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Problèmes de recrutement dans l'hôtellerie-restauration : "5 mois que j’attends de voir le bon candidat"

Sur les 230 000 déserteurs de l’hôtellerie-restauration pendant le Covid, près de cent mille n’y sont pas retournés depuis la fin de la pandémie. Ici, l'Intercontinental à Marseille.

Sur les 230 000 déserteurs de l’hôtellerie-restauration pendant le Covid, près de cent mille n’y sont pas retournés depuis la fin de la pandémie. Ici, l'Intercontinental à Marseille.

Photo Valérie VREL

Marseille

À trois mois des Jeux olympiques de Paris 2024, le secteur de l’hôtellerie-restauration, à Marseille, veut rattraper le manque de personnel consécutif à la crise Covid. Horaires aménagés, primes, formation en interne... les arguments pour convaincre les salariés de rester ne manquent pas.

En ordre de bataille. Alignées face à la Bonne Mère pour être une à une repeintes sur la terrasse de 1 200 mètres carrés, le ballet de chaises de l’Intercontinental marque le coup d’envoi de la saison touristique. L’effectif de l’établissement s’apprête à croître de 20 % jusqu’en septembre, avec 230 collaborateurs répartis entre plusieurs dizaines de métiers, de magasinier à assistant de direction.

Trois maillons de la chaîne, littéralement chargés de faire le bonheur des clients, manquent pourtant à l’appel, aux postes d’accueil, de réception et de conciergerie. "Le savoir-faire sur des postes techniques peut être facilement amélioré, mais le savoir-être fait partie du tempérament des candidats. C’est ce que nous valorisons le plus pour être au contact du client. La principale différence entre deux hôtels de luxe, c’est l’humain. C’est notre plus grand atout et nous en sommes conscients. C’est pour ça qu’on a agi sur deux leviers : la formation en interne et l’incitation à venir travailler avec nous", présente le responsable des opérations considéré comme le numéro 2 du palace, Aboubakr Hennou, qui a commencé il y a huit ans en tant que "simple" commercial dans le groupe américain.

40 % des effectifs en reconversion

"On ne veut se passer d’aucun filon de recrutement. Avec ’Teste un métier’, que l’on a développé avec France Travail, les candidats sont mis à l’essai quelques jours à l’hôtel pour que l’on regarde la manière dont ils interagissent avec la clientèle. En parallèle, ’Clashe tes stéréotypes’ s’adresse aux profils éloignés de l’école qui peuvent apprécier qu’on leur donne un cadre et qui voient assez vite leurs efforts payer. Le but, c’est d’attirer des gens qui n’auraient jamais pensé au luxe pour les former à la culture maison", illustre Émilie Hervé, la directrice des ressources humaines.

Ainsi, l’Intercontinental compte vingt stagiaires, quinze apprentis et 40 % de ses effectifs sont en reconversion ou en redécouverte de leur métier, un taux très élevé pour le luxe. Les candidats retenus sont formés en interne selon leur plan de développement personnel avant d’être invités à séjourner dans une chambre avec l’accompagnant de leur choix. En parallèle, ils bénéficient de primes indexées sur les performances, de remboursements à 80 % pour les transports doux et de 65 % pour les frais de santé, sans oublier les petits plus comme la double indemnité repas et les séminaires organisés dans les Intercontinental du monde entier.

"Je l’ai suppliée de rester"

Parmi les autres hôtels marseillais, le Mercure de la Canebière est aussi en proie aux difficultés de recrutement. "Je travaille dans ce secteur depuis longtemps et c’est la première fois pour moi que le recrutement est aussi difficile. En cinq mois, j’ai vu sept candidats pour le poste de commis pâtissier et j’attends toujours de voir le bon candidat. Selon l’expérience, c’est tout de même entre 1 700 et 1 800 euros net et les week-ends ne sont jamais travaillés. À la réception aussi, c’est dur d’enrayer le turn-over. J’avais la candidate parfaite, je l’ai suppliée de rester mais elle a préféré faire le tour du monde dans d’autres établissements", regrette Sylvie Mourges, la directrice générale de l’hôtel 4 étoiles.

En cause, le refus des jeunes candidats de faire leur journée de travail en deux services, ou celui de candidats plus expérimentés de finir tard et de se couper de leur vie de famille. Pour attirer les postulants, certains restaurants changent carrément leur manière de faire. "On offre des plages de travail sans coupure : tout le monde fait 8 h dans la journée entre 8 h et 20 h, grâce à notre offre de restauration en continu. En fait, on fait à l’inverse de tous les autres. Même les week-ends et jours fériés, on ferme les cuisines à 20 h", précise Alexandre, patron de la brasserie La Samaritaine, sur le Vieux-Port. Une manière pour l’hôtellerie-restauration de prendre en considération le bien-être de ses salariés. Et surtout prévenir la prochaine "grande démission", alors que le Covid avait fait perdre 23 % de ses effectifs à l’hôtellerie-restauration en France, pas encore reconstitués.