HABITAT INDIGNEChristian Nicol, « un lanceur d’alerte qui n’a pas été écouté » à Marseille

Marseille : « J’ai été un lanceur d’alerte sur le mal-logement qui n’a pas beaucoup été écouté », estime Christian Nicol

HABITAT INDIGNEAuteur d’un rapport brûlot et tristement prémonitoire peu avant le drame de la rue d’Aubagne, Christian Nicol revient sur la crise du mal-logement à Marseille qu’il avait décrite sans être véritablement entendu
L'état de délabrement de certains immeubles à Marseille après le drame de la rue d'Aubagne. Le 31 janvier 2019.
L'état de délabrement de certains immeubles à Marseille après le drame de la rue d'Aubagne. Le 31 janvier 2019. - Adrien Max / 20 Minutes / 20 Minutes
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • En 2015, Christian Nicol publiait à la demande du gouvernement un rapport et alertait sur la situation préoccupante à Marseille, frappée par le mal-logement.
  • Un rapport déterré avec colère au moment des effondrements mortels de la rue d’Aubagne.
  • Sept ans plus tard, le fonctionnaire, plutôt discret, revient sur son constat tristement prémonitoire, en marge des états généraux du logement.

Il prend le micro à la tribune sous des applaudissements nourris. En ce lundi après-midi, tout le monde dans la salle a entendu parler de ce haut fonctionnaire qui pourtant, parle peu. A Marseille, Christian Nicol n’est pas seulement un nom. Il est aussi, si ce n’est surtout, le nom donné à un rapport éponyme, en 2015. Un rapport qui dépeignait une situation catastrophique en matière de mal-logement dans une deuxième ville de France qu’on (re) découvrait, au fil des pages, rongée par les taudis. Les chiffres qui ponctuent ce rapport commandé par le ministère du logement de l’époque sont édifiants. Dans certains arrondissements du centre-ville de Marseille, comme le deuxième, la part de résidences principales privées potentiellement indignes avoisinait les 35 %.


« Tout le monde se foutait du centre-ville, tance Christian Nicol. La mairie à l’époque n’était pas intéressée par les habitants du centre-ville. Ils faisaient des opérations de rénovation de façades dans les beaux quartiers. » Le gouvernement de l’époque ne réagit pas non plus. « Du côté de l’Etat, ce n’est guère plus brillant que celui de la ville, regrette Christian Nicol. L’Etat peut se substituer aux collectivités défaillantes, pourtant. Et clairement, Marseille était défaillante… Et la région ou le département ne se sont jamais bougés. »

« J’étais considéré comme l’homme à abattre par Gaudin »

Sept ans plus tard, en ce premier jour des états généraux du logement organisés par la ville de Marseille, Christian Nicol parle en homme prémonitoire. En marge de la conférence qu’il a donnée sur invitation de la mairie, le fonctionnaire, plutôt discret, se montre désolé, devant les journalistes venus à sa rencontre. Tombé dans l’oubli des autorités, qui n’ont pris que peu de mesures après sa publication, le rapport du membre du Haut Comité pour le Logement des défavorisées a refait surface lorsque huit personnes ont perdu la vie dans l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne. On est alors au cœur du quartier délabré de Noailles, dans le premier arrondissement. La panique gagne la cité phocéenne, en même tant que les accusations d’inaction, teintées de colère. Partout, un leitmotiv : dans le rapport, tout était là, en filigrane.

« Les services n’ordonnaient pas de travaux d’office parce qu’ils avaient peur des responsabilités, se souvient Christian Nicol. Dans mon rapport, j’écrivais justement qu’en cas d’effondrement, ils auraient une responsabilité ! Et je suis prêt à parier que la ville de Marseille va être condamnée dans cette affaire. Le maire, sur ces questions, a un pouvoir de police ! »

Et de soupirer : « J’étais un lanceur d’alerte qui, comme beaucoup de lanceurs d’alerte, n’a pas été écouté parce que l’équipe municipale n’avait pas envie de se remettre en cause. Ils avaient l’impression qu’ils avaient tout bien fait. J’étais considéré comme l’homme à abattre par Gaudin. Par contre, quand il y a eu la rue d’Aubagne, ils ont eu des doutes, clairement. Mais ils n’ont pas fait grand-chose. »

Quatre ans après les effondrements, la crise du mal-logement est en effet toujours prégnante à Marseille, au point que la ville a décidé d’organiser ce grand événement dans l’espoir de faire émerger des solutions. « Une nouvelle municipalité est arrivée il y a deux ans et a commencé à réorganiser les services, notamment pour le signalement des immeubles dangereux, note Christian Nicol. Mais si elle a en face une opposition manifeste de la métropole (dirigée par la cheffe de file de l’opposition LR, Martine Vassal)… Quand Macron est venu à Marseille pour le plan Marseille en grand, il a dit qu’il voulait la fin des chicayas locaux. Qu’est-ce qu’il a fait pour y mettre fin ? » Ce mardi, le ministre du logement Olivier Klein réunira en préfecture les collectivités pour le lancement du comité de suivi du plan « Marseille en Grand » sur les questions d’habitat.

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