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"Brûler vif ce chien" : le jeune homme qui avait menacé de mort l’ex-proviseur du lycée Ravel déclare "regretter"
« Il faut le brûler vif ce chien », a publié le prévenu sur X, le 28 février dernier, en référence à l'ex-proviseur du lycée Maurice Ravel.
BERTRAND GUAY / AFP

"Brûler vif ce chien" : le jeune homme qui avait menacé de mort l’ex-proviseur du lycée Ravel déclare "regretter"

Laïcité

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Le jeune homme de 26 ans comparaissait ce 23 avril pour avoir déclaré sur X, le 28 février dernier : « Il faut le brûler vif ce chien », faisant référence à l’ex-proviseur du lycée Maurice-Ravel, dan le XXe arrondissement parisien. Ce dernier venait d’avoir une altercation avec une élève qui refusait d’enlever son voile dans l’établissement. Le jeune homme a indiqué « regretter » ces propos, en attendant le procès qui a été renvoyé devant la 17e chambre.

Des chaussures en cuir noir, un pantalon beige, un pull à col roulé gris, une paire de lunettes au nez. C’est dans ce style soigné que le prévenu du jour, un homme âgé de 26 ans, se présente à la barre de la 23e Chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Il comparaît pour avoir menacé de mort le désormais ex-proviseur du lycée Maurice-Ravel. Ce dernier avait été accusé par une élève de l’avoir violenté afin qu’elle enlève son voile, le 28 février dernier, dans ce lycée du XXe arrondissement parisien. La scène avait été relatée au prévenu par sa petite sœur, également scolarisée dans l’établissement. Il publie alors sur X : « Ma sœur m’a raconté tout à l’heure. C’est une dinguerie. Il faut le brûler vif ce chien. »

Depuis, la plainte de l’élève a été classée sans suite par le parquet de Paris comme dépourvue de tout élément matériel et totalement infondée. Le proviseur a, de son côté, déposé une plainte pour menaces de mort envers une personne participant à l’exécution d’une mission de service public. Le prévenu encourt jusqu’à 5 ans de prison et 45 000 euros d’amende. Le parquet de Paris l’avait déféré au tribunal en vue d’un jugement en comparution immédiate, le 12 mars dernier. Au tribunal, le jeune homme avait présenté ses excuses au proviseur, et réclamé un délai pour préparer sa défense.

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Placé sous contrôle judiciaire, ce dernier comparaissait libre aujourd'hui. L’ex-proviseur du lycée Maurice Ravel, qui a précipité son départ en retraite fin mars dernier, était absent pour des raisons de sécurité. Il était représenté par son avocat, le bâtonnier Francis Lec, qui s’est exprimé avant le début de l’audience : « Le proviseur se sent toujours menacé. J’espère que cette audience enverra un message fort, qui rassure toute l'Éducation nationale, de façon à assurer la continuité des valeurs républicaines auprès de nos élèves. » Francis Lec en a profité pour saluer la présence d’une poignée de parents et d’élèves du lycée Maurice-Ravel. « Cela témoigne de l’amitié, la solidarité et l’affection qu’ils portent au proviseur. »« Étudiantes en droit au sein du lycée, nous sommes là pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer, en regardant les faits. Mais également pour témoigner notre soutien au proviseur », confirment deux étudiantes âgées de 20 ans.

Lorsque l’audience débute, la juge note que les obligations imposées au prévenu par son contrôle judiciaire ont été respectées. Le jeune homme doit effectuer un pointage à un commissariat de police, chaque semaine. À cela s’ajoute une interdiction d’approcher le proviseur ainsi que le lycée. Est ensuite évoqué le profil de l’accusé, qui habite chez ses parents, dans le XXe arrondissement parisien. Son père est fonctionnaire dans un cimetière, il a deux sœurs et un casier judiciaire vierge. Il s’est distingué par des actions de bénévolat, notamment dans le soutien scolaire. Son implication lors de son service civique a « dépassé les attentes », note la juge.

