Les effarantes agressions dont ont été victimes des élèves de la part d’autres jeunes, ces dernières semaines, montrent de manière dramatique l’échec des dispositifs mis en place depuis trente ans dans la lutte contre les violences scolaires. Et ce n’est pas la création de nouveaux « services de défense et de sécurité académiques », décrétée en avril lors d’une réunion avec les ministères de l’éducation, de l’intérieur et la justice, ni la volonté de Gabriel Attal de « remettre sur le droit chemin » les décrocheurs en les transférant en internat qui risquent de changer la donne. Cela ne fait que rajouter une énième mesure à la longue liste des précédentes, qui visent chaque fois à renforcer un peu plus les sanctions, les surveillances, la sécurité.

Il faudrait faire le bilan financier de ces politiques répressives qui se sont développées depuis les années 1990, de manière souvent assez démagogique. Elles finissent par instaurer entre le jeune et les éducateurs un face-à-face mortifère et sans fin : on ne pourra tout de même pas mettre un policier derrière chaque élève !

La violence qui s’exprime aujourd’hui dans les écoles n’est pourtant qu’un miroir déformé de la violence de notre société. C’est celle que l’on trouve dans les vidéos, les médias, les réseaux sociaux, l’agressivité verbale des politiques : tout cela constitue un environnement toxique qui déborde dans l’institution scolaire. Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale (entre 1997 et 2000) et face – déjà ! – à de graves cas de violences dans les écoles, avait décrété que lui se chargeait « de la violence des élèves dans les écoles », et que c’était au ministre de l’intérieur de « traiter leur violence en dehors »… Il avait tort. Il n’y a pas, d’un côté, ce qui est à l’intérieur et, de l’autre, ce qui se passe à l’extérieur. Ce n’est pas parce qu’un portail détectera les couteaux dans les poches des jeunes que l’on aura réglé le problème. C’est une culture à changer.

Dans les pays nordiques, des expériences d’éducation bienveillante, qui s’efforcent de bannir toute manifestation d’agressivité (des adultes comme des enfants) sont menées, avec succès. Après tout, on est bien parvenu à interdire la cigarette dans les lieux publics. Pourquoi pas les comportements violents ?

Pour autant, on n’échappera pas à la question de l’autorité. Depuis Max Weber, on sait que celle-ci ne peut s’imposer par la force brute. Les adultes, dans l’enceinte scolaire, doivent pouvoir donner des règles, expliquer et marquer les limites. C’est leur rôle. Mais comme toute autorité aujourd’hui, elle ne va plus de soi. Ces règles ont besoin d’être explicitées, pour être légitimées. L’autorité passe par le contrat, la mise en place de conseils, de lieux de parole, de discussions et de rappels des limites. La transgression doit être punie, mais cela ne suffit pas.

Une telle intériorisation des normes est difficile. Elle demande des moyens, du personnel, des classes restreintes… Pourtant, si l’on pense à tout ce qui a été englouti financièrement depuis trente ans en mesures de sécurité, ne serait-il pas temps d’investir, non plus dans le contrôle, mais dans l’éducation elle-même ? Pour remettre à l’honneur ce que l’on appelle la pédagogie.