« Santosh », enquête sur un féminicide en Inde
Par Isabelle Danel
Publié le
Shahana Goswami dans « Santosh » de Sandhya Suri. HAUT ET COURT
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Critique Quand le coupable idéal n’est pas forcément le vrai coupable... Ce soir à 21h sur Canal+ Cinéma(s).
L’histoire ? Celle de Santosh, jeune veuve qui remplace, au sein de la police, son mari tué lors d’une manifestation et endosse, littéralement, son uniforme. C’est un droit réel, une mesure du gouvernement indien appelée « nomination compassionnelle », qui permet de plus en plus à des femmes de trouver un travail jusque-là réservé aux seuls hommes. Efficace, fine observatrice, Santosh est clairement une bonne recrue, prise en main par Sharma, commissaire à poigne arrivée à son poste par le même chemin qu’elle. Ensemble, elles enquêtent sur le viol et l’assassinat d’une adolescente issue d’un milieu pauvre.
Un mélange très réussi de polar sociétal et de film dossier
Interprétée avec une puissance contenue par Shahana Goswami, Santosh est notre guide effarée dans des méandres bourbeux où il faut parfois se salir les mains, où le coupable idéal n’est pas forcément le vrai coupable… Haine de la police considérée de tout temps à la botte des puissants, malversations souterraines, présupposés religieux et sociaux régissent ce monde immémorial de castes que nous découvrons à travers ses yeux. La réalisatrice nous donne des clés de compréhension sans tomber dans les travers du didactisme. « Il y a deux sortes d’intouchables dans ce pays, dit Sharma, fataliste, ceux que personne ne veut toucher, et ceux que personne n’a le droit de toucher. »
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Présentée au Festival de Cannes 2024 dans la section Un certain regard, cette première fiction de la documentariste indienne Sandhya Suri est un mélange très réussi de polar sociétal et de film dossier. Classique et élégant, malgré quelques longueurs, « Santosh » est d’une force remarquable. Car son point de vue est sans cesse sur le fil, déployant sa fiction entre deux eaux. Masculin et féminin, riches et pauvres, bien et mal. Entre pouvoir ancestral et nouveaux droits acquis de haute lutte. C’est d’un combat (encore) inégal qu’il s’agit ici, dont les armes s’inventent et se fabriquent au fur et à mesure. Pour le pire et pour le meilleur.