiers de haut rang, interrogés anonymement par le journal américain en ligne Politico.
Jusqu’à trois tonnes
Deux ans après le début des hostilités, l’armée russe aurait donc trouvé avec ces bombes planantes un moyen de faire la différence. Son arsenal en regorgeait pourtant depuis des décennies, puisqu’il s’agit de « bombes lisses » de l’ère soviétique appelées FAB, ou bombes hautement explosives, que les Anglo-Saxons surnomment « dumb bombs » (« bombes idiotes »), c’est-à-dire des bombes sans guidage, auxquelles ont été ajoutées des ailes dépliables après largage, qui leur permettent de planer, et un système de pilotage par satellite.
Ce kit, baptisé « module unifié de planification et de correction » (UMPK en russe), les transforme à peu de frais en KAB, ou bombes aériennes à trajectoire corrigée, des armes à la fois précises et dévastatrices avec leurs 500 à 1 500 kilogrammes d’explosif. Le ministre russe de la défense, Sergueï Choïgou, en a même dévoilé le 21 mars une version de trois tonnes, soit six fois la charge d’un missile Scalp-Storm Shadow franco-britannique, pour un coût sans aucune commune mesure.
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