« Cette affaire rappelle le drame Samuel Paty »

Où en est-il sur le plan professionnel ? Le jeune homme a signé un précontrat d’embauche. Il est également engagé dans un second processus de recrutement, bien que dans ce second cas, ses « chances se soient amoindries avec cette histoire », regrette-t-il. « Ça bouge pour lui et cela va prochainement se concrétiser », résume tout de même son avocat. L’avocat du proviseur, Francis Lec, questionne le prévenu sur les formations qu’il a suivies en matière d’usage des réseaux sociaux, lui qui est titulaire d’un master 2 en management, dans le but de devenir « manager de projet web digital », d’après ses propres termes. L’homme reste placide, répondant consciencieusement aux questions, les mains jointes au niveau du bassin.

La parole est ensuite à Francis Lec, dont la première pensée va à l’ex-proviseur du lycée Maurice Ravel : « Il a été pris dans un engrenage infernal à partir d'un mensonge de la part d'une élève, puis d'une sorte de blocus aux portes de l'établissement, qui réclamait sa démission. S’ensuit une flopée de menaces de mort dont le prévenu est responsable d'après sa propre reconnaissance des faits reprochés », rappelle-t-il.

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« Certains élèves ont cru pour partie à cette histoire, avant que l’on comprenne qu’il s’agissait d’un mensonge éhonté. Le déroulement de cette affaire rappelle le drame Samuel Paty. Il ne faut pas que ces affaires soient banalisées. En Normandie et dans les Bouches-du-Rhône, d'autres individus ont récemment proféré des menaces de mort », note le bâtonnier de Paris. L’accusé dispose du dernier mot de l’audience du jour : « Je tiens à représenter mes excuses au proviseur ainsi qu’à toutes les personnes que j'ai blessées. Je regrette évidemment les propos que j'ai tenus », a-t-il sobrement déclaré.

L’audience est renvoyée à la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, juridiction spécialisée dans le traitement des affaires liées aux atteintes à la liberté d'expression. Elle est notamment chargée d’examiner les cas de diffamation, d'injure et de provocation à la haine. « Il y a un fort décalage entre ce que l’on sait de la personnalité du prévenu et la violence regrettée des propos tenus. Il y a quelque chose à comprendre, et ce sera l'objet de l'audience suivante », a réagi l’avocat du jeune homme. Francis Lec a jugé ce renvoi « parfaitement justifié », saluant le maintien des mesures de contrôle judiciaire d’ici au 26 juin, date de l’audience.

« Nous ne sommes certainement pas dans une situation de sérénité retrouvée »

L’avocat du prévenu avait demandé que ses obligations de pointage soient revues à la baisse, d’une fois par semaine à une fois par mois. La juge a tranché : il devra se rendre au commissariat du XXe arrondissement parisien une fois toutes les deux semaines. « Dans le lycée, il y a beaucoup de musulmans, et de pratiquants d’autres religions. Les filles qui portent un voile l’enlèvent à l’entrée de l’établissement. Il y a beaucoup plus de problèmes pour les écouteurs aux oreilles que pour cela », relativisent deux étudiantes.

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Le syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN-UNSA) s’est également constitué partie civile et était représenté par Francis Lec lors de l’audience. À la sortie, Pascal Bolloré, responsable de la cellule juridique de l’organisation, déclare : « Il y a moins de quinze jours, le Collectif pour la lutte contre l'islamophobie en Europe (CCIE) communiquait sur l’affaire du lycée Ravel. Nous ne sommes certainement pas dans une situation de sérénité retrouvée. D’autant que nous avons le cas du lycée Romain-Rolland. » L’établissement d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) a lui aussi été le théâtre de menaces de mort proférées à l’encontre de son proviseur, après qu’il a exclu une élève qui refusait de retirer son voile.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne