Formation : les régions jouent la carte des filières locales

Les caractéristiques du tissu économique divergent selon les régions. Celles-ci l’ont bien compris et cherchent à adapter leurs stratégies en termes de formation à ces spécificités locales.

La région Nouvelle-Aquitaine a officiellement lancé le 5 avril dernier le projet Battena (Batteries en Nouvelle-Aquitaine). Une initiative qui fait suite à une candidature à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) "Compétences et métiers d’avenir" portée dans le cadre de France 2030 et qui vise à structurer une véritable filière de formation régionale autour du secteur des batteries. Le projet est né d’un constat : les entreprises de la filière peinent à recruter alors même que les besoins sont clairement identifiés, depuis les postes d’ouvrier, de techniciens jusqu’aux métiers de l’ingénierie. La région s’est donc saisie de la question et pilote ainsi le volet formation en lien avec la fabrication, l’utilisation et la maintenance des batteries, mais aussi les activités de recyclage et de réemploi. Avec l’ambition affichée de former 35.000 personnes à horizon 2030 à travers un dispositif qui regroupe aujourd’hui près de 200 formations "sous diverses formes : en présentiel, en visio, via des plateformes techniques mobiles, des escape games...".

Une soixantaine d’industriels du secteur sont d’ores et déjà partenaires du projet Battena, dont 24 engagés dans un consortium qui réunit la région, des établissements de formation et des écoles d’ingénieurs, avec la volonté de développer des formations nouvelles adaptées depuis le niveau Bac-3 jusqu’à Bac+8, "sur toute la chaîne de valeur de la filière batteries". Le secteur, qui compte certains acteurs majeurs tels que Saft (filiale de TotalEnergies), Orano ou encore Solvay, emploie actuellement 3.000 personnes en Nouvelle-Aquitaine. Soutenu par la Banque des Territoires et l’Etat, le budget du projet Battena est estimé à 20 millions d'euros par an sur cinq ans.

La Bretagne parie sur le photovoltaïque

En Bretagne, c’est dans la formation aux métiers du photovoltaïque que la région souhaite investir. Une étude commanditée par la région et présentée le 26 mars dernier a mis en évidence "la nécessité d’accélérer la promotion de cette filière d’avenir pour attirer et former aux métiers du solaire". A ce jour, 255 entreprises ont été identifiées sur le territoire ainsi qu’une trentaine d’acteurs institutionnels et autres organisations professionnelles dans le domaine de la formation et de la recherche. Soit au total environ 2.000 emplois dont la moitié est circonscrite dans le département de l’Ille-et-Vilaine. Dans un marché "sous tension" où l’on trouve à la fois peu de candidats et peu de compétences, souligne l’étude, la région a donc clairement identifié "la formation professionnelle comme la première priorité en matière de photovoltaïque". Deux sessions de formation financées par la région ont d’ores et déjà été mises en place à titre expérimental à Quimper, ville où le centre Afpa local propose déjà une formation professionnelle longue d’installateur de systèmes photovoltaïques, et un module "photovoltaïque" a été intégré dans les formations d’électriciens et de couvreurs.

Un campus régional dédié aux métiers de l’habitat durable en Occitanie

En région Occitanie, la présidente Carole Delga a présenté le 29 février dernier un plan "Habitat durable" dans lequel un certain nombre de mesures sont inscrites devant "assurer des emplois de qualité" dans le secteur. La collectivité s’engage notamment à mettre sur la table 6 millions d'euros pour "populariser les formations pour les métiers de la transformation écologique et de l’habitat durable" à travers un partenariat avec la FFB régionale, la Capeb, l’Ordre des architectes, le pôle de compétitivité Derbi ou encore le cluster régional Cémater qui réunit les professionnels des énergies renouvelables et de l’habitat durable. Elle souhaite en parallèle accroître le nombre de formations dédiées aux nouveaux métiers de services de l’habitat durable (conciergerie, entretien des espaces verts...) en mettant 1,5 million d'euros sur la table. Mais le projet phare des années à venir en région Occitanie, c’est bien la création d’ici 2027 d’un campus régional dédié à la formation dans le secteur de l’habitat durable. Une structure qui sera implantée à Montpellier et qui proposera également des formations "adaptées" dans l’ensemble des départements concernés.

La Normandie, terre d’énergies

En Normandie, la région parie sur le secteur des énergies avec deux initiatives en lien, l’une avec le nucléaire et l’autre avec l’hydrogène. Dans la perspective du grand chantier de l’EPR2 de Penly, près de Dieppe, la région et EDF ont renouvelé en février dernier la convention cadre qui les unit et dont la précédente mouture avait permis dès 2018 la réalisation par les acteurs de la formation et les principaux donneurs d’ordre d’une "cartographie prospective" destinée à anticiper les besoins en matière de recrutements et de compétences dans la filière énergie. En outre, ce nouvel accord-cadre "clarifie le financement du projet 3NC (Normandie nucléaire nouvelles compétences)" lauréat de l’AMI "Compétences et métiers d’avenir" initié par l’État et qui ambitionne d’augmenter de 30 à 40% l’offre de formation de techniciens et d’ingénieurs spécialisés au bénéfice de la filière électronucléaire française.

Quant au domaine de l’hydrogène, il apparaît de plus en plus comme une opportunité que la région présidée par Hervé Morin entend saisir pour renforcer son attractivité économique. Les projets d’implantation d’électrolyseurs dans le vallée de la Seine sont nombreux (Air Liquide, Verso Energy, Engie, Lhyfe), poussant les acteurs locaux à poser les bases d’une filière de formation professionnelle dédiée à l’hydrogène décarboné, H2 Neutralité carbone. Une initiative labélisée Campus des métiers et des qualifications d’excellence et portée conjointement par l’Académie de Normandie, la région et plusieurs industriels locaux. Le projet offre la particularité d’associer deux sites, l’un à Vernon proche des installations du Campus de l’espace et l’autre près de Port-Jérôme-sur-Seine, lieu d’implantation du futur électrolyseur de 200 MW programmé par Air Liquide.